Après les critiques de la Cour des comptes, la Banque d’Algérie, dans sa note de conjoncture du premier semestre 2022, est venue à son tour confirmer la contribution de plus en plus grandissante des salariés aux recettes fiscales globales hors hydrocarbures, corroborant par la même le mouvement haussier prévu par la loi de finances sur la période 2023-2025. Le fisc a du pain sur la planche pour faire contribuer les autres catégories de contribuables non concernés par le mode de retenue à la source en améliorant la collecte et les opérations de contrôle fiscal.
Par Hakim Ould Mohamed
Les recettes fiscales, qui représentent 90,1% des recettes hors hydrocarbures, ont augmenté de 9,6% (+133,4 milliards de dinars) au premier semestre 2022 pour atteindre 1 523,3 milliards de dinars contre 1 389,9 milliards au premier semestre 2021.
Cette croissance des recettes fiscales résulte principalement de la hausse des impôts sur les biens et services (59,8 milliards de dinars) et sur les revenus et les bénéfices (46,2 milliards de dinars), peut-on lire dans la note de conjoncture de la Banque d’Algérie pour les six premiers mois du précédent exercice. En décodé, les recettes engrangées grâce au dispositif de retenue à la source, dont l’Impôt sur les revenus (IRG), représentent une part non négligeable dans les recettes fiscales globales de l’Etat.
D’ailleurs, la hausse des recettes fiscales durant le premier semestre de 2022 est tirée en partie par la hausse des revenus de l’impôt sur les revenus. La part des salariés dans les recettes fiscales ne devrait pas baisser cette année encore, mais aussi en 2024 et 2025, puisque les prévisions du gouvernement tablent sur un apport grandissant de l’IRG aux recettes fiscales globales de l’Etat. En effet, la loi de finances de l’actuel exercice lève le voile sur une contribution de plus de 1 437 milliards de dinars des fonctionnaires aux impôts cette année. L’Impôt sur le revenu global (IRG), dont la collecte se fait à la source, occupera ainsi une part prépondérante dans la structure des recettes fiscales prévues cette année, malgré un réajustement à la baisse des taux, opéré afin de permettre un relèvement des salaires. Les prévisions tablent sur une contribution de plus de 1 512 milliards de dinars de l’IRG aux recettes fiscales en 2024 et de plus de 1 580 milliards de dinars en 2025, lit-on dans les projections du gouvernement, contenues dans la loi budgétaire de l’actuel exercice.
Cette hausse s’explique, en partie, par l’augmentation de certaines catégories salariales, mais aussi par l’ouverture d’environ 36 000 nouveaux postes budgétaires uniquement dans les secteurs de la Fonction publique, à l’heure où la reprise de l’activité économique semble ouvrir d’autres perspectives d’embauche dans le secteur économique public et privé. Cette hausse témoigne du potentiel important de cet impôt, dont des marges sont encore mobilisables à condition que les institutions de l’Etat, dont l’administration fiscale, redoublent d’efforts dans leur lutte contre l’informel, l’évasion et la fuite fiscales ainsi que les fausses et sous-déclarations.
Impôt sur la fortune, injuste contribution
Cependant, la part prépondérante de l’IRG dans les revenus fiscaux globaux cache une autre réalité, à savoir la faible contribution des autres catégories fiscales. Non concernés par le système de retenue à la source, plusieurs impôts génèrent de faibles revenus, dont les impôts sur le capital, l’impôt sur les bénéfices, les droits de douanes, l’impôt sur la fortune… etc. Ce dernier, plusieurs fois cité dans les différentes lois de finances, demeure une niche fiscale pour le moins négligée et dont le potentiel serait exponentiel. Selon les estimations de Finabi Conseil, le nombre de contribuables ayant payé cet impôt, en 2022, ne dépasse pas 67.
De ce fait, les recettes recouvrées via cet impôt ne dépassent pas 10 millions de dinars en 2022. Il est dû seulement aux personnes physiques sur la base de leur patrimoine constitué d’actifs imposables d’une valeur nette supérieure à 100 000.000 dinars. Cet exemple témoigne à lui seul du potentiel négligé et inexploité de plusieurs autres catégories de contribuables et niches fiscales, alors que leur contribution à l’impôt relève même de l’équité et de la justice devant l’impôt.
Le fisc a décidément du pain sur la planche pour rendre le système fiscal plus juste et plus équitable, en améliorant sa collecte auprès des autres contribuables, en attendant la réforme fiscale globale qui devrait asseoir de nouvelles bases en matière de contribution et de collecte de l’impôt. Pour le moment, les salariés demeurent la catégorie qui contribue au mieux aux recettes de l’Etat, étant donné que la collecte de l’IRG est régie par le dispositif de retenue à la source.
Dans son dernier rapport de l’an dernier, la Cour des comptes a relevé, à nouveau, la «prédominance des recouvrements par mode de retenue à la source et de paiement spontané», faisant constater, à ce propos, que l’IRG salaire, prélevé à la source, procure, à lui seul, 774,511 milliards de dinars sur un total de 863,504 milliards de dinars de recettes des impôts directs. L’institution de contrôle financier a estimé, à la même occasion, que les «prévisions sont peu maîtrisées» au niveau de certaines catégories d’impôt, en dégageant des moins-values importantes.
Les recettes en provenance de certains impôts et taxes, dont l’Impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), les recettes ordinaires et l’Impôt sur le patrimoine, à titre d’exemple, demeurent en deçà des attentes, «au détriment du principe de l’égalité devant l’impôt», avait indiqué la Cour des comptes. La Banque d’Algérie est venue en rajouter une couche, mettant en exergue la contribution de l’impôt sur les revenus à la hausse des recettes fiscales globales hors hydrocarbures. n