Le projet de Centre arabe d’archéologie implanté à Tipasa n’est qu’un vieux souvenir et un vœu pieux, à l’image de la chimérique Union arabe, puisque celui-ci a laissé place au Centre algérien du patrimoine. C’est l’information que nous avons apprise, dimanche, lors de la visite de la ministre de la Culture Bendouda Malika, qui est venue installer Mohamed Cherif Hamza, un chercheur de Cherchell, comme directeur de l’Ecole nationale supérieure de la restauration, qui occupe une partie de cette bâtisse, désormais, dédiée au patrimoine algérien.

Ce dernier regroupe, en plus, de l’Ecole nationale supérieure de la restauration, le Centre national de recherche en archéologie et l’Office de gestion et d’exploitation des biens culturels (OGEBC), qui avaient besoin d’une telle infrastructure, pour travailler dans de bonnes conditions et surtout dans une région dont la réputation en matière de patrimoine n’est plus à démontrer. Lors de la visite du CNRA, la ministre a installé, également, une dizaine de chercheurs qui vont exercer dans ce centre dédié à la formation sur les métiers du patrimoine.
Interrogée sur cette décision relative à la transformation du Centre arabe d’archéologie en centre algérien, la ministre a indiqué que ce projet est tombé à l’eau car les pays arabes ont traîné les pieds en n’apportant pas leur quote-part dans la réalisation du centre qui a été, entièrement, financé par l’Algérie. C’était un grand projet, de dimension internationale, dédié au patrimoine, mais comme les pays arabes n’ont pas marché, on a décidé de l’ouvrir aux établissements algériens qui vont quitter la capitale pour s’installer ici. Autrement dit, étant donné qu’il n’y a pas eu de réaction ni de manifestation concrètes de la Ligue arabe, l’Algérie a décidé de le rentabiliser et en faire un pôle archéologique national, qui regroupe le CNRA, l’Ecole supérieure de restauration et l’Office chargé de la gestion des biens culturels. Il fallait faire vite, car cette bâtisse était convoitée par plusieurs secteurs et tant mieux que le secteur de la culture en ait profité pour faire de la recherche théorique et pratique et servir de lieu de formation aux étudiants qui pourront profiter de l’expérience de leurs aînés dans le domaine. Avec 2,4 km de patrimoine, le secteur a besoin de toutes ses compétences et encore plus des étudiants qui sortent de l’école.

«Y en a marre du blabla», selon une enseignante qui en avait gros sur le cœur
Lors de sa visite du centre, la ministre a été interpellée par des étudiants et des enseignants, quant aux moyens à mettre en place, en particulier, au niveau du CNRA et de l’Ecole de restauration pour avoir de bonnes conditions de travail et remplir leur mission au service du patrimoine. La remarque la plus pertinente est venue d’une enseignante de l’ENSR, qui n’a pas hésité à mettre le doigt sur les problèmes là où ça fait mal. Elle a dit, haut et fort, qu’il était scandaleux qu’on ait attendu 60 ans pour créer une école de restauration quand on sait qu’aucun musée ni aucun site ne dispose de restaurateur conservateur, digne de ce nom selon l’acception anglo-saxonne. Car, pour elle, un conservateur ce n’est pas seulement un grade, mais c’est un métier et c’est cette école, qui, depuis dix ans, essaye d’en former sans bénéficier du moindre intérêt des deux tutelles que sont les ministères de la Culture et l’Enseignement supérieur sans oublier que les sortants de l’école ne sont pas recrutés par le secteur alors que tous nos dossiers sont bloqués à ce jour.
Les diplômés de l’école devraient être prioritaires dans le recrutement dans les musées, par exemple, et faute de cela certains sont partis en Chine, d’autres en Turquie, alors qu’ils auraient pu être très utiles au secteur et au pays.
L’urgence est que les deux tutelles s’intéressent au patrimoine et il ne sert à rien, selon elle, « de déplorer ou de se lamenter dans les journaux et à la télévision que la Casbah tombe en morceaux et se dégrade, de jour en jour, car rien n’est fait pour y remédier ». C’est, selon elle, « sans arrêt du bla bla car les architectes formés ici sont ignorés ». Elle conclut en espérant que la ministre fera quelque chose de bon pour le secteur afin que son nom ne soit pas oublié sitôt partie.

