Une nouvelle séquence en ce qui concerne la situation sécuritaire au Mali s’est ouverte avec le retrait des forces militaires françaises de ce pays voisin de l’Algérie. Ce retrait pose manifestement la question de l’enjeu sécuritaire dans ce pays et par extension dans toute la région du Sahel où la menace terroriste et le crime organisé planent toujours.

PAR NAZIM BRAHIMI
Au-delà de ce que peut suggérer cette nouvelle donne du point de vue politique, voire géostratégique, l’enjeu sécuritaire est de taille dans le sens où il s’agit d’un retrait de 2 500 soldats du Mali, après neuf ans de présence dans le cadre de l’opération Serval (janvier 2013-juillet 2014), puis Barkhane, qui totalise environ 5 000 soldats opérant dans quatre autres pays de la région.
Dans un communiqué commun, Paris et d’autres pays du Vieux continent et le Canada, c’est-à-dire les pays impliqués dans la lutte contre le terrorisme dans la région, ont chargé les autorités maliennes, coupables à leur yeux de l’échec dans la lutte armée dans le Sahel alors que le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, a rejeté tout échec de l’intervention militaire française dans ce pays. «En raison des multiples obstructions des autorités de transition malienne, le Canada et les Etats européens opérant aux côtés de l’opération (française) Barkhane et au sein de la Task force Takuba (…) ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations», ont affirmé ces pays dans leur déclaration commune. «Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés», a pointé, pour sa part, M. Macron, désignant du doigt le recours des militaires maliens au pouvoir à «des mercenaires de la société (russe) Wagner», à l’origine de la crise diplomatique de ces derniers mois entre Paris et Bamako. Cette crise s’est même corsée ces dernières 48 heures, car si le chef de l’Etat français voulait s’accorder une période de 4 à 6 mois – il a indiqué jeudi que la fermeture des trois bases de Gao, Ménaka et Gossi, s’étalera sur quatre à six mois – pour un retrait définitif des forces françaises du Mali, ce n’est pas l’avis des autorités de Bamako, qui veulent un retrait «sans délai» des soldats français. Dans un communiqué lu à la Télévision, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, qualifie l’annonce du désengagement français de «violation flagrante» des accords entre les deux pays, ajoutant que «les résultats de neuf ans d’engagement français au Mali n’ont pas été satisfaisants». «Au regard de ces manquements répétés aux accords de défense, le gouvernement invite les autorités françaises à retirer, sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national, sous la supervision des autorités maliennes», a déclaré le colonel Maïga. «C’est un échec clair de la stratégie française au Mali. Ce retrait intervient après neuf ans d’opérations militaires qui ont certes infligé aux différents groupes armés de lourdes pertes en hommes et en chefs, notamment Droukdal en juin 2020», a expliqué Djallil Lounnas, professeur associé de relations internationales et spécialiste de l’extrémisme violent en Afrique du Nord et au Sahel.
«Au final, cependant, cela a échoué car les raisons mêmes qui ont provoqué le conflit ne sont toujours pas réglées : la question targuie, la pauvreté, la faiblesse de l’Etat qui va sans doute s’accentuer dans le futur suite à ce départ», a-t-il précisé.
Algérie : Reprise des vols militaires français
Par ailleurs, un avion militaire français a pu survoler le territoire algérien avec l’accord formel des autorités locales, pour la première fois depuis octobre, selon ce qu’a indiqué à l’AFP l’état-major des armées françaises.
«La demande est passée par l’ambassade de France, comme à chaque fois qu’un avion militaire survole un territoire étranger», a-t-on expliqué de même source sans préciser toutefois ce que transportait l’Airbus A330 MRTT. «Les autorités algériennes nous avaient prévenus que c’était possible», a ajouté l’état-major des armées françaises.
Cette autorisation de survol intervient alors que Paris et ses partenaires européens ont officialisé, jeudi, leur retrait militaire du Mali après neuf ans de lutte anti djihadiste menée par Paris, conduisant les autres acteurs étrangers présents dans le pays à s’interroger ouvertement sur leur engagement.
En octobre, les autorités algériennes avaient interdit le survol de son territoire aux avions militaires français, au même moment où elle demandait le «rappel immédiat» de leur ambassadeur à Paris dans une phase de crise diplomatique algéro-française. C’était en réaction à des propos «irresponsables» du président français Emmanuel Macron sur l’Algérie et son histoire.
Le président français avait affirmé que l’Algérie, après son indépendance en 1962, s’était construite sur «une rente mémorielle» entretenue par «le système politico-militaire», questionnant l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation française. S’en est suivie une réaction ferme des autorités algériennes. Mais depuis quelques semaines, les deux pays s’emploient à rétablir les canaux de coopération et de partenariat. Signe du rapprochement bilatéral, les voies diplomatiques des deux côtés parlent depuis d’une «dynamique ascendante d’apaisement» entre Alger et Paris.
Jeudi, le chef d’état-major français Thierry Burkhard a indiqué s’être entretenu avec son homologue algérien, le général de corps d’armée Saïd Chanegriha.
«Echanges sur la situation sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne, en particulier sur la menace terroriste. Volonté commune de renforcer la coopération entre nos deux armées», a précisé le chef militaire français sur son compte twitter.