Roger Federer. Rafael Nadal. Novak Djokovic. Les trois géants qui ont engendré l’ère la plus folle de l’histoire du tennis sont tous des champions hors normes. Chacun dans leur style. Chacun à leur manière. L’Espagnol laissera ainsi une trace indélébile. Pour ce qu’il est, pour ce qu’il a fait, pour la façon dont il l’a fait. Pour tout ce qui suit, il y a lui et les autres.
SON COUP DROIT
Cela restera sa marque de fabrique. Son coup. Rafael Nadal sait tout faire. Mais ce coup, cette gestuelle, cette gifle, le fameux «lasso», le top spin ahurissant qui l’accompagne, c’est une marque déposée. Est-ce le «meilleur» coup droit jamais vu ? Cela peut prêter à discussion. Mais il ne ressemble à aucun autre. Et personne ne l’oubliera. Le compromis entre le poids dans la balle, la puissance et la vitesse (de rotation ou tout court) est absolument unique.
SA PRÉCOCITÉ
Dans ce domaine, il est, dans l’ère moderne, un phénomène à part. Au cours des trente dernières années, un seul joueur a remporté un titre du Grand Chelem avant son 20e anniversaire : Rafael Nadal. C’était à Roland-Garros, en 2005, et il venait tout juste de souffler ses… 19 bougies. C’était une première depuis Pete Sampras à Flushing en 2010 et personne ne l’a rejoint depuis dans ce domaine. Son avènement à 19 ans n’avait d’ailleurs rien d’une surprise. En débarquant à Paris cette année-là, il était, déjà, le favori du tournoi.
On parle d’un joueur qui était titulaire en Coupe Davis à 17 ans et qui, au même âge, parvenait à coller deux sets secs à Roger Federer, déjà installé au sommet du tennis mondial. Pas dans un petit tournoi, et pas sur sa surface fétiche : c’était au Masters 1000 de Miami, sur dur, en mars 2004.
Nadal était un phénomène de précocité, plus encore dans le contexte de ce XXIe siècle qui n’a laissé que peu de terrain d’expression aux moins de 20 ans sur le circuit principal, même si la donne est peut-être à nouveau en train de changer, avec des garçons comme Sinner ou Alcaraz. Mais le premier a dépassé les 20 ans et le second devra gagner un Grand Chelem au plus tard à l’Open d’Australie en 2023 pour intégrer à son tour la caste des vainqueurs majeurs à moins de 20 ans.
SA LONGÉVITÉ
Rafael Nadal a été au sommet très jeune. Il y est encore alors qu’il n’est… plus tout jeune, pour respecter son grand âge. L’unique vainqueur majeur à moins de 20 ans depuis 1990 est devenu dimanche un des trois joueurs à triompher à plus de 35 ans en Grand Chelem dans l’ère Open. La combinaison de ces deux éléments a quelque chose d’irréel. Surtout pour un joueur dont on a tant dit, dans ses premières années, qu’il ne durerait pas sur le circuit avec son jeu physiquement bien trop exigeant. Nadal a tordu le cou à beaucoup de choses dans sa carrière, mais c’est sans doute là le plus sidérant. Qui, au soir de son premier titre à Roland-Garros en juin 2005, aurait pu sérieusement envisager que 16 ans et 7 mois plus tard, il quitterait l’Open d’Australie 2022 en vainqueur ? Tout cela donne le vertige. Depuis dimanche, il détient le record du plus grand écart entre un premier et un dernier (à ce jour) titre majeur dans l’ère Open.
IL S’EST TOUJOURS RELEVÉ
Tout le monde connaît des blessures dans une carrière, mais Nadal a payé un lourd tribut en la matière. Il est effarant de se dire qu’il a pu remporter 21 titres du Grand Chelem alors qu’il a dû déclarer forfait à dix reprises, ce à quoi on peut ajouter son retrait en cours de tournoi à Roland-Garros en 2016. Il a connu plusieurs absences de longue durée, la dernière en date au second semestre 2021. Dès 2007, son oncle et entraîneur d’alors, Toni Nadal, confiait que sa blessure structurelle au pied laissait planer un doute sur sa durée de vie à long terme sur le circuit. En 2013, il avait déjà signé un comeback retentissant à Roland-Garros, alors qu’il avait manqué les deux derniers tournois du Grand Chelem.
IL NE LÂCHE JAMAIS UN POINT
Tous les champions de très haut niveau sont des guerriers, des compétiteurs. Pour ne parler que des trois plus éminents d’entre eux, Djokovic, Federer et Nadal imposent, chacun à leur manière, une lutte de tous les instants à leur adversaire.
Le Serbe et l’Espagnol sont, peut-être, plus exceptionnels encore en la matière. « Roger n’a pas son pareil pour changer de rythme et de vitesse, mais Novak et Rafa sont les meilleurs pour vous mettre sous pression », avait jugé Marin Cilic en 2018.
Mais le «Djoker», peut parfois connaître des petits trous d’air. Ils ne durent jamais beaucoup plus longtemps que quelques points, quelques jeux tout au plus, souvent en raison d’une forme de frustration qui peut le gagner. Nadal, jamais.
Il est l’homme qui « joue chaque point comme si c’était une balle de match », dixit Dominic Thiem. Qu’il s’agisse du premier jeu de la rencontre ou du dernier, peu importe.
« Il ne vous offre jamais un instant de répit et c’est épuisant avant même de rentrer sur le court, parce que vous savez que, quoi qu’il arrive, quelle que soit sa situation au score, il ne baissera pas d’intensité dans l’engagement. Il peut jouer plus ou moins bien, commettre plus ou moins de fautes, mais il va mettre 100% de lui-même dans chaque frappe », avait expliqué l’Autrichien en 2018 à Roland-Garros. Et ça fait bientôt vingt ans que ça dure.
IL NE CASSE JAMAIS DE RAQUETTE
Juste avant le début de cet Open d’Australie, une image de Nadal à l’entraînement a circulé, sur laquelle on peut le voir faire mine de fracasser sa raquette au sol avant de s’arrêter.
Le Majorquin peut montrer ses émotions sur le court, mais il est rarissime de le voir s’énerver.
Et il se targue de ne jamais avoir abîmé une seule fois son outil de travail pendant un match. Novak Djokovic a pulvérisé un bon nombre de raquettes dans sa carrière et si Roger Federer est devenu maître dans l’art du contrôle de lui-même, ses premières années sur le circuit ont été émaillées de quelques mémorables pétages de plomb.