Histoire du défunt Centre arabe d’archéologie
Une carte des sites archéologiques, historiques et culturels était en cours de préparation pour mettre en valeur ce patrimoine, ont indiqué les différents ministres de la Culture lors de leurs visites du chantier du Centre arabe d’archéologie (CAA), un projet inscrit en 2007.
La carte des sites, qui sera accessible sur internet, participera à la mise en valeur de la richesse touristique et historique de nos villes, avec l’appui des pays arabes. L’Algérie a tenu sa promesse en réalisant l’ensemble du projet (dont l’enveloppe n’a pas été dévoilée après avoir subi plusieurs réévaluations), reste aux autres pays arabes d’honorer leurs obligations. Ce qui ne fut pas fait d’où la transformation du centre arabe en pôle algérien de l’archéologie. Situé dans la commune de Tipasa à l’entrée est de la ville, sur la RN 11, le Centre arabe d’archéologie fait face au parc archéologique de la colline dite Sainte-Salsa. Le centre, dont les travaux ont été lancés par l’ancienne ministre Khalida Toumi, en 2012, sur une assiette de 41 000 m2, dont 25 000 m2 pour les structures de formation et le bloc administratif, est situé dans le prolongement de ce qui est appelé la zone tampon de la cité historique de Tipasa avec ces deux parcs archéologiques romains et son musée. Cette infrastructure culturelle, qui vient renforcer la vocation de ville historique de Tipasa, devait comprendre, en plus de l’Institut arabe d’archéologie et des études sahariennes, pour prodiguer une formation en post graduation, doté de trois amphithéâtres d’une capacité de 300 places chacun, un musée d’archéologie et d’arts rupestres, un laboratoire de préservation des biens culturels ainsi qu’une bibliothèque, agrémentés d’un espace vert et d’un patio intérieur rappelant l’architecture arabo-mauresque. La bibliothèque aura plusieurs fonctions, outre l’acquisition et la conservation des fonds documentaires et bibliographiques, mais également celles liées à la publication et à la restauration des documents. Elle sera, de par le nombre de places offertes dans ses différents départements, une véritable bibliothèque d’étude et de recherche pour de nombreux chercheurs, professeurs, érudits, étudiants et documentalistes. Quant au musée dont le rôle est de rendre accessible à tous le patrimoine commun de la nation arabe, il devait accueillir des collections d’œuvres d’art et d’objets archéologiques, ethnographiques, scientifiques et techniques en vue de leur conservation, études et exposition au grand public. Il représentera une vitrine des œuvres les plus représentatives de la société arabe et le génie de l’homme et de ses créations à travers les âges. Ce projet de Centre arabe d’archéologie, proposé par l’Algérie lors de la 17e Conférence arabe sur le patrimoine archéologique et civilisationnel qui s’est tenue à Nouakchott du 22 au 27 décembre en 2003 s’inscrivait également dans le cadre de la manifestation « Alger, capitale de la culture arabe » avec, comme objectif, de promouvoir l’archéologie arabe et de favoriser le dialogue interculturel entre les différents pays qui disposent d’un patrimoine riche dans le domaine. Cette nouvelle réalisation devait s’inscrire, par ailleurs, en droite ligne des recommandations de la mission de l’Unesco qui prévoit, dans le plan de sauvegarde de la ville de Tipasa, de créer un centre sur les métiers du patrimoine. Le plan de sauvegarde de Tipasa, qui privilégie ce genre d’infrastructure à installer dans la zone tampon du site archéologique, permettrait non seulement de la protéger de l’urbanisation, mais aussi de créer une activité qui colle à la vocation culturelle, historique et touristique de cette ville, « un des plus beaux vestiges de la période antique », selon les spécialistes.