Le ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Prospective, Mohamed Cherif Belmihoub, n’a pas brossé, hier au forum Echaab, un tableau très brillant de la situation économique en Algérie. «On baigne dans l’incertitude. Les données réelles sont inexistantes, on a tout faux !», a-t-il confié, hier, lors de son intervention au forum Echaab.
La prospective, dit-il, est devenue un facteur de souveraineté pour tous les Etats afin d’anticiper les crises futures, les confronter sans les subir. Mais en Algérie, déplore-t-il, à la place de données et d’un tableau de bord, on n’a que des spéculations et des opinions personnelles. «Comment être sûrs dans ce cas-là que les décisions à prendre répondent aux besoins réels de la population en matière d’emploi, par exemple. Pour l’étude que nous avions lancée, pour faire face aux crises actuelles, on a analysé la situation économique entre 2009 et 2019 et les réalisations de 2020», indique-t-il. Il fallait démarrer de zéro donnée pour faire cette étude, précise-t-il, en optant pour des modèles hypothécairo-logiques. «Pour nous concentrer sur les crises actuelles et à la demande des pouvoirs publics, on a laissé de côté l’établissement de la stratégie de développement national à long terme pour nous consacrer sur l’étude de ces crises. Cette dernière nous a permis de relever plusieurs points et de corriger des images qui ont été déformées», signale-t-il. Il a indiqué à ce propos, que l’Algérie, avec ces 50 ou 60 milliards de dollars de recettes hydrocarbures, ne peut être considérée comme étant un pays pétrolier, mais plutôt un nain pétrolier. Ce n’est pas non plus un pays gazier, estime-t-il, car les prix pratiqués sont très bas et la consommation locale est trop forte. Il a prévenu d’ailleurs que si cette consommation poursuit son ascension, l’Algérie ne pourra plus exporter un seul baril de gaz à l’horizon 2028. Sur la consommation locale de l’énergie, note-t-il, les ménages ont une grande part au dépend des entreprises. Ce qui représente un grand risque pour l’économie nationale. De même que l’industrie, tant que son taux au PIB ne dépasse pas les 4,5%. «Avec un tel taux, un pays de plus de 40 millions d’habitants ne peut pas avoir d’avenir. Plus de 60% des activités économiques représentent des services dont la valeur ajoutée est très limitée. La moitié de la population active est concentrée dans l’informel. Une grosse perte pour le Trésor public notamment !», signale-t-il. Pour toutes ces raisons, l’économie nationale est très vulnérable et exposée à tous les risques, à toutes les crises éventuelles. L’Etat ne peut plus, selon lui, poursuivre la soutenabilité budgétaire en consacrant 25% du budget national à l’aide sociale.
Quant à la relance économique, d’après lui, elle est conditionnée par les réformes qui doivent être lancées au cours de cette année, par la bonne gouvernance basée sur la transparence, la responsabilité, l’efficacité, l’évaluation et par les politiques publiques appropriées pour la valorisation de nos richesses hors hydrocarbures. Par la création aussi de plus d’un million d’entreprises d’ici à 2022 en encourageant les acteurs à prendre des risques, mais calculés, et nos opérateurs à investir dans le long terme et non à court terme comme c’est le cas aujourd’hui.
La relance économique dépend aussi, soutient-il, par la résolution du problème de l’intermédiation financière, de la centralisation et de la bureaucratie. «Ce n’est pas cette dernière qui pose réellement problème mais les bureaucrates discrétionnaires qui appliquent la loi à leur guise. Il est essentiel aussi de se pencher sur les avantages fiscaux, dans les transactions publiques, qui n’ont généré aucune contrepartie, rendement ou investissement. Il y a eu plus de création de patrimoine que de capital. Après l’injection de 6 500 milliards de dollars, on se demande encore pourquoi il y a un manque de liquidités dans les bureaux de poste !», remarque-t-il. Il annonce le lancement d’une étude prévisionnelle, par son département, sur la période 2021-2025 ainsi que des plateformes interdisciplinaires de prospective sur la sécurité énergétique, la sécurité alimentaire et sur le capital humain et les jeunes. n