Synthèse Anis Remane
Dans une ambiance à l’image de la forte tension actuelle entre Kinshasa et Kigali. Ils se sont dirigés en courant en deux groupes vers la frontière, à la «petite barrière» et la «grande barrière» qui séparent la RDC du Rwanda, en scandant des slogans hostiles à ce pays et son président Paul Kagame. «Nous ne voulons plus des Rwandais, laissez-nous aller affronter Kagame chez lui», criaient-ils.
Ces manifestants, de plus en plus nombreux, ont été dispersés par la police anti-émeute alors qu’ils tentaient de forcer le passage vers le Rwanda. Une personne au moins a été blessée. «Nous manifestons contre l’incursion des M23 en République démocratique du Congo. Nous demandons au gouvernement de nous doter de tenues (militaires) et d’armes pour aller nous battre» contre l’armée rwandaise, a déclaré à l’AFP un manifestant, Eric, sous les acclamations des dizaines d’autres qui l’entouraient. Dans la ville, les banques, stations-service, écoles, boutiques et autres commerces étaient fermés, à l’exception de quelques pharmacies.
Mardi soir, dans la capitale Kinshasa, quelques centaines de personnes avaient de nouveau manifesté pour demander la rupture des relations diplomatiques avec le Rwanda, accusé de soutenir la rébellion du M23, et appeler le président congolais Félix Tshisekedi à sortir de son silence. Quelques heures plus tard, le gouvernement congolais a haussé le ton, «condamnant» dans un communiqué «la participation des autorités rwandaises dans le soutien, le financement et l’armement de cette rébellion» et promettant de défendre «chaque centimètre» de son territoire.
Rébellion à dominante tutsi vaincue en 2013 par Kinshasa, le M23 a repris les armes fin 2021, en reprochant aux autorités congolaises de ne pas avoir respecté un accord pour la démobilisation et la réinsertion de ses combattants. Lundi, la localité congolaise de Bunagana, un centre d’échanges commerciaux situé à la frontière ougandaise, est tombée entre les mains de ces rebelles. L’armée congolaise a accusé le Rwanda d’«invasion» de son territoire.
Vendredi 10 juin, deux enfants, Germain, 6 ans, et Isaac, 7 ans, sont morts déchiquetés par une bombe tombée dans la cour de leur école à environ 50 km au nord de Goma, à mi-chemin entre le chef-lieu du Nord-Kivu et Bunagana. Non loin de sa maison, au milieu des bananiers, les tombes des deux enfants ont été creusées, des fleurs plantées. Les corps des petits garçons étaient si abimés que leurs familles ont voulu les inhumer immédiatement. «Mais on ne pouvait pas aller au cimetière, à cause des conditions de sécurité», expliquent leurs parents à l’AFP. Depuis ce bombardement, la population vit dans la terreur. «Les habitants dorment à l’extérieur, pendant trois jours il n’y a pas eu école, on vit la peur au ventre», déclare Floribert Hakizumwami, chef du village.
A Katale, village voisin de Biruma, une autre école a également été bombardée, son toit de tôle transpercé, deux salles de classe complètement détruites. Là, il n’y a pas eu de victime, les bâtiments étaient vides lors du bombardement. Sur la route de Goma, des patrouilles de l’armée se sont intensifiées, des chars sont visibles. Mais la panique demeure. Dans le territoire voisin de Nyiragongo, où des combats ont opposé fin mai l’armée au M23, la population s’enfuit, des dizaines de familles partent avec de maigres biens.
«Je n’ai pas de destination fixe, je dois juste sauver ma vie», explique Elisabeth Nsengiyunva, mère de famille. «Les habitants de Gasiza, tout près du parc des Virunga, nous ont dit avoir vu les rebelles, qui leur ont dit qu’ils arrivaient et allaient nous tuer tous», ajoute-t-elle, paniquée. Un officier de l’armée à Kibumba, à une vingtaine de km de Goma, déplore ces mouvements de population provoqués par des rumeurs, assure-t-il, colportées sur les réseaux sociaux. n