Par Khaled Remouche
Face à la guerre en Ukraine et à ses conséquences combustibles sur les prix des produits agricoles et alimentaires à l’international, l’Algérie anticipe les scénarios les plus risqués en achetant à tour de bras des quantités importantes de blé. Réflexe d’urgence ? Certes. La grande leçon, cependant, est que plus que jamais l’Algérie a besoin d’une véritable politique de sécurité alimentaire et de miser sur son patrimoine agricole en le protégeant et en améliorant son rendement.
L’Algérie vient d’annoncer l’achat de quantités supplémentaires de blé pour renforcer ses stocks anticipant une pénurie de cette matière stratégique sur les marchés internationaux et partant une flambée des prix de cette céréale très prisée par les pays notamment d’Afrique du Nord. La question de la disponibilité des matières stratégiques fait d’ailleurs l’objet du conseil des ministres qui s’est tenu hier, tant les incidences de la guerre Russie-Ukraine fait craindre un manque de ce produit sur les marchés internationaux, les deux belligérants étant les deux principaux producteurs de blé dans le monde. A contre-courant de la politique de l’OAIC, l’organisme public chargé
d’approvisionner la population et les minoteries en blé via en partie des importations, l’Algérie reste dépendante de l’étranger pour l’approvisionnement du marché domestique en cette matière. Noureddine Legheliel, analyste boursier et spécialiste, estime que la démarche selon lui de cet organisme public n’est pas bénéfique pour l’Algérie : le procédé de l’OAIC, à savoir annoncer l’achat de grandes quantités de blé, fait grimper les prix du blé sur les marchés internationaux. La meilleure manière est d’adopter la discrétion sur ces acquisitions et d’acheter par petites quantités. Le spécialiste relève que la méthode utilisée par l’OAIC est archaïque : le recours aux appels pour importer le blé. Cette méthode date des années 1950-70. La tendance des grands importateurs de blé dans le monde est, ajoute-t-il, d’acheter des quantités de blé auprès des grandes bourses de matières premières de Chicago, de Sao Paulo et d’Euronext de Paris. Les transactions sur ces marchés s’effectuent sur la base du prix réel du blé sur les marchés internationaux. Il est temps pour l’Algérie de se mettre au diapason des autres pays clients de ces marchés en disposant de ressources humaines formées dans le trading du blé. Pour prévenir une flambée des prix dans un intervalle de trois, six mois à un an, l’Algérie devrait privilégier les contrats à terme : des prix conclus aujourd’hui pour une livraison en septembre, novembre ou décembre. D’autant que les prix du blé sont en baisse depuis deux jours sur les marchés internationaux. Noureddine Legheliel établit le parallèle entre les prix du pétrole et le blé. Il avait déjà anticipé une baisse de 10 à 15% des cours du baril de pétrole après le pic de 128-129 dollars. Sa prévision s’est avérée correcte. Puisque les cours du pétrole ont clôturé à 122 dollars le baril.
Cette conjoncture caractérisée par la hausse des prix des matières de base due aux incidences de la guerre Russie-Ukraine conjuguée aux effets de la crise sanitaire, à savoir l’augmentation des coûts du fret pourraient faire augmenter la facture importation du pays et donc exercer des pressions sur les réserves de change. Mais pour Nourredine Legheliel, les prix du blé et du pétrole vont baisser. Il nuancera ses propos en indiquant que les marchés n’ont pas intégré la totalité des incidences de la guerre Russie-Ukraine. La guerre Russie-Ukraine peut réserver des surprises et donc avoir des répercussions sur les cours du blé ou du pétrole. La Leçon que l’Algérie peut tirer de la crise Russie-Ukraine est de réduire la dépendance à l’égard de l’étranger en matière de céréales et d’aliments du bétail. Le constat est qu’aujourd’hui l’Algérie est hyper-dépendante de l’étranger concernant les matières stratégiques et les solutions résident en l’augmentation des surfaces agricoles dédiées aux céréales et des rendements. Le modèle de consommation alimentaire algérien doit être également révisé.