Poutine a proposé hier mercredi d’organiser un référendum sur des réformes de la Constitution russe devant renforcer les pouvoirs du Parlement, tout en préservant le caractère présidentiel du système politique qu’il pilote depuis 20 ans.

Par Maria PANINA
Ces annonces pendant le discours annuel du président russe devant le Parlement et les élites politiques vont continuer de nourrir les interrogations quant à son avenir après 2024, à l’issue de son mandat, alors qu’il n’a jamais mis en avant de successeur ni exprimé ses intentions. La principale mesure annoncée vise à renforcer le rôle du Parlement dans la formation du gouvernement, lui donnant la prérogative d’élire le Premier ministre que le président sera alors «obligé de nommer». Actuellement, la Douma confirme le choix du chef de l’Etat. Selon lui, il s’agit d’un changement «significatif» pour lequel il a jugé la Russie assez «mûre». Les deux chambres du Parlement sont aujourd’hui dominées par des forces pro-Poutine et ne s’opposent jamais aux volontés du Kremlin.
République présidentielle forte
Les propositions de réformes exposées par M. Poutine visent aussi à renforcer les gouverneurs régionaux, à interdire aux membres du gouvernement et aux juges d’avoir des permis de séjour à l’étranger et à obliger tout candidat à la présidentielle à avoir vécu les 25 dernières années en Russie. Néanmoins, Vladimir Poutine, qui en l’état actuel de la législation n’a pas le droit de se représenter en 2024, a souligné que la Russie devait rester dirigée par un système présidentiel. «La Russie doit rester une république présidentielle forte, c’est pourquoi le président, bien sûr, gardera le droit de fixer les missions et les priorités du gouvernement», a-t-il prévenu.
Le chef de l’Etat conservera le droit de limoger tout membre du gouvernement et nommera les chefs de toutes les structures sécuritaires. Il a également proposé de renforcer les pouvoirs du Conseil d’Etat, une institution consultative composée de divers responsables nationaux et régionaux, et de placer la Constitution russe au-dessus du droit international dans la hiérarchie des normes. Sans apporter de précisions, M. Poutine a évoqué de manière très vague la question d’un changement à l’article qui limite le nombre des mandats présidentiels «à deux mandats successifs». Il avait déjà soulevé ce sujet en décembre, relançant les conjectures quant à un départ programmé du Kremlin à la fin de son mandat. Certains lui prêtent l’intention de garder le pouvoir via de nouvelles fonctions restant à définir, d’autres de redevenir Premier ministre.

Débat sur l’après 2024
Selon l’expert indépendant Konstantin Kalatchev, Vladimir Poutine a avec ses annonces certes «brouillé les cartes» quant à ses intentions, mais il a aussi bel et bien lancé «un réel débat sur le transfert du pouvoir» après 2024. Pour la patronne de la chaîne de télévision d’Etat RT, Margarita Simonyan, il s’agit ni plus ni moins d’une «révolution sans effusion de sang», car «la Russie se tourne vers la branche législative».
Alexeï Koudrine,ancien ministre des Finances aujourd’hui à la tête de la Cour des comptes, y voit lui seulement «un petit pas» vers le parlementarisme. Le discours de mercredi est l’un des trois grands rendez-vous télévisés annuels du président Poutine, avec sa conférence de presse marathon et sa «ligne directe» avec des téléspectateurs.
Parlant devant quelque 1.300 élus et invités représentant l’élite du système politique russe qu’il a façonnée depuis son arrivée au pouvoir en décembre 1999, le président y définit les grandes priorités politiques, militaires et économiques pour l’année, dictant au Parlement et au gouvernement leur feuille de route.
Cette année, hormis les réformes constitutionnelles, M. Poutine a axé son propos sur la crise démographique que traverse la Russie, la qualifiant de menace et de défi «historique». Il a annoncé une série de mesures natalistes, notamment financières. Comme l’année passée, il a aussi promis de relever le niveau de vie en Russie, d’encourager les entreprises et les investissements et vanté les nouveaux missiles hypersoniques développés par son pays, assurant que la défense du pays est assurée «pour des générations».

Démission du gouvernement Dmitri Medevev
Le Premier ministre russe Dmitri Medevev a présenté hier au président Vladimir Poutine la démission de son gouvernement, une annonce surprise après un discours du chef de l’Etat annonçant une réforme de la Constitution.
«Nous, en tant que gouvernement de la Fédération de Russie devons donner au président de notre pays les moyens de prendre toutes les mesures qui s’imposent. C’est pour cela (…) que le gouvernement dans sa composition actuelle donne sa démission», a dit M. Medvedev dans des propos retransmis à la télévision. Le président a remercié son Premier ministre sortant et ses ministres, leur demandant d’expédier les affaires courantes jusqu’à la nomination d’une nouvelle équipe.
«Je veux vous remercier pour tout ce qui a été fait, exprimer ma satisfaction pour les résultats obtenus (…) même si tout n’a pas réussi», a-t-il dit. M. Medvedev, proche parmi les proches de Vladimir Poutine, a expliqué démissionner à la suite de la décision du président d’apporter des «changements fondamentaux à la Constitution» russe, des réformes qui modifient, selon lui, «l’équilibre des pouvoirs» exécutif, législatif et judiciaire. Dmitri Medvedev a occupé de 2008 à 2012 les fonctions de président russe, Vladimir Poutine ayant dû céder le Kremlin pour un mandat en raison de restrictions constitutionnelles, prenant à la place la tête du gouvernement. En 2012, les deux hommes ont échangé leur rôle. Vladimir Poutine a indiqué mercredi proposer à son fidèle collaborateur le poste de vice-président du Conseil de sécurité russe, un organe que le chef de l’Etat préside.