Avec une situation épidémique qui continue d’être caractérisée par des proportions importantes du nombre de contaminations, le problème d’oxygène continue de dominer le débat. Ils sont actuellement plus de 14.000 malades hospitalisés et sous oxygène, rendant, ainsi, l’offre de cette matière vitale insuffisante au vu d’une demande grandissante de jour en jour. Les lits d’hospitalisation n’arrivent pas, non plus, à satisfaire le grand flux des malades dont le nombre ne cesse d’augmenter et qui ont fini par saturer les hôpitaux.
PAR INES DALI
«Durant cette troisième vague, nous en sommes à plus de 14.000 patients sous oxygène à haut débit. C’est ce qui rend difficile de répondre à la demande», a déclaré le Pr Riyad Mahyaoui, chef de service réanimation au CNMS de Ben Aknoun et membre du Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie de Covid-19, selon lequel le personnel a été surpris par la spécificité du variant Delta. «Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce variant Delta est un grand consommateur d’oxygène. Il y a plus de 14.700 malades hospitalisés et ce sont tous des malades qui ont besoin d’oxygène, dont plus de 900 sont en réanimation, chose qui n’est jamais arrivée. Tous ces malades ont besoin non seulement d’oxygène, mais ils ont besoin de l’oxygène à haut débit quelquefois. C’est ça la particularité de cette troisième vague», a-t-il affirmé sur les ondes de la Radio nationale. Il explique ainsi que tout cela fait que la consommation d’oxygène s’est «hyper accrue».
Pour tenter de faire face à cette situation problématique, «tout est mobilisé» pour la prise en charge des malades Covid, que ce soit pour les lits d’hospitalisation ou pour l’oxygène. «Toutes les entreprises fabricant de l’oxygène donnent le maximum pour fournir les hôpitaux, mais la multiplication du nombre de malades et une consommation d’oxygène multipliée par deux ou trois fait que cela ne suffit pas», selon le Pr Mahyaoui, qui a expliqué qu’au début de la pandémie, il y avait moins de personnes atteintes car la souche-mère de Covid-19 touchait plus les personnes âgées, alors que, maintenant, il y a également les sujets jeunes qui sont atteints. «Une personne atteinte par la souche-mère pouvait contaminer 2 à 2,5 de personnes, maintenant, avec le variant Delta, elle peut contaminer 8 personnes.
C’est dire toute la difficulté de la situation actuelle», a-t-il dit. Toujours en termes de mobilisation, il a indiqué que de nouveaux lits sont à chaque fois libérés dans les hôpitaux en mobilisant les autres services pour revenir à la formule de base au début de la pandémie et qui stipulait que «tous les services sont Covid» en temps de recrudescence du nombre de malades.
Le CHU Mohamed-Nedir débordé
Mais dans certaines wilayas touchées, même les autres services ne suffisent plus. L’exemple est donné depuis Tizi Ouzou. Un chapiteau destiné à la prise en charge des malades de la Covid-19 a été installé au niveau du CHU Mohamed-Nedir du chef-lieu de wilaya pour faire face à l’«important afflux» des personnes atteintes par cette pandémie, a annoncé, hier, la cellule de communication de cet établissement hospitalier dans un communiqué. Ce chapiteau a été installé vendredi soir, selon la même source qui a précisé que «face à la hausse vertigineuse du nombre de malades Covid-19 hospitalisés et qui a atteint les 380 patients, la direction du CHU de Tizi Ouzou a dû recourir à l’installation, vendredi à 22h, d’un chapiteau sanitaire climatisé». Ce chapiteau, destiné à «contenir le flux» des patients est d’une capacité de 24 lits, selon le communiqué qui lance aussi un appel à «la mobilisation de tous, par le respect des gestes barrières afin de rompre la chaîne de contamination».
