L’interprète de la chanson andalouse Beihdja Rahal a présenté, samedi dernier, à la salle des spectacles de la maison de la culture Mouloud-Mammeri, un poignant documentaire sur sa rencontre avec le maître de la chanson chaabi Cheikh El Hasnaoui le 29 mars 2001 à l’île de la Réunion, soit une année avant le décès de ce dernier, le 6 juillet 2002. Un témoignage  sur un artiste de nostalgie et incompris. Avec une voix pétrie d’émotion, Beihdja Rahal a confié, sur les ondes de la radio, que c’est à l’occasion  d’un concert  de musique andalouse, à l’île de la Réunion, qu’elle a  tenu  à retrouver l’artiste algérien exilé.  Son émotion était très forte quand elle l’a rencontré et partagé de précieux moments d’échanges avec lui. Elle ajoute que «ce qui me rend triste, aujourd’hui, c’est qu’il n’a pas réussi à réaliser son souhait de revenir en arrière pour chanter pour son public». Et enchaînant : «Mais je suis aussi heureuse, aujourd’hui,  de voir que la salle est pleine pour cet hommage. C’est très émouvant car c’est comme s’il était parmi nous ce soir.» A travers ce documentaire, basé sur des images d’amateur, illustrant  la rencontre entre la chanteuse andalouse et le chanteur kabyle, les présents ont découvert  la grande nostalgie qu’avait le Cheikh pour son pays et pour sa région natale Tizi-Ouzou, lui, qui, une année avant sa mort,  alors âgé de 91 ans et malade, rêvait de rentrer au «bled» pour y chanter. «Lorsque j’irais mieux et que mon état de santé me le permettra j’irais a Tizi-Ouzou et y animer une grande fiesta», a-t-il répondu à Beihdja Rahal, qui lui demandait s’il voulait bien chanter dans son pays. Sensible, il a ajouté : «Ici (à l’île de la Réunion), où je vis depuis 12 ans, je suis toujours un étranger.» A propos de cet événement culturel, la directrice locale de la culture Nabila Goumeziane a rendu hommage à Cheikh El Hasnaoui : «un symbole et un repère pour les férus de chaabi et qui a consacré sa vie pour la culture et pour la chanson algériennes». Lui, qui a vécu la plus grande partie de sa vie à l’étranger, n’avait jamais réussi à se couper de son pays. Ce sentiment d’être toujours  «un étranger» a poussé l’auteur de la célèbre chanson «la Maison blanche» à l’errance d’une ville à l’autre (Paris, Nice pour enfin se poser à l’île de la Réunion).  Sensible et spontané, il a déploré, dans le film, l’incompréhension dont il était victime de la part d’autres artistes de sa génération en France. «On m’avait fâché parce que je chantais dans des dancings», a-t-il dit avec amertume à Beihdja Rahal. Il avait arrêté volontairement sa carrière en 1968 et n’avait également pas oublié la réaction de ces mêmes artistes qui lui reprochaient d’avoir créé, en 1967, sa maison de disques.  «Lorsque j’ai créé ma maison de disques, on m’a dit ‘tu nous a laissé tomber’», selon ses dires dans le documentaire.  Il est à noter que la diffusion de ce film rentre dans le cadre d’une activité culturelle intitulée «Beihdja Rahal sur la trace de Cheikh El Hasnaoui», initiée par l’association culturelle Cheikh El Hasnaoui et la direction de la culture de Tizi Ouzou. Dans la matinée, Beihdja Rahal s’est rendu à Taâzibt, le village natal de Cheikh El Hasnaoui. L’après-midi a été consacrée à la diffusion du film de la rencontre entre les deux artistes. La manifestation a été clôturée par l’interprétation d’œuvres de Cheikh El Hasnaoui par le jeune chanteur chaabi Arezki Ouali, et un spectacle de chants de Beihdja Rahal en hommage à l’artiste disparu.n