Par Khaled Remouche
Le document de 200 pages a été élaboré en décembre 2020, gardé sous le coude pendant plusieurs mois et rendu public, il y a quelques jours.
A la veille de la nomination d’un nouveau Premier ministre par le Président Abdelmadjid Tebboune, conséquence des résultats des législatives 2021, où aucune majorité parlementaire ne s’est pas dégagée, les jeux de coulisses pour la succession ou la reconduction d’Abdelaziz Djerad à la tête du Premier ministère ont commencé. La face visible de cette course à l’accès ou au maintien au Palais du gouvernement a été la publication récente par le Premier ministère d’un document de 200 pages portant sur la mise en oeuvre du plan de relance 2020/24 comportant l’énoncé des objectifs, une longue énumération des actions prévues pendant ces cinq années et un échéancier en matière de réalisation des séquences de ce programme pluri-annuel.
« Ce document a été élaboré par une équipe du ministère délégué à la Prospectivité. Il a été finalisé en décembre 2020, présenté en janvier 2021 et mis sous le coude pendant six mois », a confié une source sûre. Il porte l’empreinte de l’ex-ministre délégué à la Prospective, Mohamed Cherif Belmihoub, qui a coordonné ce travail et qui est sans doute son architecte, tant son influence sur la substance de ce texte est évidente, son attachement à un mécanisme de suivi et d’évaluation précis de l’action gouvernementale, à la mise en cohérence de l’action gouvernementale, à l’amélioration du climat des affaires et notamment au partenariat public-privé comme alternative à l’endettement extérieur. Il apparaît très clairement dans ce document les retards pris par certains départements ministériels, en particulier dans la mise en oeuvre du plan de relance issu des recommandations de la rencontre sur le sujet tenu en août 2020 au CIC à Alger.
Suivant les recommandations de cette rencontre, le ministère des Finances devait, en 2020, ouvrir le capital des banques publiques, de nouvelles banques privées et dynamiser la Bourse d’Alger. Ces actions n’ont pas été réalisées jusqu’ici. Ce département devait la même année instituer des mesures fiscales, douanières pour l’introduction de véhicules électriques en Algérie. Ce n’est toujours pas le cas. Il devait renforcer le FNI comme banque et fonds d’investissement et son ouverture pour les PME. Le ministère de l’Energie devait en 2020 activer l’application de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. A ce jour, les textes d’application de cette loi ne sont pas encore promulgués dans le Journal Officiel. Concernant le ministère de la Transition énergétique, la mise en oeuvre des 1 000 MW en solaire photovoltaïque devait s’effectuer dans un horizon de 6 mois. L’appel d’offres n’est toujours pas lancé. Le ministère des Transports devait ouvrir, en 2020, le transport maritime et aérien à l’investissement privé. Cette ouverture du marché n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour. Le Premier ministère devait en 2020 instituer un mécanisme d’arbitrage concernant les relations administration/investisseurs sous l’autorité du Premier ministre. Cette action n’a pas été réalisée.
Par ailleurs, l’intérêt du document est l’affichage d’un cadre méthodologique de suivi du plan de relance. A ce sujet, les auteurs du texte insistent sur la gestion axée sur les résultats et sur la nécessaire évaluation des politiques publiques. Précisément, le plan de relance consiste en la mise en oeuvre des recommandations issues de la rencontre précitée. Chaque recommandation est déclinée en action. S’affichent les objectifs de l’action, l’échéancier, le budget et le mode de financement de l’action. « Afin d’être précis, les objectifs doivent suivre la démarche Smart, c’est-à-dire qu’ils doivent être spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et réalisables, temporels. Chaque action est orientée vers un objectif spécifique et mesurable que l’on pourra apprécier par un indicateur de mesure : avancement de 20%, 40%, 60%, 80%,100%. Un suivi mensuel de l’avancement de ces actions devra être effectué. Il devra identifier les obstacles qui freinent la réalisation de l’objectif et régler ces problèmes pour avancer rapidement dans l’atteinte de l’objectif. Le ministère de la Prospective ayant disparu de l’organigramme du gouvernement Djerad, ces principes de bonne gouvernance ne semblent plus de mise.
La publication d’un document élaboré en décembre constitue bel et bien une maladresse. Elle prête le flanc à ceux qui veulent que soit désigné un autre Premier ministre. Dans les prochains jours, ces jeux en coulisses vont s’accélérer et leurs effets sans doute s’afficher. La question est de savoir si cette course au pouvoir s’inscrit en droite ligne avec la prise en charge des préoccupations des citoyens. <