Une journée d’étude a été organisée par la Délégation du Forum des chefs d’entreprise (FCE), désormais appelé Forum, de la wilaya de Tipasa, sous le thème «la loi de finances 2020 et son impact sur les entreprises économiques», hier, à la salle de conférences de l’université Morsli-Abdallah, animée par l’ex-ministre des Finances Benkhalfa Abderrahmane, du professeur Ahmed Zeghdar, membre de la commission des finances de l’APN, et de Athmane Lakhlef, représentant le Conseil national de comptabilité.

Tout en se félicitant de l’ouverture de l’université à la société civile, grâce à ce type de rencontres et du changement de l’auditoire, constitué en majorité d’étudiants et de professeurs qui ont fait salle comble, la discussion a été entamée par la présentation de plusieurs lectures de la LF 2020 abordée sous toutes ses coutures. Un jeune opérateur de Cherchell, présent à la conférence, qualifiera la loi de finances 2020 de loi «fiscale» plutôt que de loi de finances tant les taxes et autres nouvelles procédures ne facilitent pas la tâche à l’entreprise.
Les trois communicants ont décortiqué la loi de finances 2020 en rappelant le contexte dans lequel elle a été élaborée, c’est-à-dire en pleine période de transition qui a été courte en Algérie, heureusement, car l’image de stabilité du pays est un élément important en matière économique, n’ont-ils pas manqué de préciser.
Ils ont, d’emblée, expliqué que la LF 2020 a été élaborée dans un contexte de crise politico-économique et institutionnelle dans la mesure où la machine de la production nationale était en panne depuis plus de dix mois. Et son adoption rapide devait permettre un redémarrage de l’activité économique, marquée essentiellement par le creusement des déficits et le recul des recettes de l’Etat face à l’impératif d’assurer des ressources financières permanentes au Trésor public.
Le contexte mondial, marqué par la crise Iran/USA, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne, connue sous le terme de Brexit, l’instabilité du marché pétrolier mondial avec ses effets négatifs sur les prix et l’absence de diversification de notre économie a, aussi, été abordé comme étant un élément important dans la confection de la loi de finances 2020 qui sera corrigée, comme cela est le cas chaque année avec une loi de finances complémentaire.

Les risques fiscaux de la nouvelle loi
Certains participants estiment même que les aménagements introduits vont freiner leurs activités et peser sur leur trésorerie. L’ex-ministre Benkhalfa Abderrahmane ne manquera pas d’attirer l’attention sur les risques fiscaux de la nouvelle loi sur beaucoup d’entreprises, en particulier les six premiers mois de l’année, surtout s’ils ne disposent pas de comptables. Ce risque s’explique, selon lui, par le changement de régime fiscal et si l’entreprise n’y prête pas attention, elle risque de fortes pertes. Plusieurs autres points de la LF ont été abordés dont celui qui concerne les aménagements introduits dans l’Impôt forfaitaire unique (IFU), indiquant que cette mesure s’imposait étant donné que les aménagements introduits en 2015 n’ont pas donné les résultats escomptés, c’est-à-dire un élargissement des recettes et du coup, il a été jugé utile de revenir au dispositif initial.
A propos de la revue à la hausse du taux d’imposition sur les dividendes réalisés par les sociétés, les animateurs ont estimé que leur but était de gonfler les recettes fiscales pour éviter au pays un déséquilibre budgétaire, tout en renforçant l’attractivité de l’économie nationale.
Il a été, par ailleurs, longuement expliqué que parmi les principales dispositions juridiques et fiscales, proposées dans le cadre du PLF 2020, figurent l’adoption de mesures incitatives et des facilités d’ordre fiscal au profit des start-up qui activent dans le domaine de l’innovation et des nouvelles technologies et leur exonération de l’impôt sur les profits et de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), en vue de les accompagner pendant la phase de lancement et de garantir, par la suite, leur développement. Ce point a été considéré comme très important si l’on en juge par les expériences menées à l’étranger ou des start-up, à l’image de Apple et Facebook, créées à l’origine par des étudiants, sont devenues de multinationales et généré des milliards de dollars de bénéfices. C’est, diront-ils, qu’au chapitre des incitations à l’investissement, la loi de finances pour 2020 prévoit d’octroyer d’importants avantages fiscaux pour les entreprises naissantes. Les nouvelles dispositions législatives et fiscales prévoient la mise en place de mesures de facilitation et d’incitation fiscales au profit des start-up activant dans le domaine de l’innovation et des nouvelles technologies, et leur exonération de l’impôt sur les bénéfices et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Des taxes qui ne font pas l’unanimité
Commentant les intentions des promoteurs de la loi de finances 2020, les communicants ont expliqué que ces derniers ont commencé par ce qui posait problème, à savoir l’amélioration du climat des affaires et l’attractivité de l’économie nationale. C’est dans cet esprit qu’il a été décidé la levée des restrictions prévues dans le cadre de la règle 51/49, applicable aux investissements étrangers en Algérie pour les secteurs non stratégiques.
Les secteurs stratégiques qui seront exemptés de l’annulation de la règle 51/49% sont les hydrocarbures, les banques et les assurances, en attendant les textes d’application de la loi de finances 2020, lesquels devront définir la nomenclature définitive des secteurs concernés par la suppression de la règle 51/49.Toujours pour encourager l’investissement et les entreprises, la rencontre a permis d’évoquer l’autre point important relatif à la création de quatre types de zones économiques au niveau national, des incubatrices de start-up avec des avantages financiers et fiscaux incitatifs. Ces zones englobent les domaines du développement des zones frontalières au Sud, la promotion des technologies de pointe, la promotion du commerce tertiaire, et le développement des zones industrielles intégrées, sans oublier le e-commerce.
L’introduction de nouvelles taxes qui ne semble pas faire l’unanimité ni plaire va permettre au gouvernement de s’assurer des ressources supplémentaires notamment celles issues du monde de l’entreprise. C’est le cas de la taxe inhérente à la domiciliation bancaire pour les biens et marchandises destinés à la revente en l’état sans oublier le commerce électronique de biens et services qui n’est pas en reste puisqu’il sera aussi soumis à la TVA sur la base du taux réduit de 9%.
Par ailleurs, il est institué une taxe d’efficacité énergétique, applicable aux produits importés ou fabriqués localement fonctionnant à l’électricité, au gaz et aux produits pétroliers, dont la consommation dépasse les normes d’efficacité énergétique prévues par la réglementation en vigueur.
L’éco-fiscalité a, elle aussi, été longuement abordée par le représentant du CNC qui a parlé des augmentations, concernant les activités classées polluantes ou dangereuses pour l’environnement, la taxe d’incitation au déstockage des déchets industriels, celle sur la pollution atmosphérique d’origine industrielle, sur les eaux usées, sur les huiles lubrifiantes ainsi que la taxe spécifique relative aux sacs en plastique. A titre d’exemple, il a été indiqué que la taxe sur les activités polluantes ou dangereuses oscille entre 6 000 et 360 000 DA selon la nature de l’activité. La LF 2020 introduit, d’autre part, concluront-ils, une hausse de la contribution de solidarité instituée par la loi de finances pour 2018. Cette contribution, dont le produit est versé au profit de la Caisse nationale des retraites (CNR), passe ainsi de 1% à 2%.
La rencontre s’est terminée par un débat qui a touché à l’ensemble de ces questions, tout en débordant sur d’autres interrogations et demandes d’éclaircissements qui méritent, selon Benkhalfa Abderrahmane, l’organisation d’autres rencontres pour aller au fond des choses et les développer, en particulier pour les étudiants.