La campagne de sensibilisation pour la vaccination contre la Covid-19 devrait être diffusée à grande échelle et cibler le plus large nombre de la population possible. Ceci afin d’atteindre l’objectif de la couverture vaccinale de 70 % de la population nécessaire pour atteindre l’immunité collective, seule solution pour sortir de cette crise sanitaire qui a lourdement impacté le monde entier. En Algérie, l’efficacité de cette campagne de sensibilisation est d’autant plus importante que, selon une étude menée sur les réseaux sociaux afin d’évaluer la disponibilité des populations des différents pays à se faire vacciner, il a été révélé que plus de 30% des Algériens activant sur facebook refusent de se faire vacciner.

En effet, le Pr Ali Mokdad, Professeur à l’Institut américain de métrologie sanitaire et évaluation (IHMH) et responsable de la stratégie pour la santé de la population à l’université de Washington, a affirmé que «pour l’Algérie, 30% des personnes présentes sur facebook, affirment refuser de se faire vacciner», lors de la conférence qu’il a animée à l’occasion de la rencontre scientifique internationale, intitulée «Pandémie de la Covid-19 : défis et perspective», organisée récemment en ligne par l’Association mauritanienne pour le développement de la recherche scientifique, avec la participation d’experts et de chercheurs de plusieurs pays, dont l’Algérie.
Dr Youcef Boudjedal, spécialiste en microbiologie et génomie microbienne, qui a également fait une intervention dans le cadre de cette rencontre, nous souligne que «ce taux de 30% est énorme. Sachant que ces chiffres reflètent seulement l’opinion de la population connectée. Ce qui suppose qu’il y a une forte probabilité, si on inclut les personnes qui n’ont pas accès aux réseaux sociaux, que le nombre des personnes qui rejettent le vaccin soit plus grand».
Dr Youcef Boujedal met ainsi en exergue le fait que «si il faut au minimum que 70% de la population soient vaccinés, il est important que les pouvoirs publics mènent une véritable campagne de sensibilisation auprès de l’ensemble de la population en adoptant une démarche pédagogique et explicative sur l’importance de se faire vacciner. Et cela à travers tous les canaux de communications, tant aux niveaux des médias que sur les réseaux. Il faut vraiment que le large public prenne conscience que la seule manière de sauver des vies et sortir de la pandémie est que la population algérienne atteigne le seuil de l’immunité collective».

Alerte sur la dangerosité du variant sud-africain
Par ailleurs, dans le cadre de cette rencontre scientifique, les experts scientifiques alertent sur les risques de la dangerosité accrue du variant sud-africain de la Covid-19 et, plus précisément, le 501-Y-V2, par la rapidité de sa propagation, d’une part, et des risques que cela rende, d’autre part, le vaccin développé actuellement inefficace. Ainsi le professeur souligne que le variant sud-africain, qui est responsable aujourd’hui de 60 à 75% des contaminations à la Covid-19 en Afrique du Sud, s’est déjà répandu dans plus d’une vingtaine de pays.
Youcef Boujedal nous explique que la dangerosité de ce variant sud-africain a été mise en exergue par l’expert international Kemal El Bessati, Professeur chercheur à l’université de Chicago et responsable du développement du vaccin Covid SAPN, qui a souligné, qu’en plus du fait que les anticorps naturels seraient moins efficaces sur ce variant, «il pourrait affecter l’efficacité des vaccins qui sont actuellement distribués» Pr Kemal El Bessati, qui a également participé à cette rencontre scientifique, a abordé la polémique entourant les nouveaux vaccins à ARN messager, démentant les risques de combinaison avec l’ARN humain. Il affirmera à ce sujet que «cela n’a aucun fondement scientifique». Le Professeur chercheur de l’université de Chicago ajoute que ce qui est toutefois encore méconnu, aujourd’hui, ce sont les «effets secondaires que pourrait engendrer l’inoculation du vaccin à ARN messager à long terme». Il estime ainsi que les vaccins anti-Covid développés selon la formule traditionnelle restent privilégiés du fait de leur efficacité prouvée et surtout du fait que les effets secondaires de ce type de vaccin sont connus. Le responsable américain du développement du vaccin Covid SAPN estime également que pour des raisons logistiques et d’appréhension de la population, «les vaccins les plus adaptés aux pays africains restent les vaccins traditionnels».

