PAR MILINA KOUACI
Le malaise social ne tolère pas de tergiversation. Le gouvernement est appelé à protéger «en urgence» le pouvoir d’achat et relever le point indiciaire dans l’immédiat, notamment, dans un contexte où les autorités compétentes peinent à contrôler les prix et à lutter contre la spéculation. C’est ainsi que des syndicalistes se sont exprimés hier sur la décision du gouvernement de reporter au 2e semestre la révision du point indiciaire.
Cela fait des années que les syndicats appellent à l’amélioration du pouvoir d’achat en raison de la dévaluation du dinar et l’explosion des prix. Les acteurs sociaux demandent une augmentation du pouvoir d’achat ainsi que celle du point indiciaire qui aura une incidence sur les salaires et le pouvoir d’achat. Mais le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane a indiqué, jeudi, que le gouvernement ne révisera le point indiciaire qu’à partir du deuxième semestre de 2022. Une annonce qui étonne et déplaît à des syndicats qui demandent une amélioration de la situation sociale dans l’immédiat.
«On rejette cette attitude consistant à faire des annonces sans qu’elles ne soient suivies par des actions concrètes. Le Président a appelé à l’augmentation du point indiciaire en octobre dernier. Combien de temps devrions-nous encore attendre pour que le relèvement du point indiciaire se matérialise», martèle Zoubir Rouina, secrétaire général du Conseil des lycées d’Algérie (CLA). Pour lui, il aurait fallu que le Président réponde aux revendications des travailleurs «sans tergiversation». Il estime que l’érosion du pouvoir d’achat s’accentue davantage. «Le gouvernement ne tient pas compte du malaise et de la situation des travailleurs qui ne peuvent tenir jusqu’au deuxième semestre de l’année», ajoute le secrétaire général du CLA. Il exige une augmentation «immédiate» du pouvoir d’achat en parallèle à une augmentation des salaires. «Nous avons demandé de mettre en place un observatoire du pouvoir d’achat pour ne pas rabâcher la même revendication éternellement», reprochant aux pouvoirs publics de ne pouvoir «contrôler les prix et lutter contre la spéculation».
Sur un autre volet, il appelle les syndicats autonomes à assumer leurs responsabilités, en tenant des actions communes et défendre les droits des travailleurs. Une annonce qualifiée de «surprenante» par Badreddine Koulaibi, président du Syndicat autonome des fonctionnaires de la santé publique (Safap). «Si la révision est lancée à partir de juillet, le relèvement du point indiciaire ne pourrait se concrétiser qu’en 2023», estime M. Koulaibi. A ce propos, il compte saisir dans les meilleurs délais le ministère de la Santé pour exiger une révision salariale et une amélioration de la situation sociale. Ce dernier préconise aux autres syndicats de la Fonction publique de saisir leur tutelle et dans le cas où aucune réponse n’est donnée, «nous allons constituer une intersyndicale pour peser et faire pression sur le gouvernement».
A rappeler que l’annonce d’augmenter le point indiciaire sans préciser le niveau et surtout sans prévoir son financement avait suscité un débat dans le monde du travail. «S’agissant d’une augmentation de salaire, qu’il y a lieu de saluer sur le plan de principe, il est important de savoir qu’elle ne touchera que les travailleurs de la Fonction publique à l’exclusion des travailleurs du secteur économique public et privé (3 millions), des retraités (3,5 millions) et des chômeurs (3 millions, selon ma propre estimation)», avait déclaré Nouredine Bouderba. Ce dernier a relevé qu’il est de «la responsabilité de l’Etat d’élargir cette mesure afin d’éviter une plus grande précarité pour cette population, d’un côté, et un approfondissement des inégalités, de l’autre».