Apocalypse, chaos ! De nombreuses localités de la wilaya de Tizi Ouzou ont vécu un lundi apocalyptique, marqué par une vingtaine de départs de feu donnant lieu à une nuit d’horreur pour les villageois cernés par les incendies, alors que des maisons ont été réduites à l’état de carcasse. Un véritable acte criminel qui ne doit nullement rester impuni.

PAR NAZIM BRAHIMI
C’est un spectacle de désolation et de ruine qu’offre, depuis hier, de nombreux sites montagneux de Tizi Ouzou, alors que le premier bilan des victimes fait état de 4 décès, 2 à Ath Yenni, 1 à Azazga et 1 à Yakouren, avant que le ministre de l’Intérieur n’annonce, sur place à Tizi Ouzou en cours de journée, un bilan passé à 6 morts. Tout comme on déplore 3 blessés dans un grièvement brûlé. Sans compter d’importants dégâts matériels et des pertes énormes en couvert végétal, cheptel et arbres fruitiers, notamment des oliviers.
Tout a commencé dans l’après-midi de lundi, quand un total de 19 départs de feux importants a été enregistré à travers le territoire de la wilaya de Tizi-Ouzou, selon ce qu’a annoncé la cellule de communication de la direction locale de la Protection civile. Selon un point de la situation, établi à 16H, 8 communes du sud, de l’est, de l’ouest et du nord de la wilaya sont touchées par ces incendies, Aït Toudert, Akbil, Abi Youcef, Aït Yahia, Draa El Mizan, Idjeur, Ifigha et Iflissen.
Pendant que les massifs montagneux prenaient feu, les services de la Protection civile tentaient de rassurer en signalant à l’adresse des populations «la mobilisation et la mise en œuvre des moyens opérationnels de leurs unités ainsi que de la colonne mobile pour les opérations d’extinction de ces feux…». Mais les images les plus choquantes sont celles venant d’Ath Yenni et Larbaa Nath Irathen, où les flammes ont atteint le seuil de certaines habitations provoquant alors un mouvement de panique parmi les personnes qui ont quitté leur domicile.
Sur certaines vidéos, on pouvait entendre des voix de femmes ne sachant que faire devant l’avancée des flammes alors que des appels de détresse se multipliaient, hier encore, sur les réseaux sociaux. «De mémoire de montagnard, je n’ai jamais vu une telle situation. Cela doit ressembler à ce que nous racontaient nos aïeux s’agissant de quelques séquences de la guerre d’indépendance, avec le bombardement au napalm», témoigne un fellah d’Ath Yenni. «Partagez les images, s’il vous plaît, les jeunes, pour que les gens puissent nous venir en aide ! Ça y est, les feux ont atteint nos maisons. Il nous faut évacuer les familles», lance, dans un cri de détresse, un jeune d’un village d’Ath Yenni. Pas loin d’Ath Yenni, précisément à Ath Ouacif, un citoyen pointe un doigt accusateur sur les autorités pour «non assistance» à populations en danger de mort, saluant les citoyens qui «font face avec les moyens du bord contre une situation qui les dépasse largement».
A Aïn El Hammam, c’est un autre drame qui a été évité de justesse, puisque l’hôpital de la localité a failli être ravagé par les feux, n’était l’intervention des citoyens et des agents de l’établissement qui ont pu circonscrire les flammes, ce qui a permis aux différents services de poursuivre leur travail.

Villages cernés et appels de détresse
A Tizi Ouzou, où il s’est rendu hier, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales n’est pas allé avec le dos de la cuillère, en déclarant clairement que les incendies sont d’origine criminelle. «Seules des mains criminelles peuvent être à l’origine du déclenchement simultané d’une cinquantaine d’incendies à travers plusieurs localités de la wilaya», a-t-il soutenu, relevant la similitude de «ces incendies criminels» avec d’autres enregistrés dans d’autres régions du pays, dont ceux de Khenchela dernièrement.
Accompagné du ministre de l’Agriculture et de celle de la Solidarité nationale, Kamel Beldjoud a fait savoir que «des enquêtes seront ouvertes par les services de sécurité pour élucider les circonstances de ce sinistre et identifier et punir les coupables». A l’adresse des familles sinistrées, le ministre de l’Intérieur a tenu des mots «rassurants», déclarant qu’elles «seront indemnisées pour les pertes qu’elles ont subies». Il a annoncé, par la même occasion, que samedi prochain, une délégation de 130 à 140 experts se rendra à Tizi-Ouzou afin d’évaluer sur le terrain, dans les communes touchées par les incendies, l’ampleur exacte des dégâts et des pertes.
En ce qui concerne l’origine criminelle des incendies, visiblement de plus en plus plausible, le Conservateur local des forêts à Tizi Ouzou, Youcef Ould Mohamed, s’est montré catégorique. «Le déclenchement simultané d’une trentaine de feux, dont 10 importants, dans différentes communes de la wilaya le jour même ou un bulletin météorologique spécial (BMS) lance une alerte canicule, ne peut avoir une origine naturelle», a-t-il déclaré. «De par notre expérience, il est impossible que l’origine de ces départs de feux soit naturelle, il s’agit d’incendies criminels», a-t-il affirmé.
En attendant les conclusions qui seront tirées de ces actes criminels, les messages de détresse continuaient, hier encore en fin de journée, à fuser de plusieurs localités de Kabylie, y compris dans la wilaya de Béjaïa, où des «petits» foyers d’incendie ont été signalés avec la crainte que cela fasse ne se propage.