L’élection du 12 décembre dernier marque incontestablement une nouvelle donne après 10 mois de « Hirak ». Le vainqueur de ce scrutin, conscient des enjeux politiques et de la crise financière auxquels était confronté le pays, a aussitôt tendu la main. Pour le moment, la situation reste en l’état et les deux parties demeurent inconciliables, alors que se profile à l’horizon une crise économique complexe qui requiert un consensus national autour des mesures socioéconomiques à mettre en place pour faire face à cette zone de turbulence que traverse le pays.
Il y a de cela dix mois, les Algériens ont investi massivement les rues pour exprimer leur rejet du 5e mandat d’Abdelaziz Bouteflika. La tentation d’un passage en force en faveur d’un 5e mandat d’un homme affaibli a fait déborder le vase. Les partis de l’Alliance présidentielle n’hésitaient pas à crier sur tous les toits les réalisations du président déchu et l’impératif de la continuité « pour la stabilité politique du pays ». Pour faire barrage à ce 5e mandat de « trop », les Algériens se sont donné rendez-vous le 22 février dernier à travers l’ensemble des villes du pays. Depuis, les marches du vendredi allaient devenir une tradition hebdomadaire, en plus des marches qu’organisent les étudiants chaque mardi. Ces manifestations ont contraint l’Armée à prendre position en faveur du peuple et a exigé d’Abdelaziz Bouteflika une démission et du Conseil constitutionnel l’application de l’article 102 de la constitution.
La démission d’Abdelaziz Bouteflika n’a pas empêché les millions d’Algériens de continuer à manifester à travers toutes les wilayas du pays leur envie de changement et d’une Algérie libre et démocratique. Le chemin patrouillé depuis le 22 février dernier n’a pas été sans embûches. Même si le mouvement du 22 février dernier a réussi, d’abord, à faire tomber la carte du 5e mandat et, ensuite, à faire échec à l’élection du 18 avril et à celle du 4 juillet derniers, il était appelé à faire preuve de ténacité et d’endurance face aux épreuves du Ramadhan, saison estivale, manœuvres, répression, arrestations, fermetures des axes reliant Alger aux autres régions du pays. La puissance de conquête et la grande longévité de ce qu’allait devenir ensuite le « Hirak » des Algériens s’explique par la détermination des manifestants à en finir avec un système qui a mis le pays à genoux, alors qu’il aurait pu être une puissance économique et politique régionale. Cependant, même si cette détermination a réussi à surmonter l’ensemble des écueils qui se sont dressés sur le chemin des Algériens, dont le 5e mandat, l’élection du 18 avril et celle du 4 juillet, l’élection du 12 décembre dernier a fini par être tenu et un président a été élu à l’issue de 10 mois de « Hirak ». L’heureux vainqueur de ce scrutin, conscient des enjeux politiques et de la crise financière auxquels est confronté le pays, a aussitôt tendu la main du dialogue au « Hirak », alors qu’une première séance de dialogue a été déjà menée par le panel de Karim Younes et qui a abouti à la mise en place d’une autorité indépendante de préparation et de surveillance des élections. Plus tard, c’est l’idée d’une nécessité de structurer le « Hirak » qui émerge avec, comme objectif, d’en faire une organisation de masse pour peser dans le débat et dans les futurs choix du gouvernement. Certains observateurs, partis et personnalités ont, cependant, mis en garde contre le fait que le « Hirak » n’a aucunement pour vocation de se transformer en parti politique. Et que c’était à l’élite de porter ses revendications et les valeurs qu’il véhicule. Tel était le dernier round du mouvement du 22 février dernier ; partagé entre les impératifs du dialogue et la nécessité de maintenir la pression pour obtenir la satisfaction de ses revendications.
Les perspectives sont pour le moins sombres, alors que le « Hirak » aborde son 11e mois et le président tente de faire valoir sa volonté de rompre avec l’ancien régime. Pour le moment, la situation reste en l’état et les deux parties demeurent inconciliables jusqu’ici, alors que se profile à l’horizon une crise économique complexe qui requiert un consensus national autour des mesures socioéconomiques à mettre en place pour faire face à cette zone de turbulence que traverse le pays.