Par Feriel Nourine
Pas de changement, l’Opep+ n’est pas près d’abandonner sa démarche prudentielle et de répondre favorablement aux appels des pays consommateurs qui revendiquent plus de pétrole dans ses vannes. Et la guerre en Ukraine, à travers les tensions qu’elle a créées autour du marché pétrolier et les risques qu’elle fait peser sur l’offre de brut, ne semble pas suffire pour convaincre l’alliance de mettre plus de volumes dans son programme d’assouplissement de l’accord de réduction signé en avril 2020
Autrement dit, la nouvelle réunion ministérielle de l’Opep+, qui se tient aujourd’hui par visioconférence, ne devrait pas déroger à la règle et se dirige droit vers le même supplément de 400 000 barils par jour injecté à leur production par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés non-membres, dont la Russie. Les récentes sorties des responsables du secteur chez les gros producteurs ont déjà donné un avant-goût de ce que sera le scénario des retrouvailles d’aujourd’hui. Un remake des réunions précédentes, sauf grosse surprise. C’est ce qu’a d’ailleurs laissé entendre le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane lors de l’entretien téléphonique qu’il a eu dimanche avec le président français Emmanuel Macron. Chef de file de l’Opep, et gros pourvoyeur du marché mondial de l’or noir, l’Arabie saoudite confirme ainsi qu’elle reste attachée à la prudence qui sert de code de conduite à l’Opep+.
Hier, c’était au tour du Secrétaire général de l’Opep, Mohammed Sanusi Barkindo, d’expliquer que les pays producteurs n’ont pas suffisamment de capacité pour répondre à la gourmandise grandissante des pays gros consommateurs de brut. M. Barkindo met cette situation sur le compte du manque d’investissement dont est en train de pâtir le secteur. «L’industrie pétrolière et gazière a besoin d’investissements prévisibles et d’un environnement favorable pour répondre aux besoins énergétiques mondiaux», a-t-il indiqué lors du Sommet énergétique international du Nigeria (NIES), qui se tient à Abuja du 27 février au 3 mars. L’intervenant n’a pas hésité à rejeter la balle dans le camp des pays qui font la promotion de la transition énergétique et des énergies propres au détriment des énergies conventionnelles dont ils réclament pourtant plus de volumes.
L’industrie pétrolière mondiale est «assiégée» par les militants pour le climat qui ont «saisi l’élan» pour dicter la transition énergétique avec des propos erronés sur l’arrêt des investissements dans le pétrole et le gaz, a-t-il déclaré, soulignant que «l’abordabilité de l’énergie, la sécurité énergétique et la nécessité de réduire les émissions nécessitent un équilibre délicat, des solutions globales et durables, et avec toutes les voix entendues et écoutées».
En tous les cas, si les pays producteurs de pétrole réunis autour de l’Opep+ devaient décider d’aller au-delà des 400 000 barils par jour comme supplément de leur production, ce n’est certainement pas lors de la réunion d’aujourd’hui qu’ils le feraient. Agir de la sorte signifierait peut-être transmettre un message fort d’assurance à l’adresse des alliés contre la Russie qui sont également alliés dans la pression exercée sur l’alliance depuis des mois. Un message qui voudra dire que les Etats-Unis, les pays de l’UE, le Royaume Uni pourront compter sur des volumes plus conséquents de l’Opep+ pour combler le déficit en la matière qui menace l’offre à travers la rupture des livraisons russes.
Une démarche qui, en plus de casser la cohésion de l’alliance, sera décodée comme étant un acte de trahison à l’égard d’une Russie qui a grandement œuvré pour que cette cohésion soit dure et permet au marché de renaître de son effondrement du printemps 2020, lorsque la pandémie de la Covid-19 avait carrément détruit la demande et acculé les prix à des bas mortels pour l’équilibre financier des pays exportateurs de brut.
En plus d’adhérer rapidement au projet de l’Opep+, en 2016, Moscou a drainé d’autres pays dans l’alliance, dont elle est le chef de file, alors que le gouvernement russe subissait des pressions internes de ses majors pétroliers pour libérer leur production des quotas auxquels la production du pays devait se conformer dans le cadre de l’accord d’avril 2020.
C’est dire que si les pays consommateurs veulent bénéficier de plus de pétrole des 23 pays de l’Opep+, ils devront attendre d’autres échéances plus propices pour ce type de démarche. Ceci, même si les prix continuent à flamber sous l’impact de la guerre en Ukraine, se maintenant au-dessus des 100 dollars.
Dans cette tendance, la matinée s’achevait hier avec une nouvelle flambée des prix du pétrole avec un baril de Brent de la mer du Nord à 103 dollars, en hausse de 5,13%, alors que l’américain WTI montait de 4,81% à 100,32 dollars. n