Le Syndicat algérien des pharmaciens d’officine (Snapo) s’est élevé, hier, contre ceux qui accusent les professionnels de la pharmacie ouverte au grand public d’être derrière la spéculation qui fait flamber actuellement les prix des produits parapharmaceutiques, essentiellement les masques et les bavettes très demandés depuis l’alerte au nouveau coronavirus. Selon le président du Snapo, «les pharmaciens ne sont pas responsables des ruptures ou du manque de disponibilité de ces produits et surtout pas de l’augmentation de leurs prix». Messaoud Belambri assure que les professionnels de la filière se sont au contraire «montrés dès les premières heures mobilisés et volontaires pour venir au secours de leur compatriotes».
Dans un communiqué où il annonce que deux de ses confrères ont été contrôlés positifs au Covid-19, il déplore la «stigmatisation» de la profession et son accusation de «pratiques qui sont à inscrire sur le compte d’individus qui activent en dehors du secteur pharmaceutique, et en toute impunité». Il s’agirait de spéculateurs qui, profitant de la hausse vertigineuse de la demande, ont mis la main sur le marché devenu juteux de l’équipement de protection et de prévention des risques de contamination tels que les protections des voies respiratoires et les gels et autres produits de désinfection.
«Plus de masques et
je n’en ramènerai pas»
L’affaire est devenue si sérieuse que de nombreux pharmaciens à Alger ont décidé de ne plus s’approvisionner en équipements de protection, d’hygiène et d’anticontamination. «Je n’ai plus de masques et je n’en ramènerai pas», nous dit un pharmacien du quartier du 1er-Mai. Il explique que ces masques ont atteint des niveaux de prix insensés, passant de 20 dinars la pièce durant la première semaine d’annonce du risque du nouveau coronavirus à 100 et 150 dinars «ces jours-ci».
Pourquoi cette hausse ? «Les stocks dans les pharmacies s’épuisent vite alors que la demande ne cesse d’augmenter», explique ce pharmacien, qui croit que des commerciaux «accaparent le marché et dictent leur loi». «C’est du profit brut et lourd qu’ils veulent et ils y arrivent, nous mettant dans des situations d’illégalité si on accepte le jeu», poursuivra-t-il. Et d’ajouter : «J’ai contacté un fournisseur pour me procurer une quantité de masques. Mais quand il m’a communiqué les nouveaux prix, j’ai renoncé à la demande d’approvisionnement.» Ce dernier dit refuser catégoriquement de «spéculer sur la santé du citoyen». «Je me demande qui peut se procurer un masque jetable à 150 DA», s’interroge-t-il. «Si c’était une augmentation de 10 dinars, j’aurais pris. Mais là je ne jouerai pas le jeu des spéculateurs».
Pour le président du Snapo, la tension exercée par la forte demande a fait entrer en scène des «acteurs étrangers» au marché du produit parapharmaceutique. «C’est l’informel et l’anarchie qui règnent dans le
parapharmaceutique», s’offusque M. Belambri, qui indique que c’est un secteur qui n’est pas assez réglementé comme celui des médicaments. «On trouve les produits dans les kiosques à tabac, dans les supérettes et les quincailleries, alors qu’ils sont en manque dans nos officines qui ont le droit de les commercialiser, notamment avec un conseil pour leur utilisation».
Les pharmaciens d’officine que nous avons pu rencontrer souhaitent tous, non sans scepticisme, l’intervention des pouvoirs publics pour créer les conditions qui empêchent la spéculation sur les prix et garantissent l’approvisionnement des officines de manière continue et régulière. Faute de quoi la situation actuelle peut devenir complexe si le risque sanitaire dû au Covid-19 s’aggrave. «On attend à ce qu’il y ait des approvisionnements d’urgence», a toutefois fait savoir le président du Snapo. n