Le vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), Saïd Salhi, commente dans cet entretien les arrestations opérées vendredi dans les rangs des manifestants du Hirak à Alger.
Reporters : Des arrestations de manifestants à Alger ont été opérées le vendredi 17 janvier. Quelle lecture faites-vous ?
Saïd Salhi : Effectivement, nous avons recensé pas moins de 30 interpellations à Alger au cours de la journée de vendredi. La moitié des personnes interpellées a été placée en garde à vue, en attendant leur présentation devant le procureur de la République. En plus des arrestations, des manifestants ont été intimidés dans les rues de la capitale. C’est la première fois depuis la tenue de l’élection présidentielle qu’on enregistre des arrestations de manifestants à Alger. Les services de sécurité ont donné l’impression qu’ils voulaient empêcher la marche. Il faut noter sur le sujet que les forces de l’ordre ont interdit des marches à Sidi Bel Abbès et Saïda.
Ces arrestations témoignent d’un manque de volonté du pouvoir d’ouvrir une nouvelle page politique dans le pays et de rompre avec les pratiques du passé. Ces agissements montrent également que la libération de certains détenus, au début du mois, est loin d’être une mesure d’apaisement ou un début d’un nouveau processus politique en Algérie. Ainsi, le pouvoir continue de tourner le dos au peuple et à ses revendications légitimes pour le changement démocratique.
Le Président a entamé les discussions avec les acteurs de la classe politique de l’opposition, cela ne signifie-t-il pas un début de changement ?
La libération des détenus, le déverrouillage du champ politique et médiatique et le respect des libertés publiques sont les préalables pour la réussite d’une quelconque initiative de dialogue. Nous ne pouvons pas parler de dialogue avec le maintien des détenus en prison, la fermeture des routes les vendredis et la censure. Le pouvoir se contredit. D’une part, il plaide pour le dialogue et la concertation et, de l’autre, il gère le Hirak avec une main de fer.
Il y a comme une volonté de vouloir gagner du temps avec ces concertations. De plus, l’affaire du militant des droits de l’Homme Kadour Chouicha et de l’homme politique Karim Tabbou suscite de réelles interrogations. Ces deux personnes ont été libérées par la justice et arrêtées juste après par les services de sécurité. Idem pour les marches qu’on tolère au Centre du pays et qu’on interdit dans certaines wilayas de l’Ouest.
Un processus de dialogue responsable impose le respect de certaines normes, commençant par le choix des interlocuteurs. On ne peut pas parler d’un dialogue sérieux si on sait que c’est le pouvoir lui-même qui choisit ses interlocuteurs. Il discute avec qui il veut et sur le sujet qu’il souhaite. Un dialogue sérieux, c’est d’ouvrir des négociations directes avec tous les acteurs politiques et associatifs. Des négociations qui doivent déboucher sur des engagements fermes. Pour le moment, nous n’avons rien vu de cela. Le pouvoir s’est contenté de discuter avec certaines personnalités sur la situation politique et avec des organisations corporatistes sur des questions sectorielles. Cette méthode de travail cache un désir d’affaiblir le Hirak et de le détourner de ses véritables revendications politiques.