Par Bouzid Chalabi
Conséquemment au conflit armé qui oppose, depuis une semaine, la Russie à l’Ukraine, deux pays importants en termes d’exportation de blé, car détenant à eux deux 34% du marché mondial de cette matière première végétale hautement stratégique, les prix du blé meunier viennent d’atteindre un nouveau record sur le marché européen, soit 351,25 euros la tonne. Une envolée synonyme de forte crainte pour un pays comme le nôtre qui a importé, ces dernières années, entre 6 et 7 millions de tonnes par an de blé d’origine européenne pour l’essentiel. Pis encore, si le conflit et la sécheresse en cours dans le pays venaient à perdurer, l’Algérie devra importer davantage et au prix fort.
L’Algérie sera, en effet, contrainte d’importer de gros volumes de blé tendre et dur si, d’ici le mois de mai, les épisodes pluviométriques ne sont pas au rendez-vous. Cela risque de compromettre grandement les rendements à l’hectare. Sur ce dernier point, faut-il rappeler que la sécheresse, qui a sévi en 2021, a donné lieu à de faibles récoltes à l’issue de la campagne moissons-battage. Pour la précision, ladite campagne s’est soldée par une moisson de 11 millions de quintaux toutes variétés confondues pour des besoins nationaux de consommation à hauteur des 70 millions de quintaux et dont il fallait combler l’écart par la voie des importations.
C’est pourquoi, si la situation de sécheresse venait encore à perdurer pour l’actuelle campagne, d’ailleurs de nombreux indices confortent cette éventualité du fait de l’absence de pluviométrie depuis la fin du mois de novembre, les rendements ne seront que faibles et il faudra combler le déficit de la production par des volumes importants d’achat à l’externe. Mais, dans le contexte actuel et à venir, comme expliqué ci-dessus, la facture des importations va certainement connaître un sérieux bond à la hausse. Chose d’ailleurs inévitable dans le sens où l’alternative de se fournir en blé ailleurs qu’au marché européen est à exclure. Pourquoi ? Le conflit armé continue, en effet, de bloquer entièrement le trafic maritime en mer Noire et les sanctions économiques à l’encontre de la Russie viennent restreindre de plus en plus la capacité du pays à peser sur la scène internationale. De plus, une bonne partie du marché considère désormais les disponibilités russo-ukrainiennes comme inaccessibles. Ce faisant, du côté de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), le pays ne sera pas affecté dans son programme d’importation de blé tendre et dur par ledit conflit armé «puisque le gros de nos importations sont d’origine européenne», a rassuré un cadre de l’OAIC sur plusieurs supports médiatiques nationaux.
A propos de la facture des importations, de nombreux observateurs, qui se sont prononcés jusqu’ici sur le sujet, estiment à l’unanimité que si le conflit perdure cela va créer une tension sur le marché mondial des céréales primaires (blé tendre et dur) et du maïs. Ce qui va conduire sans aucun doute à une hausse significative des prix. Un scénario qui a commencé à se confirmer par l’effet d’une tension sur l’offre. Et pour preuve, des sites web spécialisés dans le domaine des tendances du marché mondial des céréales rapportent que les ports ukrainiens sont toujours bloqués et la demande est forte, avec «des acheteurs qui cherchent des solutions» pour remplacer les cargaisons ukrainiennes sur lesquelles ils espéraient pouvoir satisfaire leurs demandes.
Toujours selon les mêmes sources, on apprend que les marchés commencent à prendre la mesure de la situation dans le sens où les importations en provenance de l’Ukraine et, par voie de conséquence, les pays gros acheteurs sont dans l’urgence de trouver d’autres fournisseurs. C’est le cas de l’Egypte, révèle le cabinet Agritel, qui rapporte également que ce pays qui cherche à acheter du blé «a, une nouvelle fois, annulé son appel d’offres, jugeant probablement les prix trop élevés», lit-on. A ce propos, on peut se demander si l’Algérie va faire de même dans l’attente que les cours baissent, ce qui reste du domaine de l’imprévisible. Toutefois, il faut s’attendre à ce que la facture d’importation de 2022 soit élevée.