Importance des campagnes de dépistage
Parmi les points les plus importants qui sont également ressortis de cette rencontre internationale, l’importance des campagnes de dépistage pour casser la chaîne de transmission du coronavirus en identifiant les cas de contamination afin de les isoler. Ainsi, Dr Youcef Boujedal a insisté sur l’importance des dépistages sur le contrôle et la prévention de la pandémie en Afrique en utilisant les techniques disponibles de diagnostic, soit les techniques moléculaire, sérologique ou antigénique.
Il se désole toutefois que «selon les données des autres experts participant à cette rencontre, on s’est rendu compte que, comparativement aux autres pays africains et même les pays voisins, nous sommes très loin du compte et que l’on est vraiment en retard en termes de dépistage». Il précise à ce sujet qu’il s’agissait du taux de diagnostic par million d’habitants. Ainsi, selon les statistiques révélées lors de cette rencontre scientifique, l’Algérie est en moyenne à 5 000 tests par million d’habitants, alors que la Tunisie à un taux de 55 000 tests par million d’habitants et l’Afrique du Sud est arrivée à un taux de 115 000 tests par million d’habitants.
Il explique également que les stratégies dans la majorité des pays africains et voisins est d’utiliser les tests sérologiques dans le cadre des enquêtes épidémiologiques ou pour un dépistage massif, alors qu’en Algérie, on oriente ces tests pour établir un diagnostic, alors que ce n’est pas cela leur fonction première. Le spécialiste algérien ajoute également qu’«il est important de détecter les personnes contaminées par la Covid-19, afin de les isoler des autres groupes de personnes et de casser la chaîne de transmissions et ainsi minimiser les cas les plus graves qui saturent les services de santé».

Covid-19 et impact sur les autres maladies
Par ailleurs, dans un autres registre concernant les perspectives et les projections de la pandémie, le Pr Ali Mokdad, responsable de la stratégie pour la santé de la population à l’université de Washington, souligne que la propagation de la Covid-19 a fait en sorte que les autres maladies ont été négligées et, par conséquent, cela aura un impact négatif à long terme. Le Dr Youcef Boujedal souligne ainsi que «ce qui a été confirmé, c’est que les complications dues aux maladies chroniques et maladies infectieuses ne seront visibles que dans les prochains mois et même les prochaines années. On le payera très cher en termes de malades hospitalisés ou plus graves, par l’augmentation de taux de mortalité suite à ses complications».
Des perspectives d’autant plus crédibles qu’il a été également démontré que les campagnes menées par les organisations onusiennes, à l’instar de celles menées par la branche africaine du CADC ou par l’Unicef, telles que les interventions contre la tuberculose, les campagnes de vaccination contre la tuberculose ou l’Ebola ou de sensibilisation et prévention contre le VIH (sida), ont été suspendues et, dès lors, tout le travail qui est mené depuis des années pour éradiquer ces types de maladies a de forts risques de tomber à l’eau.
Par contre, malgré ce tableau sur la situation sanitaire en Afrique, en général, et en Algérie, en particulier, quelques bonnes nouvelles émergent du lot. En effet, il a été établi par les experts que l’Afrique enregistre un taux de mortalité relativement moindre par rapport au reste du monde. En effet, 17% de la population africaine a été touchée par la pandémie et seulement 3,5 % de décès sont dus à la Covid-19. Selon les premières hypothèses, ce taux est dû à plusieurs facteurs dont le climat, le fait qu’une grande partie de la population africaine est composée de jeunes et l’existence probable d’une pré-immunité aux autres coronavirus.

Fédérer les efforts pour lutter contre la pandémie
Au final, parmi les recommandations de cette rencontre scientifique, organisée par l’Association mauritanienne pour le développement de la recherche scientifique et en collaboration avec le ministère mauritanien de la Santé, avec la participation d’éminents chercheurs et experts américains, européens, arabes et africains, c’est l’importance de fédérer les efforts des pays africains dans la lutte contre cette pandémie à travers l’échange et le partage des connaissances scientifiques, d’une solidarité africaine concernant les campagnes de vaccination, l’extension des capacités de tests de dépistages, renforcer la formation des capacités humaines ainsi que l’améliorations des infrastructures sanitaires.
Dr Youcef Boujedal souligne, à propos de l’intérêt de ce type de rencontres scientifiques, marquées par le partage des connaissances scientifiques, que «ce sont des échanges très instructifs, car ils nous ont permis d’avoir le point de vue des experts des autres continent sur la situation de la pandémie en Afrique».
Il ajoute que ce qu’«il en ressort également est que la stratégie algérienne dans le cadre des campagnes de vaccination ou de la gestion de la pandémie doit se baser sur l’expérience des autres pays et surtout des pays africains», mettant en relief le fait qu’«il devient crucial de s’engager avec les autres pays africains pour des recherches scientifiques, du développement de stratégies sanitaires, ainsi que la création de centre d’isolement et de quarantaine».
Il renforce ses propos en soulignant que la «Covid-19 ne connaît pas de frontières, surtout au niveau continental. On fait partie intégrante du continent africain et il devient plus que nécessaire, en prévision de l’avenir, de fédérer les efforts tant dans le domaine de recherche scientifique que celui de la prévention et de l’alerte sanitaire, afin d’anticiper et être prêt pour les prochaines crises sanitaires qui sont inévitables».