Les relations algéro-françaises ont ouvert, depuis la semaine dernière, une page de malentendus et d’incertitudes, qui tend à menacer la dynamique de rapprochement et de convergence signée pendant l’année 2022 qui annonçait pourtant une consolidation de cette entente à l’occasionb de la visite officielle annoncée de M. Tebboune à Paris au printemps prochain.
PAR NAZIM BRAHIMI
La séquence de « l’exfiltration illégale d’une ressortissante algérienne dont la présence physique sur le territoire national est prescrite par la justice algérienne», selon les termes du ministère des Affaires étrangères, impactera-t-elle lourdement et négativement les relations diplomatiques entre Alger et Paris ou la tension va-t-elle baisser comme cela s’est produit à plusieurs reprises ? Les paris sont ouverts entre la thèse de ceux qui y voient une évolution critique des relations algéro-françaises et ceux qui considèrent qu’il ne s’agirait là que d’une nouvelle phase de mésentente que le temps et, probablement l’exercice diplomatique, fort intense tel qu’observé durant ces derniers mois, va effacer pour retrouver la lune de miel de l’année écoulée.
Cependant, la décantation ne saurait tarder à s’opérer dans le sens où la perspective de la visite de Tebboune en France au mois de mai prochain ne devrait pas manquer de livrer des indications quant à l’incidence réelle qu’aura eu cette séquence de « l’exfiltration » de l’ancienne détenue Amira Bouraoui de la Tunisie vers la France, « fermement » protestée par les autorités algériennes.
Mercredi, 8 février, le département des Affaires étrangères a indiqué que l’Algérie « condamne la violation de la souveraineté nationale par des personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l’Etat français qui ont participé à une opération clandestine et illégale d’exfiltration d’une ressortissante algérienne, dont la présence physique sur le territoire national est prescrite par la justice algérienne ».La condamnation des faits par les autorités algériennes a été exprimée à l’Ambassade de France en Algérie, a précisé le département de Ramtane Lamamra, lequel a ajouté que dans cette note officielle, l’Algérie rejette ce développement « inadmissible et inqualifiable » qui cause « un grand dommage » aux relations algéro-françaises.
Au plus haut niveau de la responsabilité, le président Tebboune a ordonné le rappel en consultations de l’ambassadeur d’Algérie en France, Saïd Moussi, avec effet immédiat, avait indiqué mercredi un communiqué de la présidence de la République, une instruction qui s’inscrit dans le « prolongement de la note officielle » par laquelle l’Algérie a protesté « fermement contre l’exfiltration clandestine et illégale » d’Amira Bouraoui.
Et si, du côté algérien, le ton est à la « fermeté », du côté français, on s’étonne de la fausseté de certaines informations relayées par des médias sociaux notamment et on semble privilégier « l’approfondissement » des relations avec Alger malgré l’affaire Bouraoui, selon François Delmas, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
« Pour notre part, nous entendons continuer à travailler à l’approfondissement de notre relation bilatérale », a-t-il affirmé à l’AFP qui l’interrogeait sur les conséquences qu’aurait cette affaire sur les relations bilatérales.
Le même diplomate s’est en revanche refusé à tout commentaire sur le rappel de l’ambassadeur algérien, « une décision algérienne qu’il ne m’appartient pas de commenter », a-t-il dit comme il n’a pas non plus voulu faire de commentaires sur « cette situation individuelle ».
Il a cependant tenu à rappeler qu’Amira Bouraoui était « une ressortissante française et qu’à ce titre, les autorités françaises exercent leur protection consulaire », estimant qu’il s’agit « d’une procédure qui ne ressort d’aucune manière de l’ordinaire ».
Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères n’a pas non plus voulu répondre à la possibilité de voir cette affaire remettre en question la visite en France du président Tebboune programmée pour le mois de mai.
Cette visite qui se présentait, jusqu’à la semaine écoulée, sous de bons auspices compte tenu de ce qui a été réalisé entre les deux pays en 2022, est à observer désormais sous ce que laisserait comme impact cette affaire Bouraoui sur les relations diplomatiques entre Alger et Paris.
Le Président Tebboune et son homologue français, Emmanuel Macron ont signé au mois d’aout dernier à Alger, au troisième jour de la visite officielle du président français en Algérie, la « Déclaration d’Alger pour un Partenariat renouvelé entre l’Algérie et la France ».
« 60 ans après l’indépendance de l’Algérie et dans l’esprit des Déclarations d’Alger de 2003 et de 2012 », l’Algérie et la France, « fortes des liens humains exceptionnels qui les unissent » sont « résolument déterminées à promouvoir leur amitié et à consolider leurs acquis en matière de coopération et de partenariat », est-il notamment écrit dans cette déclaration.
Les deux parties ont convenu également de renouveler « leur engagement à inscrire leurs relations dans une dynamique de progression irréversible à la mesure de la profondeur de leurs liens historiques et de la densité de leur coopération ». Une ambition qui semble désormais rattrapée par l’incertitude à cause de l’affaire Bouraoui.
Toutefois, les observateurs optimistes du bilatéral algéro-français trouveront quelque argument dans le fait que rien, dans la dernière brouille entre Alger et Alger, ne relève de l’irréversible. Si l’on se fie aux éléments du langage privilégié par la diplomatie algérienne, on noterait un certain souci à ne pas fermer les portes des discussions à lever les malentendus. Une sorte d’appel et de souhait à ce que les chefs d’Etat des deux pays se parlent à nouveau pour la relance d’une relation qui, à l’examen des faits, demeure importante pour les deux parties algérienne et française. n