Visiblement, l’Agence nationale d’appui au développement de l’entrepreneuriat (Anade) est encore loin des objectifs qui lui ont été assignés à son lancement fin 2020, à savoir réhabiliter l’acte d’entreprendre dans sa dimension économique créatrice de richesse et porteuse de croissance.
Par Feriel Nourine
Nouvelle dénomination de la défaillante Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (Ansej), l’Anade a été placée sous la tutelle du ministère délégué auprès du Premier ministre chargé des Micro-entreprises.
Mais l’agence s’est vite retrouvée à gérer le lourd passif hérité de l’Ansej, à travers une interminable opération de comptabilisation d’entreprises en difficultés et de dossiers de dettes non remboursées.
L’on se souvient à ce propos des annonces successives faites par le ministère concernant la validation de dossiers pour le remboursement des dettes. Lesquelles touchent la majorité des entreprises nées dans le cadre de l’ancien dispositif.
Sauf que la situation est beaucoup plus préoccupante qu’elle ne donne l’air, selon le ministère de l’Economie de la connaissance et des startups et des PME dont l’Anade est rattachée aujourd’hui. Ce dernier a relevé au niveau de l’ex-Ansej «de nombreux abus qu’elle a connus depuis sa création, à travers la propagation du phénomène des faux projets, ainsi que des fournisseurs corrompus impliqués dans le gaspillage de l’argent public», fait-il savoir dans un communiqué. C’est pourquoi un comité interministériel composé de 10 ministères s’est réuni la semaine dernière, «pour débattre de l’avenir de l’Agence nationale d’appui et de développement de l’entrepreneuriat», fait savoir la même source.
«M. Yassine Oualid, ministre de l’Économie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, a présidé en fin de semaine dernière un comité interministériel, avec la participation des secrétaires généraux de dix ministères, afin d’étudier les changements radicaux concernant l’Agence nationale d’appui au développement de l’entrepreneuriat (anciennement Ansej), dans le but de passer de l’approche sociale actuelle, à une approche purement économique, précise-t-on.
Il s’agira pour ce comité de soumettre un rapport détaillé au Premier ministre, avant la fin du mois en cours, qui apportera «une série de propositions visant à modifier le modèle de soutien de l’État aux petites entreprises et l’orienter vers des normes économiques qui motiveraient les jeunes entrepreneurs à se lancer dans l’entrepreneuriat», explique-t-on, insistant sur le fait que «l’entreprise repose sur des bases et des objectifs réalistes qui produisent de la richesse et des postes de travail».
Et de rappeler que le ministère de tutelle avait déjà mené une étude approfondie sur la réalité de l’agence depuis qu’elle a été confiée à la tutelle en octobre 2022. Laquelle étude «conduit à la nécessité d’apporter des changements structurels à l’agence pour soutenir les activités que l’État a mobilisées, et pour changer la philosophie adoptée dans le domaine du financement des petites entreprises et passer d’un raisonnement quantitatif à un raisonnement qualitatif», est-il encore souligné dans le communiqué.
Dans le même temps, l’agence «a engagé des poursuites judiciaires à l’encontre de fournisseurs impliqués dans des affaires de corruption et d’escroquerie de porteurs de projets», conclut le ministère.
Après deux années d’existence, l’Anade va-t-elle changer de mode d’emploi dans le soutien à l’entrepreneuriat ? A l’arrivée de cette nouvelle dénomination, l’Ansej comptait déjà un nombre impressionnant d’entreprises défaillantes dont 11 000 en situation de faillite, selon les statistiques du secteur.
L’Etat s’est cependant montré, une nouvelle fois, prêt à faire jouer la carte de l’assistanat au détriment de l’investissement réel et de l’effort dans le travail. Derrière cette attitude, des observateurs décèlent un statut quo des pratiques qui ont, 24 années durant, maintenu l’Ansej sous perfusion. Les raisons sont d’ordre politique.
Entre-temps, les créances cumulées par les microentreprises version Ansej traînent depuis des années, leur stock prend de plus en plus de volume et les prolongations et souplesses accordées par les banques en guise rééchelonnement des dettes des entreprises ne suffisent plus pour cacher le marasme dans lequel sont plongées la majorité des entités mises sur le circuit économique par la voie d’un dispositif mal parti, et qui n’est jamais arrivé à la destination promise par ses concepteurs.
Aujourd’hui, ce sont dix ministères qui se retrouvent au chevet d’une agence qui a servi à engendrer des déséquilibres dans les caisses des banques, loin de la richesse économique qui était attendue d’elle. Victime, entre autres, de sa propre dénomination, ce dispositif avait été, dès son avènement, versé au compte de la création de l’emploi au profit des jeunes, au sens exagérément social du terme, mais cependant porteur pour le pouvoir en place. D’où d’ailleurs les faux projets et la corruption qui a régné en maître au sein de l’Ansej. <