Le procès de Fodil Boumala, activiste très connu et opposant au pouvoir, a eu lieu hier au tribunal de Dar El Beïda, en présence d’une grande foule dont les membres de sa famille, des activistes et figures du mouvement populaire. Alors que la plaidoirie du collectif de la défense se poursuivait, jusqu’à l’heure où nous mettions sous presse, le procureur de la République a requis contre l’ancien journaliste de l’ENTV, un an de prison ferme et une amende de 100 000 DA.

Mais, ce qui a attiré l’attention et animé les réseaux sociaux durant tout le procès, c’est la manière pour le moins magistrale avec laquelle Boumala a répondu à toutes les questions que lui a posées le juge. Fodil Boumala a tout simplement créé l’événement hier au tribunal de Dar El Beida, par la qualité de sa plaidoirie. L’activiste n’a à aucun moment caché ses convictions. Bien au contraire, il a préféré insister sur ses positions qu’il exprimait lorsqu’il était à l’extérieur. «Nous avons un problème avec le système, pas avec les personnes. Le problème est dans l’arrière-pensée du régime, sa nature et ses pratiques. Il est périmé», a lâché Boumala face au juge, rappelant avoir «payé cher à cause de Bouteflika» jusqu’à être licencié de son travail de journaliste à l’ENTV, et traité de «traitre». Mais, ajoute-il, il faut faire la différence, car «le système n’est pas l’Algérie sacrée».
Réfutant les accusations d’atteinte à l’unité nationale, Fodil Boumala s’interroge : «Suis-je un séparatiste ?» et de répondre : «Non, bien au contraire, je n’ai jamais cessé d’appeler à l’unité dans toutes mes publications. Je suis attaché à cette terre et à ce pays». Le détenu d’opinion a fait le procès du régime devant une salle d’audience pleine qui ne cessait de l’applaudir à chacune de ses magistrales réponses. «Ils veulent une république sans peuple, des partis sans pluralisme, un système judiciaire sans justice et une presse sans liberté. Ce système est dégradé et périmé», a déclaré Boumala, plaidant l’organisation d’un «vendredi pour pleurer car nous cherchons encore une parcelle de liberté dans notre pays». Même la défense n’a pas mâché ses mots, estimant que le parquet était obligé de prononcer un réquisitoire d’un an, de peur que s’il avait requis la relaxe, il se retrouvera à In Salah», dans une allusion à la mutation du procureur Mohamed Ahmed Belhadi, à Guemmar dans la wilaya de Ouargla.

Tribunal de Sidi M’hamed : 20 détenus du Hirak condamnés
Si pour Fodil Boumala qui a magistralement répondu aux questions du juge, il est clair qu’il y aura un dénouement plus au moins heureux, ce n’est pas le cas pour les 20 manifestants arrêtés lors du 48e vendredi du Hirak. Malgré le réquisitoire du procureur de la République qui a plaidé «la relaxe» le 9 février dernier, les concernés ont fini par être condamnés. Ainsi, Kamel Nemmiche et Mokrane Laouchedi , tous deux militants de l’association RAJ, Reda Boughrissa et Lamri Mohamed ont été condamnés à 6 mois de prison ferme, assortis d’une amende de 20 000 DA. Tandis que les 16 autres manifestants ont été condamnés à 3 mois de prison fermes et à 20 000 DA d’amende avec requalification des faits.
Un verdict qui a scandalisé nombreux acteurs de la société civile, d’association et de partis politiques. Tout en exprimant sa «solidarité» avec les prévenus, la LADDH a réitéré son appel «à l’acquittement et la libération de l’ensemble des détenus du Hirak et le respect des libertés publiques et démocratiques». De son côté, le Parti des travailleurs (PT), a exprimé ses «vives inquiétudes» suite à ses condamnations. Dénonçant ce verdict, le secrétariat du bureau politique du parti a exigé «l’acquittement et l’abandon de toute poursuite» contre les concernés. «Le secrétariat permanent dénonce la poursuite des jugements politiques dans tout le pays et réitère son exigence de libération de tous les détenus politiques et d’opinion et le respect des libertés démocratiques», écrit le PT.

Le dossier Abdelouahab Fersaoui programmé
Le procès d’Abdelouahab Fersaoui, président de l’association RAJ (Rassemblement-action-jeunesse), sera bientôt programmé. Ce rebondissement fait suite à la confirmation, hier, par la Cour de Ruisseau, du transfert du dossier en chambre correctionnelle pour programmation au niveau du tribunal Sid M’hamed d’Alger. Cependant, bien que l’appel introduit par le procureur auparavant soit tombé, Fersaoui reste en prison encore, puisque sa période de mise sous mandat de dépôt a déjà été renouvelée en début du mois en cours pour 4 mois. En effet, selon RAJ, la même Cour de Ruisseau «a rejeté l’appel de la défense pour la libération provisoire» d’Abdelouhab Fersaoui.
Arrêté le 10 octobre 2019 par des agents en civil alors qu’il participait à un rassemblement de soutien aux détenus d’opinion organisé devant le tribunal de Sidi M’hamed, le président de RAJ est, pour rappel, poursuivi pour les chefs d’inculpation d’«atteinte à l’intégrité du territoire national» et d’«incitation à la violence», en vertu des articles 74 et 79 du code pénal.
S’agissant d’autres détenus, le militant Brahim Laâlami a de nouveau été auditionné hier par le tribunal de Bordj Bou Arreridj, sur le fond dans une autre affaire, selon le CNLD. La même source rapporte par ailleurs que le procureur de la République près le tribunal de Tiaret, a demandé la relaxe pour l’ex détenu Mabrouk Saadi. Son verdict est attendu pour 15 mars prochain. Au tribunal d’Annaba, la relaxe a été prononcée en faveur de deux détenus, Zakaria Boussaha et Ahmed Hafiane dit Dinou, en l’occurrence. Enfin, le CNLD a alerté immédiatement à l’annonce du verdict au tribunal de Saïda, condamnant Houari Elhachemi à deux ans de prison dont un an ferme et un autre avec sursis en plus d’une «lourde amende». Arrêté vendredi 7 février à la marche de Saïda, le prévenu «a été giflé par un policier publiquement au milieu de la foule», avant de répliquer «par un coup de poing», précise la même source.