Le dossier de la refonte des subventions de l’Etat, qui est à chaque fois remis sur la table depuis des années, anime les débats actuels aussi bien de la classe politique que sociale. Les pouvoirs publics, pour leur part, continuent d’expliquer les raisons de leur démarche de vouloir revoir ce dossier de fond en comble en ce qui concerne les subventions généralisées notamment.
PAR INES DALI
Jusqu’à présent, il n’y a pas de convergence sur l’appréciation de cette épineuse question qui devra être tranchée sans défavoriser, au bout du compte, ceux qu’elle est censée protéger, si les mécanismes appliqués ne sont pas étudiés avec une grande prudence et attention.
En attendant l’installation de la commission nationale chargée de la révision des subventions, reportée après avoir été programmée pour mai dernier, les réticences sont toujours de mise et les débats se poursuivent, aussi bien chez les opposants à cette révision que chez ceux qui la défendent.
Une évaluation des dispositifs de subventions des produits de base (alimentation, énergie et eau) effectuée par les pouvoirs publics fait ressortir que «le système actuel ne fait pas de distinction entre ménages riches et ménages pauvres», selon le Directeur général du budget au ministère des Finances, Faïd Abdelaziz. Cette évaluation a été lancée après le constat que le problème des subventions publiques généralisées ne se limite pas à «l’étendue des dépenses» mais à l’intérêt même de ces dépenses et à leurs effets négatifs par rapport aux objectifs escomptés, a-t-il expliqué lors d’une journée parlementaire à l’Assemblée populaire nationale samedi.
Par le langage des chiffres, «en 2021, les subventions directes (habitat, santé, retraites) et indirectes (prix des produits de base, des produits alimentaires et énergétiques et de l’eau) ont atteint environ 5 131 milliards de DA, soit l’équivalent de 23% du PIB, les subventions généralisées s’élevaient à 62% du total de ces subventions, soit près de 3 181 milliards DA (14% du PIB)», selon le même responsable. Durant la même année et s’agissant de la répartition des subventions par nature, il a indiqué que les subventions généralisées se sont déclinées en «87% des subventions indirectes et 13% de subventions directes, la valeur des subventions directes ayant atteint 402 milliards de dinars, contre 2 779 milliards de dinars de subventions indirectes, dont 96,5% allouées pour subventionner les prix des produits énergétiques».
D’autres détails chiffrés ont été révélés par le Directeur général du budget au ministère des Finances, lui faisant dire à chaque fois que ces subventions profitaient aussi bien aux ménages riches qu’aux ménages pauvres. Pour M. Faid, la multiplicité et la complexité des dispositifs actuels de subventions publiques généralisées rendent «difficile un contrôle efficace». Il en veut pour preuve le fait que pour les seuls produits alimentaires, environ 152 milliards de dinars sont dépensés annuellement, puisés sur le budget de l’Etat, alors que «les subventions publiques destinées essentiellement aux ménages sont également interceptées par d’indus intermédiaires». L’évaluation a fait ressortir un autre constat, selon le même intervenant, à savoir que «l’application de prix bas aux produits bénéficiant de subventions généralisées sur le marché national encourage le gaspillage et la surconsommation», a-t-il dit, soulignant que «la couverture financière des subventions généralisées constitue une lourde charge pour budget de l’Etat en termes d’augmentation des dépenses et de baisse des importations».
C’est à la lumière des conclusions de l’évaluation chiffrée que «le gouvernement a jugé approprié et impératif de réformer le système des subventions publiques généralisées », a rappelé le directeur du budget au ministère des Finances, ajoutant qu’il s’agit d’une «réforme des subventions pour un meilleur ciblage».
En parlant de ciblage, beaucoup se sont demandé comment celui-ci serait-il opéré sur le terrain, tandis que d’autres se sont dit contre cette politique de révision des subventions.
Le Parti des travailleurs (PT) a été le premier à s’ériger contre. Il a exprimé son opposition à ce projet à maintes reprises, expliquant son rejet de «toute remise en cause d’un des principaux acquis de l’indépendance nationale qui a permis au pays des avancées considérables dans la lutte contre la pauvreté par l’amélioration du pouvoir d’achat, des services publics et plus généralement le progrès socio-économique». Ce parti envisage même d’avoir un représentant au sein de la commission chargée de la révision des subventions non pour donner son quitus à cette révision, mais pour faire entendre sa voix et plaider pour «le maintien des subventions de l’Etat» tout en présentant ses arguments. Pour sa part, le Front des forces socialistes (FFS) estime qu’«il n’est pas judicieux ni urgent de recourir à une révision anarchique du système de soutien des produits et services de large consommation», plaidant, à son tour, pour «l’élaboration consensuelle d’un nouveau modèle économique».
Pour leur part, deux organisations syndicales de l’Education nationale ont fait connaître leur position, le Cnapest s’étant dit «contre la suppression des subventions», tandis que l’Unpef a fait montre de réticence tout en disant qu’il préfère ne pas pratiquer «la politique de la chaise vide» et qu’il aura des représentants au sein de ladite commission pour «savoir ce qui sera proposé concrètement et défendre les intérêts des travailleurs».
Afin d’avoir une plus large concertation, la question des subventions est également abordée au Palais d’El-Mouradia, lorsque les chefs de parti et autres organisations syndicales et patronales sont conviés par le président de la République pour discussion et avis sur la situation générale du pays. Avant l’installation de la commission chargée de la révision des subventions, il est donc impératif de bien défraîchir le terrain par de très larges consultations qui reflèteront au moins les grandes lignes de cette révision. <