Sonatrach, en pleine négociations autour de la révision des cours du gaz naturel vendu à son client espagnol Naturgy, veut que le prix du gaz soit indexé désormais à la référence européenne le TTF plutôt qu’au prix du pétrole, ce qui se traduira par une hausse importante des prix du gaz algérien vendu à l’Espagne par rapport aux prix actuels indexés à ceux du Brent.

Par Hakim Ould Mohamed
Sonatrach renégocie une hausse des prix de son gaz vendu à ses partenaires européens. Alors que les cours du gaz naturel battent tous les records, les pays fournisseurs jugent que le principe d’indexation des prix du gaz à ceux du pétrole sur les contrats de long terme n’est plus viable économiquement, tant il est vrai que les producteurs ne profitent que faiblement de cette envolée des prix. Ce pourquoi, Sonatrach tente depuis près d’une année de faire aboutir des négociations autour de la révision des cours du gaz naturel vendu à son client espagnol Naturgy. Selon des médias espagnols, la partie algérienne veut que le prix du gaz soit indexé désormais à la référence européenne le TTF plutôt qu’au prix du pétrole. Les termes de l’accord entre Sonatrach et Naturgy sont confidentiels, tout comme l’état d’avancement des négociations. Cependant, l’entreprise espagnole assure que les négociations se déroulent dans de bonnes conditions et que sa relation avec Sonatrach est plutôt bonne. Des sources proches des négociations évoquent dans les médias espagnols un changement dans la base de calcul des cours à la demande de l’Algérie. Si la partie espagnole venait à acquiescer à la demande de Sonatrach, les cours du gaz pratiqués actuellement sur les contrats de long terme pourrait doubler ou tripler. Pendant que le prix du baril de Brent tourne ces dernières semaines autour de 93 dollars en moyenne, le prix du gaz fixé par l’indice néerlandais, le TTF, évolue autour de 200 euros par MWh, soit le double du prix de la référence européenne de pétrole, le Brent en l’occurrence. L’intention de l’Algérie de passer à l’indice TTF pour fixer le prix de son gaz vendu à l’Espagne intervient à un moment où l’UE s’apprête à réformer le mode de fixation des prix du gaz et à réduire l’influence de l’indice TTF sur des chiffres que la Commission européenne considère comme très volatils, opaques et spéculatifs qui tirent les prix vers le haut. Mais l’Algérie dispose de bonnes marges de manœuvre pour bien négocier les prix de son gaz vendu à l’Europe, compte tenu de la conjoncture marquée par une forte demande de l’Union européenne au gaz algérien. Il serait difficile que l’UE change les règles du jeu en matière de fixation des prix après que Vladimir Poutine ait menacé d’arrêter l’ensemble des approvisionnements en pétrole et en gaz si l’UE venait à plafonner les prix du gaz russe acheminé à destination du Vieux Continent.
L’UE prise en tenaille
Il serait également maladroit que l’UE plafonne les prix aux autres fournisseurs en épargnant la Russie. En outre, compte tenu du poids du TTF et son influence en matière de fixation des prix, devenu le principal indice utilisé par l’Europe pour les contrats gaziers de long terme, il est peu probable que l’Europe bascule brutalement vers une autre base de calcul, alors que l’enjeu premier de l’heure est de remplir les structures de stockage pour pouvoir passer l’hiver au chaud. Indexer les prix du gaz algérien sur ceux du TTF serait un bon compromis, d’autant plus que l’Algérie est considérée par ses partenaires européens comme étant un fournisseur fidèle et fiable. Si les deux partenaires Sonatrach et Naturgy venaient à faire aboutir leurs négociations, cela se traduira par une hausse importante des prix du gaz algérien vendu à l’Espagne par rapport aux prix actuels indexés à ceux du Brent. Cette volonté clairement affichée par Alger de renégocier les prix de son gaz vendu à ses clients européen est motivée par le fait que l’Algérie ne profite que faiblement de l’envolée des prix du gaz sur le marché européen. Il est vrai que le prix du pétrole algérien a gagné 50% durant les cinq premiers mois de l’année 2022, entraînant, bien qu’avec un délai, le prix à l’export du gaz algérien, mais cette hausse est de moindre importance par rapport à celle des prix du TTF. Selon des statistiques contenues dans le dernier rapport de suivi de l’économie algérienne publié par la Banque mondiale, les prix d’exportation du gaz naturel algérien ont augmenté de 29% sur les neuf premiers mois du précédent exercice, contre 64% pour le prix de référence du gaz européen, du fait de la part de contrats arrimés aux prix du pétrole avec un délai dans les exportations algériennes. Cela explique parfaitement pourquoi Sonatrach tente de renégocier les prix de son gaz fixés contractuellement sur les prix du pétrole. Preuve en est que si le prix de référence du gaz Henry Hub a gagné près de 50% entre le deuxième et le troisième trimestre de 2021, le prix à l’exportation du gaz naturel algérien n’a augmenté que de 0,5% sur la même période, lit-on dans le rapport de la Banque mondiale, se basant sur des statistiques de l’Agence internationale de l’énergie et de la Banque d’Algérie. <