Quelques trente-cinq chefs d’Etat et quatre chefs de gouvernement – dont l’Algérien Aïmene Benabderrahmane – prennent part depuis hier au 36e sommet de l’Union africaine (UA) qui se tient jusqu’à aujourd’hui à Addis-Abeba, la capitale de Ethiopie. Ce rendez-vous, qui servira de passage de relais entre le Sénégal et les Comores pour le président de l’Union, est marqué par deux gros dossiers inextricables : le développement à égale échelle du continent à travers la Zone de libre-échange continentale (Zlecaf) qui ne fait pas partout l’unanimité, et l’établissement de la paix dans les pays africains impactés par la menace djihadiste, les rivalités entre Etats et les coups de force.
PAR NAZIM BRAHIMI
Les travaux du 36e sommet de l’Union africaine ont débuté hier, 18 février, à Addis-Abeba (Ethiopie), avec un ordre du jour dominé par le développement régional et les économies nationales fortement impactées par la guerre en cours en Ukraine alors qu’elles tentaient un regain de santé après le choc de Covid-19.
Ce sommet se tient sous le slogan «Accélération de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf)» alors que le Conseil exécutif de l’Union africaine (UA) avait tenu, mercredi et jeudi derniers, sa 42e session ordinaire dont les travaux avaient porté sur l’examen de plusieurs rapports relatifs à la paix, à la sécurité et au développement en Afrique, le renouvellement de la composante de certaines instances subsidiaires, ainsi que de projets de décisions à soumettre au prochain sommet.
Entre chefs d’états et chefs de gouvernement, 55 pays prennent part à ce sommet auquel participe le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, représentant du Président de la République Abdelmadjid Tebboune à cet évènement qui coïncide avec les 60 ans de l’organisation panafricaine née en 1963 avec un bilan qui annonce des «acquis», des insatisfactions, attentes et une quête d’un horizon continental meilleur où peuvent se conjuguer paix, sécurité et développement.
D’où le souhait des chefs d’Etats d’accélérer la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale au moment où des zones du continent font face à des crises sécuritaires et alimentaires qui frappent durement des populations.
La zone de libre-échange continentale est entrée en vigueur en 2021. Cependant, la pandémie de Covid-19 a fortement contrarié sa mise en œuvre. Ce qui a maintenu le commerce intra-africain à un niveau très faible car ne représentant pour le moment que 15% du total des échanges sur le continent.
La ZLECAf doit réunir 1,3 milliard de personnes et ainsi devenir le plus grand marché mondial avec un PIB combiné de 3.400 milliards de dollars, selon l’ONU alors que, selon la Banque mondiale, d’ici 2035, l’accord permettrait de créer 18 millions d’emplois supplémentaires et pourrait contribuer à sortir jusqu’à 50 millions de personnes de l’extrême pauvreté.
Le président des Comores, Azali Assoumani, qui a pris le relais du Sénégalais Macky Sall à la présidence tournante de l’organisation, a plaidé pour une annulation totale de la dette africaine.
«Nous plaidons pour une annulation totale de la dette africaine pour permettre une relance de l’économie post-Covid et nous permettre de faire face aux impacts négatifs de la crise en Ukraine. 22 États africains sont aujourd’hui, selon la Banque mondiale, en situation de détresse au regard de leur dette, et concentrent une part notable des 1071 milliards de dollars de la dette extérieure du continent», a-t-il indiqué.
«Pour une viabilité de la dette africaine, nous exhortons la mise en place d’un cadre commun de règlement de cette dette qui sera plus inclusif et intégrant les créanciers bi et multilatéraux et aussi les créanciers privés, avec un soutien renforcé du Fonds monétaire international», a ajouté le président comorien.
Pour sa part, Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, en plus d’avoir remis en cause «l’efficacité de cette mesure pour lutter efficacement contre les changements de pouvoir anticonstitutionnels», a insisté sur l’urgence d’accélérer la mise en place de la Zlecaf.
M. Faki a pointé dans ce sens ce qu’il a qualifié comme «le manque de volonté politique» affiché par les leaders africains, depuis 60 ans, dans la concrétisation de projets visant au développement et à l’intégration du continent, avec comme conséquences «une désaffection des populations par rapport» à l’UA.
Moussa Faki Mahamat a déclaré que cette session intervenait dans un contexte international marqué par l’instabilité alimentée par des conflits géopolitiques, ce qui a eu une incidence inévitable sur le continent africain.
S’ajoute à cela, a-t-il dit, la baisse de la croissance économique au plan mondial au cours des trois dernières années, d’où la nécessité pour les pays de l’UA de «dynamiser de nouveaux mécanismes à même de garantir des solutions à cette situation», tout en «œuvrant à l’appui de la solidarité entre les Etats».
Crises sécuritaires et alimentaires
«Une situation qui s’aggrave de plus en plus, d’autant que certains pays africains font face, seuls, à la menace du terrorisme, ce qui suscite davantage nos interrogations sur l’existence de la solidarité africaine», a-t-il poursuivi. L’accélération de la mise en place de la ZLECAf figure parmi les solutions pratiques en vue de mettre le continent africain à l’abri de ces crises économiques internationales, a-t-il rappelé, précisant que les dirigeants africains doivent accélérer la réalisation de cet objectif, au moins en ce qui concerne la libre circulation des personnes et des biens.
Pour les présents à Addis Abbba, l’adoption par l’UA, en 2023, des deux thèmes à savoir «l’accélération de la mise en œuvre de la ZLECAF» et «industrialisation inclusive du continent», devra donner une impulsion concrète à cet objectif inclusif et concrétiser sa mise à profit maximale.
Face aux défis sécuritaires sur le continent, autre sujet au cœur de ce sommet, le chef de l’ONU Antonio Guterres s’est dit «profondément préoccupé» par les violences armées en Afrique. «L’Afrique a besoin d’actions pour la paix. L’ONU est fière d’être un partenaire de paix en Afrique, mais notre travail devient, chaque année, plus complexe. Le terrorisme et l’insécurité s’aggravent et les conflits sont plus nombreux. Je suis profondément préoccupé par la montée de la violence des groupes armés, observée récemment dans l’est de la République démocratique du Congo et par la progression des groupes terroristes au Sahel et ailleurs. Je souscris à l’appel que vous avez lancé en faveur du rétablissement de gouvernements civils et démocratiquement élus au Burkina Faso, en Guinée, au Mali, au Soudan. Nous savons que la paix est possible», a-t-il déclaré
«Le terrorisme et l’insécurité s’aggravent et les conflits sont plus nombreux», a-t-il ajouté. «Nous devons continuer de lutter pour la paix. Néanmoins, pour parler sans détour, les mécanismes de paix vacillent», s’est inquiété le secrétaire général de l’ONU. n