Les travaux du «Dialogue national inclusif» se terminent dans moins de vingt jours et préfigurent un montage politique qui, après prolongation de la durée de la transition qui devait prendre fin le 20 octobre prochain, devrait aboutir
à l’éligibilité du général Mahamat Idriss Déby Itno et à son maintien au pouvoir. Une perspective que rejette l’Union africaine (UA) dont le conseil Paix et Sécurité réclame des élections sans
la participation des officiers qui dirigent actuellement le Tchad.

Par Lyes Sakhi
Le «dialogue national inclusif» au Tchad, un coup pour rien ? La question est d’autant plus permise que l’évènement censé sortir le pays de la crise politique dans laquelle il se débat depuis la prise du pouvoir par le général Mahamat Idriss Déby Itno, après la mort de son père en avril 2021, évolue vers son maintien à la tête du pays. Samedi 1er octobre, en effet, les centaines de délégués réunis à N’djamena, la capitale, dans le cadre du «Dialogue national inclusif», ont adopté plusieurs mesures allant dans le sens de l’éligibilité du jeune général, 37 ans, et de la prolongation de la période actuelle de transition de deux ans. Ces mesures ont été adoptées par «consensus» sauf qu’elles ne correspondent pas à ce qui avait été prévu auparavant : l’inéligibilité de M. Mahamat Idriss Déby Itno et des membres du Conseil militaire qui dirige actuellement le Tchad et la fin de la transition à la date du 20 octobre prochain et la tenue d’élections.
Ainsi, les parties qui militaient pour l’inéligibilité de M. Déby, devenu président de la Transition au Tchad, parlent désormais de «verrouillage». Elles confortent la position des groupes politiques de l’opposition et des organisations de la société civile qui ont boycotté le «Dialogue» national ainsi que celle des groupes armés rebelles qui ont rejeté l’invitation de prendre part à ses travaux.
Mais ceux qui militent pour l’inéligibilité des dirigeants de la transition ne se faisaient guère d’illusions jusqu’ici sur la future décision, en expliquant que les tenants du pouvoir militaire ont tout verrouillé dans ce dialogue. Ils parlent désormais d’«une nouvelle donne» avec cette prise de position du Conseil paix et sécurité de l’Union africaine qui «rappelle sans équivoque» dans son communiqué, qu’aucun membre du CMT, la junte militaire au pouvoir, «ne pourra être candidat aux élections à la fin de la transition».
Pour mémoire, le «Dialogue national inclusif et souverain» (DNIS) a été lancé laborieusement le 20 août, 16 mois après que le général Mahamat Idriss Déby Itno a été proclamé par l’armée président de la République au lendemain. A la tête d’un Conseil militaire de transition (CMT) de 15 généraux, il avait abrogé la Constitution, dissous le Parlement et limogé le gouvernement. Mais il avait aussitôt promis de rendre le pouvoir aux civils par des élections «libres et démocratiques» après une «transition» de 18 mois renouvelable une fois.
Le nouvel homme fort du pays s’était également engagé auprès des Tchadiens et de la communauté internationale à ne pas se présenter à la future élection présidentielle. Une promesse que, dorénavant, il ne semble plus vouloir tenir à moins qu’il ne tienne compte des pressions internationales et des appels à ne pas s’accrocher au pouvoir. «L’adoption de la résolution concernant l’éligibilité du président du conseil militaire de transition (PCMT, Mahamat Déby) et la prolongation de la transition pour 24 mois auront pour conséquences sur le plan national la résistance de partis politiques, de la société civile et de l’Union africaine. L’Union européenne et les Etats-Unis n’accepteront pas que la transition soit prolongée après le 20 octobre ni l’éligibilité du PCMT. «Ces partenaires prendront des sanctions contre le Tchad et le CMT sera dos au mur», prévient dans une déclaration à l’APF Evariste Ngarlem, politologue tchadien.
Dans un communiqué du 19 septembre, l’UA a, en effet, clarifié sa position après des mois d’observation. Le Conseil paix et sécurité de l’Organisation panafricaine a rappelé qu’aucun membre du CMT ne pourra être candidat à la fin de la transition, et s’en tient toujours à une seule transition de 18 mois. L’Union africaine a par ailleurs prévenu dans son communiqué qu’elle prévoit d’organiser «en temps utile une séance spéciale» qui sera consacrée à la «transition politique au Tchad».
Que fera le gouvernement de N’djamena ? «Il y aura un débat lundi (aujourd’hui ndlr), on attend la fin du dialogue national inclusif pour donner la position du gouvernement, mais pas maintenant pour éviter de créer la polémique pour rien», a déclaré Abderaman Koulamallah, porte-parole du gouvernement. A suivre, donc. n