Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, M. Mourad Zemali, a fait, hier à Alger, le point sur de nombreuses questions relatives à l’actualité de son secteur : le chômage, le déséquilibre des caisses de sécurité sociale, le déficit que connaît la caisse nationale de retraite, ainsi que la fameuse liste des métiers à haute pénibilité que son département a du mal à établir.

Mourad Zemali, qui était l’invité sur les ondes de la Chaîne I de la Radio nationale, a d’abord indiqué que le taux de chômage en Algérie a baissé passant de 16,7% en 2017 à 11,1% en 2018, se basant sur les données de l’Office national des statistiques (ONS). Une baisse qui s’explique en partie, dira-t-il, à l’implication des autorités dans la création d’emplois à travers notamment l’attribution de crédits aux jeunes porteurs de projets pour la création de PME. S’agissant du Grand-Sud, qui connaît des mouvements réguliers de protestation des chômeurs, comme à Ouargla, M. Zemali a déclaré avoir donné instruction pour le recrutement de 14 000 jeunes demandeurs d’emploi par le biais des agences Anem implantées dans le Sud. Cette décision, qui intervient au moment où la tension se fait de plus en plus sentir dans cette région, a pour objectif de réduire le taux de chômage mais aussi d’assurer une «certaine justice sociale», a fait savoir le ministre. Il a par la même occasion salué le sérieux des jeunes du Sud qui ont « su tirer profit» des facilitations accordées par l’Etat pour la création de petites et moyennes entreprises, allant même jusqu’à rembourser la totalité du crédit au bout de deux années, a-t-il précisé.
Caisses de sécurité sociale en souffrance
Concernant la question de la Sécurité sociale, dont les caisses traversent aujourd’hui, une crise sans précédent, le ministre a indiqué que la cause principale du déséquilibre des caisses de sécurité sociale est la non-déclaration et l’absence de cotisation de la part de la majorité des travailleurs. «Il faut savoir que 50% du montant des primes de retraites sont financés par les cotisations des assurés, mais la caisse nationale de retraite (CNR) connaît aujourd’hui un déficit de 580 milliards de dinars», a-t-il souligné, en ajoutant que «l’écart est énorme entre le nombre de personnes ayant accès à l’ensemble des privilèges de la Sécurité sociale, mais qui ne cotisent pas un centime». Dans ce sens, Zemali a fait savoir que si le nombre de bénéficiaires de la carte Chifa dépasse les
39 millions, le nombre de cotisants, lui, est de 6 480 000. Pour y remédier, le ministre a indiqué que son département a lancé des opérations de sensibilisation en direction des travailleurs sur l’importance de la déclaration à la Cnas et la Casnos. «De nombreuses personnes ignorent l’importance d’être déclarées à la Sécurité sociale. Certaines, une fois arrivées à la retraite, se retrouvent avec de maigres pensions car le calcul se fait sur le nombre d’années travaillées et déclarées», a-t-il précisé. Le ministre n’a pas manqué aussi de signaler son intention de passer aux sanctions, une fois la phase de sensibilisation terminée.
Autre cause citée par Zemali du déséquilibre des caisses de sécurité sociale, les congés maladies de complaisance que le ministre a qualifiés de «véritable maladie». Tout en indiquant que son département a entamé une traque sans merci des congés de maladie de complaisance, il a signalé que la Sécurité sociale a déjà remboursé 4 590 000 jours de congé maladie pour les six premiers mois de 2018. Quant à la facture de remboursement de médicaments, elle s’est élevée à 212 milliards de dinars en 2017.Interrogé sur les futur contrats de performance qui seront bientôt signés avec les grands producteurs de médicaments internationaux, le ministre a indiqué que cette opération a pour but, non seulement de réduire la charge qui pèse sur les caisses de la Sécurité sociale, mais aussi de faciliter l’accès aux médicaments innovants pour les malades algériens. En plus des traitements destinés aux malades chroniques, le ministre a indiqué que ces contrats seront élargis aux médicaments à usage fréquent.
Liste des métiers pénibles, Zemali temporise
Alors que les travailleurs attendent de pied ferme que la liste des métiers à haute pénibilité soit enfin dévoilée, le ministre du Travail a remis les pendules à l’heure, en annonçant que «la commission d’experts installée à cet effet n’a pas encore établi les critères qui définissent un métier pénible». En ajoutant : «Nous avons pris cette question d’un point de vue scientifique en mettant en place une commission de techniciens et d’experts qui maîtrisent le sujet de la santé au travail. La commission a déjà tenu de nombreuses réunions et travaille à son rythme. Une fois les critères d’un métier pénible définis, nous allons convoquer les partenaires sociaux pour débattre et écouter leurs suggestions.
Ce n’est qu’une fois toutes ces étapes franchies que nous dévoilerons la liste finale.» Néanmoins, Mourad Zemali a fait savoir que le facteur de pénibilité physique ne sera pas le seul critère pris en considération. Installée déjà depuis trois ans, la commission chargée de l’élaboration de la liste des métiers pénibles exerce dans l’opacité la plus totale. Cependant, et après avoir annoncé à maintes reprises la prochaine finalisation du projet, voilà que Zemali se rétracte, aujourd’hui, en indiquant que la commission est au stade de la réflexion.
Pour Idir Achour, secrétaire général du Conseil des lycées d’Algérie (CLA), il ne s’agit que d’«une énième manœuvre pour gagner du temps». «Ladite commission existe depuis 1984 et chaque fois que le front social commence à bouger, on nous sort la même histoire, cela est regrettable ! », a-t-il déploré.n