Par Hakim Ould Mohamed
Les pays siégeant dans l’Opep+ devraient se réunir demain pour discuter d’une nouvelle réduction de leur production. Plus tôt cette semaine, des rumeurs ont commencé à circuler selon lesquelles l’Opep+ envisageait une réduction importante de sa production, pouvant aller à plus d’un million de barils par jour, dans un contexte de baisse substantielle des prix du pétrole au cours des trois derniers mois.
La semaine dernière, la Russie avait donné le la, plaidant en faveur d’une coupe d’un million de barils par jour. Plus tard, des délégués de certains membres de l’Opep+ ont confirmé à Bloomberg que l’Organisation était prête à décider d’une coupe plus importante. Cette réunion intervient également dans une conjoncture marquée par les craintes de récession de l’économie mondiale, alors que l’Opep+ continue de pomper en deçà de ses propres objectifs de production.
L’écart entre les objectifs de production et la production réelle n’a cessé de s’élargir depuis maintenant plusieurs mois. La production pétrolière de la Russie a également diminué de plus d’un million de bpj, selon les données de production. C’est dans ce contexte que se tient une réunion décision de l’Opep et de ses alliés, prévue à Vienne. Ce qui fait dire à certains analystes que les réductions de production à venir ne seraient rien d’autre qu’un alignement des objectifs sur la capacité réelle de production du groupe. Quoi qu’il en soit, ces réductions en préparation et les coupes ultérieures cimenteraient la place et le rôle de l’Opep+ sur l’échiquier pétrolier mondial en tant qu’acteur majeur et producteur influent. Le Financial Times a cité, hier, des sources proches de l’Arabie saoudite qui ont déclaré que le Royaume était favorable à une réduction de la production car cela lui permettrait de conserver plus longtemps sa capacité de réserve. Les mêmes sources ont expliqué que l’Arabie saoudite se tient prête à intervenir sur le marché au cas où la production russe chuterait l’année prochaine.
Mais au-delà de ces justificatifs, les futures réductions de l’Opep+ confirment, qu’on le veuille ou pas, un changement tactique plus important. En août, la production de l’Opep+ était inférieure de 3,6 millions de bpj à son objectif de production, contre un déficit de 2,9 millions de bpj un mois plus tôt, après qu’en juin la production de l’Opep+ a augmenté de 490 000 bpj. En septembre, la production a atteint son plus haut niveau depuis 2020, selon un sondage réalisé par Reuters, même si elle n’a toujours pas atteint les objectifs arrêtés par l’Opep+. Le Nigeria et la Libye sont les deux producteurs qui continuent d’enchaîner les sous-performances en matière de production. Des pays comme le Nigeria et l’Irak ne seraient guère favorables à une réduction profonde de la production car souhaitant augmenter leur production et leurs exportations de brut. Mais comme ce fut le cas par le passé, l’argument selon lequel une baisse de la production entraînerait une hausse des prix pourrait gagner les cœurs et les esprits lors de la prochaine réunion de l’Opep+.
En tout cas, l’Opep+ continue de resserrer son emprise sur les marchés pétroliers, malgré sa sous-performance de ces derniers mois et en dépit de sa capacité de réserve limitée, alors que les Occidentaux luttent pour la sécurisation des approvisionnements en énergie au prix d’une inflation galopante et les risques d’une éventuelle nouvelle récession économique. La stratégie de l’Opep+ de retour aux réductions de la production vise en fait trois objectifs, à savoir bien évidemment, une hausse des prix qui sont passés de 125 dollars le baril de brent en février dernier à 91 dollars actuellement, le renforcement de son contrôle sur les marchés et la protection de sa capacité de réserve.
Les cours ont fortement chuté pour les deux références du marché, le brent et le WTI en l’occurrence (-27%), alors que les perspectives économiques se détériorent à travers le monde. Ce pourquoi, les analystes et les observateurs s’attendent à ce que la baisse de la production annoncée pour aujourd’hui pourrait atteindre un million de barils par jour. En réduisant, à nouveau, sa production, l’Opep+, menée par l’Arabie saoudite et la Russie, ne répondrait pas aux appels des pays consommateurs, qui voudraient voir les producteurs du Moyen-Orient compenser les baisses des exportations de Moscou depuis le début de la guerre en Ukraine. Ce n’est pas la première fois que l’Opep+ fait fi des appels des pays consommateurs qui, avant les appels qui lui sont adressés par les Européens, les Etats-Unis, la Chine et l’Inde ont déjà appelé eux aussi à une hausse de la production de l’Opep+. <