Appelés à partir en retraite pour avoir atteint l’âge de 70 ans, des enseignants-chercheurs affirment qu’ils ont encore suffisamment d’énergie pour poursuivre leur contribution à l’encadrement pédagogique et de recherche dans les facultés. Ils sollicitent l’intervention de M. Tebboune.

Par Feriel Nourine
Le dossier de la mise en retraite des enseignants universitaires et des chercheurs ayant atteint l’âge de 70 ans n’est pas clos. Du moins pour ces derniers, qui se disent grandement pénalisés, mais conservent néanmoins l’espoir de voir les autorités ayant opté pour cette mesure revenir sur leur décision et leur permettre de poursuivre leur mission au-delà du 1er septembre prochain, date fixée pour leur départ en retraite.
Dans cette optique, un collectif d’enseignants et de chercheurs vient de rédiger une lettre à destination du président de la République, auquel il est demandé d’intervenir par voie d’un réexamen de cette décision qu’ils continuent à qualifier d’«illégitime».
«Monsieur le Président de la République, nous sollicitons aujourd’hui votre haute autorité pour le réexamen de cette décision illégitime qui porte un préjudice considérable à l’image de notre pays et qui constitue une grave atteinte à votre programme de construction d’une Algérie nouvelle dont la connaissance et le savoir constituent un pivot», se plaignent-ils auprès de Abdelmadjid Tebboune. Pour le collectif, cette mesure «pose d’épineuses questions tant d’ordre juridique et réglementaire que moral et d’éthique ou professionnel et social». Ceci d’autant qu’«elle vient en contradiction avec les règlements de la Fonction publique fixant les modalités de mise à la retraite des fonctionnaires», souligne-t-on, citant à ce propos le cas du «départ volontaire suite à la demande écrite de l’intéressé et celle de la notification individuelle émise par l’employeur demandant au fonctionnaire concerné de faire valoir ses droits à la retraite». Il s’agit également d’«une en violation des pratiques en vigueur dans le secteur de l’enseignement supérieur qui permettent depuis toujours aux enseignants universitaires et chercheurs d’exercer leur activité au‐delà de 70 ans».
La décision du ministère de tutelle «met fin de manière brutale à des projets de recherche en cours, à des encadrements de thèses de doctorat dont certaines viennent à peine d’être entamées et devant se dérouler sur les trois prochaines années ainsi qu’à des programmes scientifiques pluriannuels engageant l’Algérie avec des universités et des centres de recherche de nombreux pays», alertent de nouveau les enseignants et chercheurs appelés à mettre fin à leur carrière professionnelle dès septembre prochain.
Elle met fin aussi de manière «déplacée aux activités d’enseignants‐chercheurs ayant encadré l’Université algérienne des années 1980, y menant à l’époque avec détermination la dure bataille du développement et de l’algérianisation». Et d’ajouter que «si la motivation de cette mesure est de libérer des postes de travail pour les jeunes docteurs, il faudrait souligner que l’enseignement supérieur et la recherche scientifique sont des activités dont l’exercice ne saurait se réduire à l’occupation d’un emploi routinier, et qu’elles sont liées à l’acquisition permanente d’un savoir et à la transmission de connaissances accumulées pendant des décennies par des moyens que seuls l’expérience et le temps permettent d’acquérir».
Dans son appel au chef de l’Etat, le collectif rappelle que la mesure qu’il conteste touche «1 236 professeurs et chercheurs» de manière «fort incivile» et que ces derniers «ne sauraient être remplacés du jour au lendemain par l’ardeur de jeunes doctorants que leurs aînés doivent, comme dans tous les pays du monde, accompagner dans l’acquisition de l’art et des bonnes pratiques pédagogiques et scientifiques», soutient la même source.
Les enseignants et chercheurs signataires de la lettre insistent sur le caractère négatif de la mesure et préviennent qu’«elle mettra à l’écart sans délai un personnel scientifique qui, d’une part, anime des centres vitaux dont les laboratoires, les équipes de recherche, les unités d’enseignement fondamental et qui, d’autre part, est le plus souvent engagé, à l’heure actuelle, dans des programmes de recherche planifiés sur plusieurs année». Pour rappel, fin avril dernier, une note a été adressée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique aux enseignants-chercheurs et aux chercheurs permanents âgés de 70 ans pour déposer leurs dossiers de retraite au niveau des caisses de retraite. Le ministère de tutelle mettait ainsi en application la correspondance signée en date du 03 mars 2022 par le Directeur du Cabinet du Premier ministre instruisant les établissements du secteur de mettre à la retraite cette catégorie de personnels à partir du 1er septembre prochain.
Il s’agit d’«une démarche administrative exigée par la phase de renouvellement du secteur compte tenu du nombre croissant de titulaires de doctorat en Algérie», avait expliqué le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Abdelbaki Benziane. Le ministère s’attellera à «étudier les cas exceptionnels, sachant que l’université peut toujours recourir au recrutement des chercheurs émérites en tant que contractuels, dans le cadre des mécanismes de recrutement en vigueur dans le secteur de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, ou encore dans le secteur hospitalier, à l’instar des autres pays», a en outre fait savoir le même responsable, ajoutant que «la phase de renouvellement imposée par le nombre croissant de titulaires de doctorat chaque année contraint le secteur à prévoir des mécanismes permettant l’accès à des postes sans compromettre le parcours de recherche des enseignants chercheurs à la retraite». n