Le complexe d’industrie mécanique de Rouiba, la SNVI, va rejoindre le secteur industriel de la Défense et se mettre sous la tutelle de la direction de la fabrication militaire (DFM) pour avoir un plan de charge lui permettant de sortir de la situation de crise qui l’étouffe depuis des décennies en dépit de multiples injections financières de l’Etat. Des aides et des crédits dont le dernier en date – plus de 91 milliards de dinars – remonte à 2016, et qui ne semblent pas avoir servi à réaliser les objectifs de viabilité économique recherchée.

L’annonce que ce géant aux pieds d’argile fera partie de l’industrie militaire a été faite hier par le ministre de l’Industrie Ferhat Ait Ali en marge de la présentation au Conseil de la Nation (Sénat) du plan d’action du gouvernement. M. Ait Ali a estimé que les délais nécessaires pour la finalisation du transfert prendront entre 2 à 3 mois. Une fois, le transfert accompli, la SNVI – qui compte près de 6000 travailleurs – deviendra une filiale de l’industrie militaire. La proclamation de ce transfert n’en est pas une véritablement : la société nationale des véhicules industriels, sa vraie dénomination depuis qu’elle a vu le jour dans les années 1970, est en relation avec la DFM depuis mars 2011, période à laquelle un accord a été signé entre le MDN, la SNVI, le groupe émirati Aabar et le groupe allemand Mercedes-Benz et Daimler, pour la modernisation et l’extension de la plate-forme de production de véhicules. Aujourd’hui, cet accord qui concernait une partie certes importante des activités du
complexe va concerner son ensemble qui passe sous bannière militaire avec une nouvelle manière de faire et un nouveau processus de management. Le passage de la SNVI à la DFM est communiqué quelques semaines après que le chef de l’Etat ait tenu des propos élogieux sur les «succès» et les «performances» de l’industrie militaire algérienne. Ses propos anticipaient un changement radical pour le site qui passe sous la tutelle exclusive de l’Armée et la fin d’une page d’histoire pour le commencement d’une nouvelle. A propos d’histoire, il serait plus juste de parler de la petite et de la grande histoire. La petite histoire signe la fin de l’illusion que SNVI était en mesure de capter de l’investissement privé national et international pour remettre ses chaînes de montage au rythme qu’impose aujourd’hui les réalités de l’industrie mécanique et du véhicule lourd.
Entre 2003 et 2015, que de prétendants ont été annoncés pour des projets d’association avec le complexe, mais hormis le partenariat en cours signée par le MDN et qui permet à ses ateliers de produire aujourd’hui uniquement des camions à usage militaire, aucun d’eux ne s’est matérialisé.
La grande histoire signe la disparition d’un pan entier des luttes ouvrières et du monde du travail dans notre pays, SNVI Rouiba ayant toujours été considéré comme un fief syndicaliste et l’un des derniers sans doute où l’UGTA disposait encore d’un réservoir non négligeable de militants. A la fin des années 1970, les mouvements sociaux au sein du complexe étaient particulièrement craints par le régime peu tendre de l’époque. Pour beaucoup d’observateurs sérieux dont des historiens, les prémices des événements d’octobre 1988 sont à chercher entre autres dans les ateliers de la SNVI dont les travailleurs ont également mené des mouvements de protestations d’envergure durant les années 90.
En janvier 2010, année de grande crise pour le site industriel, ils ont failli transformer leur grève qui a duré plusieurs jours en une révolte populaire à Alger. En 2016, ils ont tenu des rassemblements dans la ville de Rouiba pour marquer leur opposition à la suppression du projet du gouvernement de l’époque visant à supprimer la retraite anticipée et celle sans condition d’âge.