La Tunisie s’achemine vers un débat passionné sur le projet de nouvelle Constitution et la disposition concernant la place de la religion dans cette future loi fondamentale du pays qui sera soumise à un référendum populaire, le 25 juillet prochain. L’indicateur, à ce sujet, est la déclaration, mardi 21 juin, du président Kais Saied qui a indiqué que l’islam n’y sera pas inscrit comme «religion d’Etat».

Par Kahina Terki
«Dans la prochaine Constitution de la Tunisie, nous ne parlerons pas d’un Etat dont la religion est l’islam mais (de l’appartenance de la Tunisie) à une Oumma (nation) dont la religion est l’islam. La Oumma et l’Etat sont deux choses différentes», a déclaré M. Saied à des journalistes à l’aéroport de Tunis. Le chef de l’Etat tunisien s’est vu remettre lundi 20 juin par le juriste Sadok Belaïd un projet de nouvelle Constitution qu’il doit valider avant de le soumettre à référendum, jour du 1er anniversaire du coup de force politique par lequel il s’était arrogé les pleins pouvoirs. M. Sadok Belaïd, qui a dirigé la commission chargée de la rédaction de la nouvelle Constitution, avait affirmé dans un entretien à l’AFP le 6 juin qu’il présenterait au président un projet de charte expurgée de toute référence à l’islam, pour combattre les partis d’inspiration islamiste comme Ennahdha. «80% des Tunisiens sont contre l’extrémisme et contre l’utilisation de la religion à des fins politiques. C’est précisément ce que nous allons faire tout simplement (en) gommant l’article 1 dans sa formule actuelle», avait-il dit à l’AFP. «Si vous utilisez la religion pour faire de l’extrémisme politique, eh bien nous l’interdirons», avait-il ajouté. Lundi 20 juin, la formation islamiste a mis en garde contre l’omission de toute référence à l’islam dans le projet de loi fondamentale. Dans un communiqué de son bureau exécutif, elle a «mis en garde contre toute tentative de porter atteinte aux principes fondamentaux du peuple, à son identité arabe et musulmane, ou au caractère civil de l’Etat». Réitérant son appel à boycotter le référendum, Ennahdha a estimé dans son communiqué que cette consultation «vise à falsifier la volonté du peuple pour donner une légitimité factice au pouvoir tyrannique d’un seul homme». Elle condamne la remise en cause de questions que le peuple a tranchées dès l’Indépendance et les a incluses dans la Constitution de la révolution (en 2014), ainsi que les viles tentatives de les instrumentaliser contre les dissidents». Le premier article de la Constitution actuelle adoptée en grande pompe en 2014, trois ans après la chute de la dictature de Zine El Abidine ben Ali, stipule, tout comme celle de 1959, que la Tunisie «est un Etat libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime». Dans son préambule, la Constitution de 2014 évoque «l’appartenance culturelle et civilisationnelle (du peuple tunisien) à l’Oumma arabe et islamique» et son «identité arabe et islamique». La nouvelle Constitution doit remplacer celle de 2014 qui avait instauré un système hybride source de conflits récurrents entre les branches exécutive et législative. L’opposition et des organisations de défense des droits humains accusent le président Saied de chercher à faire adopter un texte taillé sur mesure pour lui. «Qu’il s’agisse d’un système présidentiel ou parlementaire n’est pas la question. Ce qui compte est que le peuple a la souveraineté. Pour le reste il s’agit de fonctions et non pas de pouvoirs», a-t-il répondu. «Il y a la fonction législative, la fonction exécutive et la fonction judiciaire et une séparation entre elles», a-t-il ajouté. Les constitutionnalistes apprécieront…