Reporters : Pour éviter la triche et la fuite des copie d’examens, l’Algérie a recouru cette année aussi à la coupure du débit Internet aux usagers. Est-il possible, selon vous, technologiquement de sécuriser les centres d’examen sans pénaliser tous les utilisateurs ?
Younes Grar : Oui la technologie existe. Il faut simplement constater que les pays développés ne coupent pas Internet pour assurer le bon déroulement des examens et éviter les tentatives de fraude. Ce n’est pas un problème purement algérien. Notre pays a, de ce fait, la possibilité de copier simplement les solutions adoptées à l’étranger pour pouvoir sécuriser les examens au niveau national. Il suffit de demander à ces pays, comme la Suisse ou le Canada, comment ils gèrent ce problème sans porter atteinte aux droits des citoyens ou de pénaliser les abonnés d’Internet. Il ne faut pas oublier qu’on subit des pertes qui se chiffrent à des centaines de millions de dollars chaque année pour une semaine de coupure. Maintenant, il y a aussi une autre question à débattre : n’y a-t-il pas d’autres modalités d’accès à l’université plutôt que l’épreuve du baccalauréat qui nous fait perdre de l’argent. Je pense que c’est l’occasion d’aborder ce sujet et de proposer ou de savoir si d’autres formules et modalités existent pour pouvoir accéder au palier supérieur sans passer cette épreuve. Maintenant, si la réponse est qu’on doit maintenir cet examen national, on est dans l’obligation d’investir dans des solutions pour ne pas nuire aux particuliers et aux entreprises.
Est-ce du ressort du ministère de l’Education nationale de trouver une solution à ce problème ?
Ce que je peux dire, c’est que le ministère de l’Education nationale, qui est responsable de l’examen du bac, s’il constate qu’il n’a pas les compétences nécessaires pour sécuriser ses examens, n’a qu’à lancer un appel aux compétences étrangères ou nationales pour résoudre ce problème. Si on a réellement besoin de ce bac, il faut trouver des solutions et c’est au ministère de décider par la suite quelle solution adopter. Laissez-moi vous dire qu’avant d’arriver aux salles d’examens, le parcours de la conception des sujets et de leur impression à un niveau central pose problème et qu’on peut résoudre en proposant des solutions à chacune de ces phases. De nos jours, on continue de transporter les sujets d’examens en mobilisant de la logistique au lieu de les envoyer aux centres d’examens via Internet. Il est beaucoup plus intéressant d’installer au niveau de chaque centre de déroulement un ordinateur qui reçoit les sujets d’examen avant le début de chaque épreuve pour les imprimer par la suite et les distribuer aux candidats sur place.
Il y a également d’autres solutions dans la conception des examens. On continue, depuis 50 ans, de mettre en conclave pour de longues semaines des inspecteurs et des enseignants pour choisir les sujets d’examens et sortir la version finale de l’examen en système A et B, alors qu’il y a des alternatives à cela.
Dans ce contexte de crise sanitaire, on parle et on opte pour le télétravail, l’enseignement à distance…
Si, en 2020, nous souffrons de coupure d’Internet, c’est qu’il y a un problème dans notre raisonnement ou dans celui du gouvernement. Imaginons une personne qui a investi sur des solutions électroniques et qu’il se retrouve privé d’Internet pendant une semaine, qui va lui rembourser les pertes qu’il a subies ? Il ne faut pas oublier que nous avons des sociétés dont l’activité principale repose sur Internet.
Et lorsqu’on parle de télétravail, on parle de visioconférence, de l’enseignement à distance, du e-consultation, pour ce faire il faut une bonne connexion internet et éviter de créer une fracture numérique.
S’agissant du télétravail, on y est déjà. Nous avons des entreprises actuellement dans le pays, notamment les multinationales, qui ont décidé de fonctionner à travers le télétravail, au moins jusqu’à la fin de l’année. Des travailleurs ont reçu des instructions de leurs employeurs de continuer de travailler de chez eux, ce qui est faisable. Mais si Internet est coupée ou que nous avons des perturbations, cela pose un gros problème et risque de porter préjudice à notre économie et de nous couper du monde.
A l’ère où on parle du paiement électronique et du paiement sur le mobile, on ne peut se permettre de ne pas avoir une bonne connexion pour opérer une transaction.