Cette crise a démontré, si besoin est, des «insuffisances du système de santé à tous les niveaux, notamment l’état archaïque de nos hôpitaux» est l’accablant constat du Pr Mahyaoui. Le cumul des carences depuis des décennies ne pouvait qu’aboutir à un tel constat et la pandémie de coronavirus a contribué à mettre à nu ce qui était latent. La réforme préconisée du système sanitaire qui ne peut être réalisée du jour au lendemain intervient «au bon moment», de l’avis du Pr Mahyaoui, qui recommande que les hôpitaux soient autonomes en oxygène et en énergie. Il estime qu’il faudra que ce soit «une autonomie totale et indépendante de toute industrie quelle que soit son origine. Cela pourra nous préparer à d’autres vagues ou d’autres virus qui vont apparaitre, car on n’est pas à l’abri d’une quatrième vague comme en Europe, ou d’autres virus qui seraient peut-être plus dangereux que ce qui se passe actuellement».
Des solutions à court, moyen et long termes
Pour l’autonomie des hôpitaux et pour une plus grande disponibilité de l’oxygène, il y a des solutions à court, moyen et long termes. Outre les extracteurs qui arrivent par milliers (court terme), le membre du Comité scientifique relève : «On sait très bien qu’il faut parfois des mois pour acquérir les équipements lourds de l’étranger, car il y a plusieurs étapes entre leur choix, leur commande et leur installation au niveau des hôpitaux. Mais entretemps, il faudra trouver une solution immédiate à cette crise qui complique la prise en charge des patients, qui entraîne un état d’anxiété, de psychose et de peur chez la population et même dans le personnel soignant qui attend, parfois tard la nuit, les obus d’oxygène ou les camions pour remplir leurs cuves et qui, parfois tardent à venir et, parfois, ne viennent pas. C’est une situation critique et très inconfortable.» L’autre solution dans cette situation de «guerre biologique», pour paraphraser les spécialistes, réside dans la vaccination de masse pour atteindre l’immunité collective. Pour pouvoir vacciner le plus grand nombre possible, le Pr Senhadji a quantifié à 400.000 vaccinés par jour pour une immunité de 50% au début de l’automne. Pour ce faire, il y a nécessité d’impliquer le secteur privé et les officines, ce qui est envisagé. De nouveaux espaces de vaccination seront encore ouverts ainsi que la mobilisation des retraités de la santé, des étudiants du secteur, etc. «Tout ce qui est mobilisable pour accélérer la cadence de la vaccination sera utilisé», a assuré le membre du Comité scientifique, qui en appelle à «la responsabilité collective» par l’adhésion à la campagne de vaccination et au respect des gestes barrières, loin du relâchement.
90% des hospitalisés ne sont pas vaccinés
Les différents vaccins anti-Covid-19, «même s’ils n’empêchent pas la contamination, ils protègent à 100% des formes graves de la maladie», a soutenu le spécialiste. «90% des patients Covid-19 qui sont en hospitalisation et qui compliquent ne sont pas vaccinés, y compris parmi le personnel médical touché. Vous pouvez tirer vos conclusions», a-t-il déploré.
Il annonce qu’en prévision de la rentrée sociale et scolaire, l’effort de vaccination devra redoubler. «D’ici la fin du mois d’août, l’ensemble des enseignants sera vacciné. Une fois les adultes vaccinés, la question de vaccination des plus jeunes sera posée». Mais d’ores et déjà, le membre du Comité scientifique de suivi de la pandémie de Covid-19 révèle qu’un «plan de grande envergure est lancé pour organiser la participation du secteur médical privé, des étudiants en médecine et des pharmaciens à la campagne de vaccination» De même qu’une journée nationale où tout ce monde sera mobilisé est prévue d’être organisée pour ce faire.
Revoilà les agressions contre le personnel soignant
La lutte est multisectorielle et ne concerne pas seulement le ministère de la Santé ou de l’Industrie pharmaceutique, a fait remarquer encore le Pr Mahyaoui, soulignant que ceux qui ne respectent pas les protocoles sanitaires, comme dans les transports, les commerces ou autres, doivent être verbalisés. L’application de la loi criminalisant les agressions contre le personnel médical devrait également être de rigueur avec la réapparition de comportements préjudiciable à cette corporation. Ces derniers jours, des médecins et infirmiers s’expriment sur les réseaux sociaux pour faire part de ces attitudes qu’ils dénoncent et qui sont «dues au manque d’oxygène». Un médecin de l’EPH de Meftah (wilaya de Blida), a réclamé «le déploiement des services de sécurité pour protéger les soignants contre les agressions». La même chose est réclamée à l’hôpital Sobha de Chlef.