Au-delà des marges de manœuvre que peuvent avoir les membres du nouveau gouvernement, certains d’entre nous se surprennent à rêver d’un changement dans la foulée des vœux et espoirs de la nouvelle année. C’est le cas de certains journalistes qui espèrent que le ministre de la Communication et de l’Information Amar Belhimer, un professionnel du secteur et ex-animateur du Mouvement des journalistes algériens (MJA) qui a fait naître beaucoup d’espoir dans les années 88/90 du temps des réformes de Mouloud Hamrouche et qui a donné naissance à la presse pluraliste, puisse apporter un plus au secteur de la presse qui tente vaille que vaille de survivre dans ce maquis d’anarchie, de non-respect des règles élémentaires du métier, de désorganisation et de difficultés financières au quotidien.
Au niveau de la presse locale, la situation est on ne peut plus inquiétante et difficile car la chape de plomb s’est lourdement abattue sur les représentants de la presse qui ont de la peine à être sur le terrain et donner une information complète et crédible.
Actuellement, pour ne citer que cet exemple éloquent, les seuls interlocuteurs du wali de Tipasa Mohamed Bouchema et, par extension de tous les responsables de la wilaya -par peur des représailles certains n’osant même plus saluer certains journalistes considérés comme adversaires du pouvoir- sont l’APS et la radio locale ainsi qu’une page Facebook, devenue presque leur porte-voix et qui s’est mise à la disposition de tous les responsables de passage dans la wilaya. Si on n’est pas adepte de la politique de « caresser dans le sens du poil », il faut s‘armer de patience et de mille et une précautions et astuces pour obtenir le moindre détail sur un sujet qui vous tient à cœur ou de l’actualité locale.
Tous les responsables sont devenus quasi hermétiques à la communication et ce, malgré la mise en place forcée de responsables de la communication au niveau des directions de l’Exécutif et autres daïras et APC, entre 2016 et 2017. Une expérience qui, hélas, a fait long feu, tant les esprits sont sclérosés et fermés à toute communication.
Pour une majorité de responsables d’institutions publiques, le droit du citoyen à l’information, bien que consacré par la loi, est loin d’être à l’ordre du jour, pour ne pas dire que ces derniers freinent de tous leurs fers pour y résister, par crainte pour leurs postes ou autres privilèges.
Aujourd’hui, seules les rencontres programmées par les membres de l’exécutif décidées, généralement, par les tutelles administratives, sont les occasions de rencontre avec la presse et il ne faut, surtout, pas s’aventurer à aller « quémander » un rendez-vous, pour ne pas essuyer un niet humiliant.
Concernant les sujets d’actualité nationale, telles que les affaires de détournement de foncier, très nombreuses dans la wilaya, de trafic d’influence, d’abus d’autorité et autres, mieux vaut ne pas y penser. Car ce sont des sujets tabous et les plus chanceux ou téméraires de la presse, qui glanent l’information hors circuits officiels, restent coi et désarmés devant un black-out organisé ou prennent des risques en publiant l’information sans se protéger par la citation d’une source par souci de crédibilité.
Autrefois, il était possible, grâce à votre carnet d’adresses, de rencontrer des responsables qui vous font confiance, vous distillent l’information même sans trop de détails tout en exigeant l’anonymat, ce qui rend l’info incolore et inodore.
Faute de mieux et face à ce black-out qui ne dit pas son nom, certains confrères se contentent d’exploiter des communiqués reçus par mail et considèrent cette méthode comme une expérience positive et louable. L’exemple le plus courant est celui de la Sûreté de wilaya, qui est la plus fidèle avec l’envoi de ses communiqués grâce à l’outil informatique qui est mis à profit par les membres de la cellule de communication qui distribuent l’info qu’ils veulent rendre publique. Idem pour certains services publics qui organisent, une fois l’an, une rencontre avec la presse pour communiquer leur bilan.
Les promesses faites par l’ex-ministre de la Justice Tayeb Louh, annoncées à grands renforts de presse, de veiller à informer les citoyens sur les faits divers importants ou des affaires importantes qui défrayent la chronique, dont les enlèvements et autres assassinats d’enfants, nombreux dans la wilaya, en organisant des conférences de presse animées par le procureur de la République, comme cela se fait de par le monde, n’étaient qu’un effet d’annonce et sont restées lettre morte.
Vœu de changement dans le secteur
D’autres entreprises, à l’image de Seaal et Sonelgaz de l’Est, Cnas, ont mis en place des cellules de communication qui servent de faire-valoir.
Reste à rêver quant à la mise en application des vœux pieux des responsables qui, au moment de leur installation, parlent d’esprit de complémentarité avec les représentants de la presse, les qualifiant de « nos yeux et oreilles » qui doit faire partie des mœurs locales et patati et patata… puis plus rien.
Une conviction que la majorité des commis de l’Etat et gestionnaires ne semblent guère partager. Autrement dit, toutes les structures déconcentrées ne communiquent que quand elles sont actionnées par leur tutelle, au moment des bilans, quelquefois erronés, de fin de saison ou au lendemain du déroulement de l’événement. Il me revient à l’esprit cette boutade que nous nous racontons pour rire, faute de moyens de vérification ou de pouvoir accéder à une source crédible et viable, quand nous écrivions que le poisson mourrait de vieillesse aux larges des côtes algériennes, ce qui était absolument faux.
Alors pour ne pas désespérer, complètement, nous osons émettre ce vœu de changement dans le secteur, en commençant par la presse publique, car pour beaucoup d’observateurs l’un des défis majeurs est celui de la mise en place d’un service public digne de ce nom, car fortement dévoyé, en particulier ces derniers mois. Les radios locales n’ont pas échappé à ce dévoiement du service public puisque certains journalistes locaux se sont mis au commentaire en s’attaquant à certains citoyens du mouvement populaire et incitant, par conséquent, à la division et l’insécurité en oubliant que ce média appartient à tous et n’est pas leur propriété privée.
Faisons nôtre cette déclaration du ministre qui a promis de «donner un nouveau souffle au secteur de la Communication et trouver des solutions aux problèmes professionnels, matériels et organisationnels à même de lui permettre d’accomplir sa noble mission de diffusion de l’information objective et d’être au diapason des exigences de l’heure et des développements que connaît le pays».
Ancien journaliste et professeur d’université, Amar Belhimer a cet atout de bien connaître la presse et militer pour son changement, pour avoir été l’un de ses défenseurs et animateurs -avec Belhouchet, Benchicou, Aziez Mokhtari, Ameyar et Mahmoudi, et des centaines d’autres- à l’époque particulière du Mouvement des journalistes algériens (MJA) qui nous avait fait croire en des jours meilleurs.
En attendant que la corporation s’organise et devienne une force de pression et de propositions, contentons-nous d’espérer quelques petits changements dans cette jungle qu’est devenue la scène médiatique ces vingt dernières années.
Amar Belhimer, en plus de ses chroniques de presse, est professeur en tant que docteur en droit public et auteur de plusieurs livres, « La dette extérieure de l’Algérie » (éditions Casbah), « Les printemps du désert », « Les dix Commandements de Wall Street » et « Les voies de la paix » (éditions Anep).