Par Theo MERZ et Maxime POPOV
Plusieurs dizaines de personnes ont été interpellées samedi à Moscou lors d’une manifestation de l’opposition, qui dénonce depuis des semaines le refoulement de ses candidats aux élections locales de septembre et fait l’objet de multiples pressions et menaces des autorités.
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à différents endroits du centre de Moscou sous une pluie fine, sous la surveillance d’un important dispositif de policiers et de soldats de la garde nationale, qui n’ont pas tardé à commencer les premières arrestations, selon des journalistes de l’AFP. Selon l’ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des arrestations, au moins 89 personnes ont été interpellées une heure après le début de la manifestation, qui n’a pas été autorisée par les autorités. La manifestation se déroule sans leader puisque les condamnations se sont multipliées depuis une autre action de protestation le week-end dernier dans la capitale russe, qui s’est soldée par près de 1.400 interpellations, du jamais vu depuis le retour du président Vladimir Poutine au Kremlin en 2012. Dernière opposante d’envergure encore en liberté, Lioubov Sobol, une avocate de 31 ans, a été interpellée quelques minutes avant le début de la manifestation. «Les autorités font tout ce qu’elles peuvent pour essayer d’intimider l’opposition, pour s’assurer que les gens ne sortent pas dans la rue pour protester pacifiquement», a-t-elle déclaré avant son arrestation. En grève de la faim depuis trois semaines, elle a jusqu’ici échappé à la prison du fait qu’elle a un enfant en bas âge. «Je suis ici car je veux qu’il y ait de grands changements. Actuellement, ce que nous avons, c’est une atmosphère de contrôle total», a déclaré à l’AFP l’une des manifestantes, Varvara, 22 ans.
Meneurs en prison
Le principal opposant au Kremlin, le blogueur anticorruption Alexeï Navalny, purge depuis le 24 juillet une peine de 30 jours de prison. Hospitalisé le week-end dernier pour une «grave réaction allergique» avant d’être renvoyé en cellule, il a saisi la justice pour un possible «empoisonnement». La plupart de ses alliés et des autres meneurs de la contestation ont eux aussi écopé de courtes peines de détention, comme plusieurs candidats de l’opposition refoulés des élections locales de septembre tels qu’Ilia Iachine, Ivan Jdanov et Dmitri Goudkov.
Accentuant encore la pression d’un cran avant la manifestation de samedi, la justice a inculpé plusieurs personnes dans le cadre d’une enquête pour «troubles massifs», une accusation lourde qui fait planer la menace de peines allant jusqu’à 15 ans de prison. Cinq d’entre elles, dont des avocats travaillant pour des ONG de défense des droits civiques, ont été placés en détention provisoire vendredi dans l’attente de leurs procès. La police avait appelé à plusieurs reprises à renoncer à la manifestation, promettant de «réagir immédiatement». Le maire de Moscou loyal au Kremlin, Sergueï Sobianine, avait pour sa part mis en garde l’opposition contre toute «nouvelle provocation».
Elections
de septembre
La contestation a démarré après le rejet des candidatures indépendantes aux élections locales du 8 septembre, qui s’annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir dans un contexte de grogne sociale. Il s’agit de l’un des mouvements de protestation les plus importants depuis les manifestations contre le retour au Kremlin de Vladimir Poutine, sévèrement réprimées en 2012. Les autorités semblent cette fois déterminées à tuer dans l’oeuf toute contestation. Jeudi, le Fonds de lutte contre la corruption d’Alexeï Navalny a répliqué en accusant l’adjointe du maire de Moscou, Natalia Sergounina, d’avoir détourné des milliards de roubles d’argent public dans la gestion du parc immobilier de la mairie. Selon l’opposition, la détermination des autorités à barrer l’entrée de ses candidats au Parlement de Moscou lors du scrutin du 8 septembre s’explique par le fait qu’ils pourraient découvrir et dénoncer en cas de victoire les nombreux circuits de corruption et de détournement dans la gestion d’une ville au budget annuel faramineux de 38 milliards d’euros. Après une première manifestation durement réprimée le week-end dernier, les tribunaux russes ont placé 88 personnes en détention provisoire et condamné 332 autres à des amendes. Trois enquêtes pour «violences» à l’encontre de la police ont été lancées, un délit passible de cinq ans de prison.n