La Confédération algérienne du patronat citoyen a dévoilé hier aux médias le contenu de la copie du document qu’elle a remis au chef de l’Etat en janvier dernier à l’issue d’une audience à El Mouradia et d’un échange sur la conjoncture économique et le plan de relance mis en route en début d’année par le gouvernement Djerad. «De l’indispensable réussite du plan de relance économique» contient 62 propositions et recommandations que la CAPC suggère à l’Exécutif, notamment pour une remise en route de l’investissement et de l’entreprise algérienne après le choc pandémique du Covid 19 et envisager à court et moyen termes des réformes, dont l’objectif est d’endiguer l’informel et de favoriser l’émergence de «champions économiques» nationaux capables d’opérer à l’export. L’ambition affichée est d’atteindre l’objectif séduisant, mais difficile de 20 milliards de dollars dans un délai de trois à cinq ans et de 40 milliards de dollars sur une échéance de dix ans.

Le président de la confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC), Mohamed Samy Agli, a présenté hier à la presse la copie de «62 propositions» que ses collègues et experts ont faites pour démêler et aplanir les difficultés dans lesquelles se démènent actuellement nos PME/PMI et l’entreprenariat algérien en général, pour les remettre en route, notamment après le choc pandémique du Covid 19, et aider les plus performantes d’entre elles à se placer à l’export.
Avant d’être rendu publique, ce document a d’abord été remis en début d’année 2021 au chef de l’Etat, M. Tebboune, lorsqu’il avait reçu une délégation de la CAPC à El Mouradia. Son contenu est présenté par ses concepteurs comme une nouvelle contribution au débat sur l’entreprise algérienne, son actualité et son avenir, ainsi que sur les moyens d’appui à la «relance économique» que le gouvernement Djerad a déclaré vouloir mener et dont il a annoncé le «plan» en janvier 2021. A sa lecture, il s’agirait plutôt d’une soixantaine de mesures de conseil et d’assistance que la Confédération suggère au partenaire gouvernemental pour «relancer et soutenir l’investissement», «réduire progressivement le champ de l’informel», «simplifier l’environnement de l’entreprise et améliorer le climat des affaires» puis organiser le «dispositif économique et institutionnel» : quatre axes d’intervention dont l’objectif est d’«atteindre des niveaux de croissance de 8 à 10%» et de «résorber définitivement le chômage et d’endiguer la précarité» sur une période d’une «dizaine d’années».
«Bien accueillies» par le chef de l’Etat, selon M. Agli qui a constaté chez lui «une volonté et une orientation pour avancer» vers la mise en place d’un dispositif idoine, ces suggestions peuvent être aussi librement observées comme un pack de recommandations et surtout de conditions que la CAPC considère comme indispensables (ce mot figure en titre de son document) au succès de la feuille de route de l’Exécutif en matière de gestion, de croissance et de réforme économique à court et moyen termes voire au-delà.
Certaines de ces conditions sont significatives de la complexité de la relation entre le patronat et le gouvernement et ont l’âge de la confédération avant même qu’elle ne porte son nom actuel et n’abandonne celui de FCE en juillet 2020. Elles sont encore une fois remises sur le tapis pour aborder à nouveau des questions comme la nécessité de créer des «champions économiques» comme locomotive de la production nationale pour la consommation locale et l’export, le retour au week-end universel, la dépénalisation de l’acte de gestion, la dynamisation de la bourse, la réglementation des changes et la réforme «radicale» de la Banque centrale, la création d’une banque d’investissement dédiée à la PME/PMI, la fiscalité, l’amnistie fiscale pour intégrer l’informel dans la sphère légale, le foncier et les zones industrielles qu’elle conseille de confier suivant un cahier des charges précis à des gestionnaires privés.

Pour un «pacte de croissance et de confiance»
D’autres paraissent relativement nouvelles comme le changement de la valeur faciale de la monnaie nationale (1 DA nouveau =10 DA) avec en parallèle «un plan de changement des billets de banque», comme la création d’un «ministère de l’économie nationale» qui regrouperait les «finances, l’industrie et le commerce» afin de «structurer une administration économique cohérente face au monde de l’entreprise» ou comme l’institution consultative d’un «Haut Conseil de l’attractivité» sous l’autorité du président de la République «en vue d’identifier un dispositif pragmatique et opérationnel qui susciterait les IDE».
Un troisième lot doit être certainement compris comme un rappel aux décideurs que les décisions prises en conseil des ministres ou du gouvernement ne sont souvent pas appliquées rapidement ou pas du tout par les administrations à l’échelle des guichets et au contact des opérateurs, et qu’il va falloir œuvrer à les concrétiser. Il en est ainsi de la liberté d’investir ou de la règle du «51/49» relative à l’investissement étranger et qui semble encore se heurter à des aspérités bureaucratiques insoupçonnées. L’interprétation de rappel est valable aussi pour ce qui concerne la lutte contre l’informel «qui ne cesse de s’étendre et de gagner en puissance», a commenté le président de la CAPC avant d’indiquer que son association préconise une amnistie fiscale en taxant à 1 % les montants déclarés, en généralisant le paiement électronique et en interdisant les retraits de plus de 100.000 DA.
L’ensemble, avertit la CAPC, est tributaire d’un «pacte de croissance et de confiance» entre les pouvoirs publics en tant que garant d’un «environnement des affaires attractifs, transparent et stable» et les entrepreneurs en tant que «force économique nationale, porteuse de croissance et de développement». Il doit reposer sur la «fixation d’un objectif à atteindre dans un «délai de dix années en matière d’exportations hors hydrocarbures, en identifiant les secteurs concernés et en les accompagnant de manière soutenue». Une fois toutes les contraintes levées, l’objectif a déclaré M. Agli, est d’atteindre 20 milliards de dollars de vente à l’étranger dans un délai de trois à cinq ans et 40 milliards de dollars sur une période plus longue de dix ans. Un dessein certes ambitieux, «réalisable» selon le numéro 1 de la CAPC, mais qui bute sur une administration tatillonne, encore balourde et qui a du mal à se transformer sans parler de la mauvaise situation financière dans laquelle se trouve le pays. A ce constat, le président de la CAPC a eu pour Reporters ce commentaire : «Rien n’est faux, mais le défi est réalisable».