La procédure judiciaire engagée par le tribunal de Sidi M’hamed contre sept hauts responsables de l’Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs (ENTMV) «Algérie Ferries», dont l’ex-PDG Kamel Issad, ainsi que le vice-président, le chef du département informatique, le directeur commercial et le chef d’escale à Alger, a été marquée lundi soir, à l’issue de la première journée du procès, par un réquisitoire particulièrement lourd.
Par Nadir Kadi
Les accusés, poursuivis pour «dilapidation délibérée» et «utilisation illicite des biens et des fonds publics», «abus de fonctions» et «enrichissement illicite», risquent en effet entre cinq et dix ans de prison en plus d’amendes d’un million de dinars chacun et la saisie des biens identifiés durant l’enquête. Le verdict du tribunal est quant à lui attendu le 19 janvier prochain selon les informations communiquées dans la journée d’hier.
Affaire dont l’origine remonte pour rappel au début du mois de juin 2022, suite au «scandale» suscité par la «sous-exploitation» manifeste des capacités de transport des navires de la compagnie, au moment même où un grand nombre de voyageurs était en attente. Les constatations de la justice avaient en effet mis en évidence que les navires avaient été «quasiment vides» lors des traversées des 1er et 2 juin. La première du navire Badji Mokhtar, Marseille-Alger, n’ayant transporté que 72 passagers et 25 véhicules alors que sa capacité est de 1 800 passagers et plus de 600 véhicules. Le second voyage, du navire Tassili II au départ de Skikda vers Marseille, n’ayant quant à lui transporté que 39 passagers et 21 véhicules pour une capacité de 1 300 passagers et plus de 300 véhicules. Une situation incompréhensible qui avait rapidement conduit au limogeage des responsables de la compagnie et l’ouverture d’une enquête dès le 10 juin.
Toutefois, les réponses des accusés, lors du procès, peinent encore à expliquer les raisons derrière cette «sous-exploitation» des navires. Le procureur de la République, pour qui les actes ne peuvent être que délibérés, a, à en ce sens, demandé l’application de la peine de 10 ans de prison ferme contre l’ex-PDG et deux autres accusés «en fuite» à l’étranger. L’accusation a, par ailleurs, réclamé 8 ans de prison ferme contre le directeur commercial et 5 ans contre les autres accusés dont l’ancien vice-président de la compagnie.
Quant à la défense, elle a, tour à tour, «expliqué» le scandale du mois de juin 2022 par le «manque de temps» pour la vente des billets, des «raisons techniques» suite à la défaillance du système de gestion informatique à cause de l’enregistrement d’un très grand nombre de visites et demandes de réservations sur le site internet de la compagnie, ou encore par un planning des traversées qui exigeait le retour du navire à Alger pour un autre voyage. Ainsi, longuement questionné par le juge, l’ancien vice-président d’Algérie Ferries, C. Ikbal, a rejeté l’ensemble des accusations, expliquant en substance que le délai d’organisation du voyage du 1er juin entre Marseille et Alger avait été «limité» et qu’aucune vente de billets n’avait été organisée au niveau du port.
Et dans cette même logique, le directeur commercial de la compagnie, B. Krim, a pour sa part avancé que la demande d’organisation de la traversée lui avait été communiqué le 20 mai 2022 suite à la décision du gouvernement de multiplier les voyages, «… ce qui s’est passé par la suite a été la conséquence du manque de temps (…) Nous avons enregistré une forte affluence au niveau des agences, il y a eu de dépassements de la part de voyageurs. Seuls 72 personnes et 25 véhicules ont été enregistrés pour le voyage programmé le 1er juin 2022». Le même accusé ajoutant plus loin que l’annulation du voyage entre Marseille et Alger était impossible «le navire était programmé pour un autre voyage le 2 juin (…) si l’on avait annulé le voyage retour nous aurions causé du retard pour le nouveau départ d’Alger. Il n’est pas souhaitable de régler un problème en en créant un autre». n