Le président Tebboune a adopté une tonalité nouvelle au sujet du conflit opposant le Sahara occidental et le Maroc. Inscrit à l’ordre du jour de la réunion en visioconférence du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, Tebboune a appelé la RASD et le Maroc à s’engager dans des pourparlers «directs et sérieux» pour mettre fin à des décennies de conflit.

L’on peut ainsi relever que s’il a eu un discours d’une autre nature au moment de sa parole libre en face des journalistes de la presse nationale, M. Tebboune a préféré une autre tonalité lors de cette tribune diplomatique de l’UA. Il a indiqué d’emblée dans son allocution que l’occasion «nous est donnée, aujourd’hui, d’examiner la situation grave au Sahara occidental, avec l’espoir de voir nos délibérations aboutir à des mesures concrètes et efficaces pour cristalliser une solution durable à ce conflit qui n’a que trop duré mais, qui ne saurait avoir de délais de prescription».
Contextualisant la rencontre, il a souligné que la réunion intervient dans l’objectif de «réunir les conditions d’un nouveau cessez-le-feu entre la RASD et le royaume du Maroc et d’œuvrer à la réalisation d’une solution juste et permanente à même de garantir le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et clore définitivement les dossiers de décolonisation en Afrique». Il a ajouté que «l’Afrique, qui a vaincu l’occupation européenne par sa lutte politique, et armée parfois, et qui est venue à bout de l’Apartheid, se doit aujourd’hui d’en finir avec le dernier foyer colonial dans notre continent».
Désignant la responsabilité du Maroc dans la reprise des hostilités armées entre les deux parties depuis novembre dernier, Tebboune dira que «l’échec du cessez-le-feu suite à la violation d’un accord en vigueur depuis 1991 et l’escalade dangereuse que connaît le conflit au Sahara occidental n’est que la résultante de décennies de politique de blocage et de ralentissement systématiques des Plans de règlement, de contournement du processus de négociations et de tentatives récurrentes d’imposer le fait accompli dans le territoire d’un Etat membre fondateur de l’UA».
Il a cité entre autres «l’exploitation illégale des richesses, les démarches visant le changement de la composition démographique des territoires occupés, les violations systématiques menées à l’encontre de citoyens sahraouis sans défense, outre les tentatives illégales pour modifier le statut du Sahara occidental». Le Président Tebboune, a invité, par la même occasion, l’UA à joindre sa voix à celle de l’Algérie pour demander au Secrétaire général de l’ONU de désigner «immédiatement» son représentant au Sahara occidental. Il a invité également l’ONU à donner, avec l’appui de l’UA, à la mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), «des ordres pour faire face aux violations des droits de l’homme au Sahara occidental».
Pour Tebboune, «l’absence de prise en charge de la tragédie du peuple sahraoui qui en a assez des atermoiements de l’ONU dans l’organisation d’un référendum, convenue depuis 30 ans, mais aussi le blocage sans précédent du processus politique ont extrêmement exacerbé la situation».

Responsabilité de l’UA
Le président Tebboune a mis en évidence dans son discours la responsabilité de l’organisation panafricaine. «Face à ces développements dangereux, notre organisation continentale, qui avait eu un rôle historique dans l’élaboration et l’adoption du plan de règlement onusien, ne peut rester silencieuse ou mise à l’écart». Il a estimé «inconcevable» d’entendre, après le déclenchement d’une guerre entre deux Etats membres de l’UA, des voix, çà et là, tentant d’avancer «des arguments fallacieux pour la justifier».
Toujours au sujet de la responsabilité de l’ex-OUA, il a indiqué, s’agissant de la non-soumission de ce dossier à l’UA, sous prétexte que la question est inscrite à l’agenda de l’ONU, que toutes les questions africaines abordées par notre Organisation sont inscrites, en même temps, auprès de l’ONU, en tête desquelles la question libyenne.
«Toutes les questions de paix et de sécurité en Afrique, sans exception aucune, sont inscrites à l’agenda de l’ONU, ce qui n’a pas empêché notre organisation d’y apporter de précieuses contributions hautement saluées par tous pour le règlement de ces questions», a-t-il soutenu, une manière de dire que l’UA ne peut pas rester les bras croisés devant le conflit juste parce qu’il est inscrit dans le registre des préoccupations onusiennes. Raison pour M. Tebboune d’affirmer que le «processus politique pour le règlement de la question sahraouie sous les auspices de l’ONU, fait face à un blocage sans précédent inexpliqué, au vu des impacts graves de la reprise de la lutte armée».
Il a évoqué, par la suite, la situation des réfugiés sahraouis sur le sol algérien. «La présence de réfugiés sahraouis dans le territoire algérien nous mène au constat que ceux qui sont nés le jour de l’occupation du Sahara occidental sont aujourd’hui des hommes (…) Ils n’accepteront guère de rester, ni de mourir en tant que réfugiés sur la terre bénie de l’Algérie, où nos frères sahraouis sont les bienvenus», a-t-il fait remarquer.
Mettant ainsi en exergue les répercussions de ce conflit susceptible de compromettre la paix et la sécurité dans toute la région, M. Tebboune a plaidé pour «l’activation du rôle du CPS, en vertu des dispositions de son protocole constitutif afin d’apaiser la situation et d’œuvrer à trouver une solution durable et équitable, conformément aux résolutions pertinentes de l’UA et de l’ONU».
Tebboune a mis en avant la nécessité impérieuse de mettre fin à ce conflit, préconisant le retour aux principes fondateurs de l’UA, notamment les dispositions de l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA sur le respect des frontières héritées à l’indépendance, le règlement pacifique des conflits avec l’interdiction de l’usage de la force et des menaces entre les Etats membres et l’importance de la coexistence pacifique.
Rappelant que la RASD et le Maroc sont membres de l’UA, le chef de l’Etat a invité les deux Etats à «s’engager dans des pourparlers directs et sérieux, sous l’égide de l’UA et de l’ONU, pour parvenir à un nouvel accord de cessez-le-feu, et réunir les conditions nécessaires pour permettre au peuple sahraoui d’exercer son droit inaliénable à l’autodétermination».
Le Président Tebboune a formé, dans sa conclusion, le vœu sincère de voir les parties au conflit «prôner le dialogue et faire preuve de sagesse pour la relance du processus de règlement du conflit qui a trop duré, en garantissant au peuple sahraoui le droit à une vie décente dans le cadre de la liberté, de la sécurité et de la stabilité, et partant concourir à la réalisation des aspirations de l’ensemble de nos peuples au progrès, à l’unité et à l’intégration».