La mobilisation des avocats ne faiblit pas. Hier, ils ont entamé leur 10e jour de grève déclenchée contre le nouveau régime fiscal. Cependant, l’issue de leur mouvement semble être à la conciliation et au rapprochement de vues avec le gouvernement. Lundi, leurs représentants seront reçus par le Premier ministre et ministre des Finances, signe d’ouverture de la part de l’Exécutif.Par Nadir Kadi
En effet, plus d’une semaine après le déclenchement de la grève illimitée des avocats, qui ont réussi à paralyser l’ensemble des tribunaux du pays, reportant dans le sillage plusieurs audiences, le gouvernement et les représentants de la corporation s’apprêtent à ouvrir un dialogue en vue d’une éventuelle sortie de crise. Les voies vers une solution sont désormais ouvertes pourvu que la revendication principale des «robes noires», à savoir le régime fiscal imposé à la corporation dans la Loi de finances 2022, trouve une réponse et le traitement adéquat de la part de l’Exécutif.
L’ouverture de pourparlers entre les deux parties n’est cependant pas synonyme de fin du débrayage. C’est ce qu’a laissé entendre l’Union nationale des Ordres des avocats (Unoa) dans un communiqué. «Le conseil de l’Unoa a été invité à une réunion avec le ministre des Finances, ce lundi 24 janvier 2022 à partir de 14 heures», a fait savoir l’organisation syndicale qui représente la corporation, qui a fait état du «maintien de la grève» jusqu’à satisfaction de ses demandes.
Il s’agit, selon toute vraisemblance, d’un moyen de conserver une pression maximale avant d’entamer les discussions avec le gouvernement sur le contenu de la réforme fiscale que les avocats ont désapprouvée.
La «grève illimitée» des avocats a été décidée dès le 8 janvier dernier à l’issue de «l’assemblée générale extraordinaire» des Ordres des avocats.
Maître Brahim Tairi, président de l’Unoa, avait motivé cette démarche «inédite», prise à l’unanimité des membres de la corporation, par le refus de voir la charge fiscale passer de «12% à un maximum de 35%» suite à la suppression de l’application de l’impôt forfaitaire unique (IFU). D’autant que l’Unoa se dit toujours disposée à «discuter» d’une éventuelle refonte de la fiscalité, voire même de l’augmentation de l’imposition dans des «propositions acceptables», selon certains avocats. Maître Brahim Tairi avait pour sa part déclaré que l’Unoa était favorable à un système d’imposition à la source, où «chaque avocat paie l’impôt en fonction du nombre d’affaires (…) Dès le mois d’août, nous avions lancé les démarches pour en discuter avec le ministère des Finances et plus précisément avec la Direction des impôts».
Et dans cette logique, il est à attendre que ces questions, mais aussi les conditions de reprise du travail des avocats, soient au centre des discussions de lundi entre le Premier ministre, ministre des Finances Aïmane Benabderrahmane et l’Unoa.
Il est à rappeler que l’assemblée générale de l’Unoa avait délégué à son «conseil» la prérogative de «prendre de nouvelles décisions appropriées», notamment dans le suivi de la grève, la négociation ou la suspension du mouvement. Maître Brahim Tairi et l’Unoa peuvent également compter sur un fort soutien de la corporation, le taux de suivi de la grève serait ainsi de «100% au niveau national», selon les avocats. Ces derniers précisent cependant qu’ils s’estiment dans une impasse, «le dos au mur». «Il est regrettable que les avocats soient dans l’obligation de paralyser un service public aussi important que la justice. Nous le faisons à contre-cœur (…) Mais il faut aussi comprendre que les avocats jouent leur avenir professionnel. Une surimposition, telle que décidée par la dernière loi de finances est quasiment mortelle pour la profession», nous a notamment précisé Maître Farouk Ksentini.
Quant au gouvernement, il apparaît également déterminé à acter la réforme de la fiscalité telle que définie dans la loi de finance 2022. Ainsi en parallèle de l’annonce, jeudi dernier, de la rencontre entre le ministre des Finances et l’Unoa, la Direction générale des impôts (DGI) dévoilait pour sa part les principales modifications qui entraîneront l’entrée en vigueur de la réforme.
En ce sens, il est précisé, que «les titulaires des bénéfices issus de l’exercice d’une profession non commerciale, exclus du régime de l’Impôt forfaitaire unique (IFU), relèveront du régime simplifié des professions non commerciales quel que soit le montant de leurs recettes professionnelles».
En d’autres termes, ces professions sont tenus, à compter du 1er janvier 2022 à «la souscription mensuellement, à travers un bordereau avis de versement (déclaration série GN 50), au plus tard le 20 du mois qui suit celui de la réalisation des recettes professionnelles, faisant ressortir le montant des recettes professionnelles réalisées et s’acquitter des droits correspondants en matière de la TVA». <