L’opération coûte à l’Etat propriétaire 15,3 milliards de dollars au billet vert près. Un rachat massif pour un pari risqué sur un relèvement de ces entreprises en attendant la réforme annoncée. Un lourd fardeau pour le Trésor public.Par Hakim Ould Mohamed
A la lecture des montants communiqués, tantôt par le gouvernement, tantôt par les institution de Bretton Woods, le sauvetage des entreprises publiques devient problématique pour le Trésor public, qui s’endette à nouveau en 2021 auprès de la banque centrale pour racheter les dettes des entreprises publiques et alléger ainsi les banques de ce fardeau qui, non seulement a contribué à la hausse des créances non performantes au niveau des banques, mais aussi à une hausse considérable de la dette publique interne. En attendant la réforme tant attendue du secteur public marchand, dont l’objectif est d’affranchir les entreprises du soutien permanent du Trésor public, le gouvernement n’hésite pas à mettre la main à la poche pour éviter un rebond du taux de chômage et des faillites en cascade.
En effet, l’Etat était encore, en 2021, au chevet de ses entreprises en difficulté, mobilisant d’importantes ressources pour le rachat de leurs créances auprès des banques. Cette énième intervention de l’Etat propriétaire a coûté plus de 15,3 milliards de dollars cette année, selon les chiffres contenus dans le rapport de suivi de la situation économique en Algérie, publié par la Banque mondiale. Cette année aura été marquée ainsi par un plan massif de rachat des dettes des entreprises publiques, déployé par le Trésor pour soutenir un secteur public marchand en perpétuel difficulté. Au premier semestre de cette année, lit-on dans ledit rapport, « les autorités ont commencé par demander des avances à la Banque d’Algérie, entraînant une augmentation temporaire des passifs envers la Banque d’Algérie ». Ces avances mises à la disposition du Trésor public par la banque centrale ont servi à éponger, dès le second semestre de cette année une importante dette des entreprises publiques détenues par les banques primaires. « En juillet 2021, elles ont lancé un vaste programme de rachat de créances d’une valeur excédant les 15,3 milliards de dollars, rachetant les dettes des entreprises publiques en difficulté envers les banques publiques, en échange d’obligations du Trésor. Pour compenser les banques publiques, un Programme spécial de refinancement (PSR) a permis à la Banque d’Algérie de leur fournir un financement en échange de la remise en garantie des bons du Trésor acquis dans le cadre du programme de rachat de créances », lit-on dans le rapport de l’Institution de Bretton Woods, consacré à l’examen de l’évolution de l’économie algérienne en 2021. Cette institution fait constater dans la foulée que les banques ont ensuite réinvesti la majorité de ces fonds dans des obligations du Trésor. En conséquence, la dette publique interne a augmenté de 12,9 % entre fin 2020 et fin juillet 2021. « Dans le même temps, les passifs publics envers les banques se sont accrus de 907 milliards de dinars entre décembre 2020 et juillet 2021, et de 1 002 milliards de dinars au seul mois d’août 2021 », soulignent les experts de la Banque mondiale. Ce n’est pas la première fois que l’Etat vole au secours de ses entreprises en difficulté et dépense sans compter pour éviter une flambée du chômage et une vague de faillites. En effet, le programme de production monétaire, mis en œuvre entre 2017 et 2019, a contribué dans une large mesure à financer le déficit budgétaire global et régler les dettes croisées entre les entités publiques.

Hausse de la dette publique
Ces plans de sauvetage à répétition de l’Etat en faveur de ses entreprises ont contribué à une hausse considérable de la dette publique depuis 2016. L’encours de la dette publique interne s’est établi à 9335,6 milliards de dinars à fin décembre 2020, atteignant 49,8% du PIB, en augmentation de 1,6% par rapport à la même période de 2019 (9186,6 milliards de dinars). Elle a progressé davantage de 12,9% entre fin 2020 et juillet 2021, lit-on dans le rapport de la Banque mondiale. Elle avait représenté 20,6% du PIB en 2016, 27% en 2017, 34,8% en 2018 et 39,9% en 2019, selon les données communiquées récemment par le Fonds monétaire international (FMI). Cette institution avait conclu par le passé que la hausse de la dette publique depuis 2016 était due principalement « à la concrétisation des risques budgétaires sous la forme de soutien aux entreprises publiques ». Son institution jumelle, la Banque mondiale en l’occurrence, anticipe une croissance des interventions spéciales du Trésor qui, selon ses spécialistes, « devrait être durable, dans un contexte de soutien public continu à la caisse nationale des retraites, aux EPE et aux banques publiques ». « La dette publique continuera d’augmenter rapidement, tout en restant à des conditions favorables », soutient l’institution de Bretton Woods. En tout cas, les entreprises publiques en difficulté continuent et continueront d’être un boulet au pied du Trésor tant que la réforme du secteur public marchand n’est pas réellement mise en œuvre. Le ministre de l’Industrie, Ahmed Zaghdar, a indiqué, récemment, lors de la tenue de la conférence nationale sur la relance industrielle, que 2900 milliards de dinars ont été engloutis par les entreprises publiques en difficulté ; un montant représentant la contribution financière permanente de l’Etat propriétaire destinée à l’assainissement de ses sociétés. Ces montants, pour le moins pesants pour le budget de l’Etat, relance de plus belle le débat sur l’urgence de la mise en œuvre de la réforme tant attendue du secteur public marchand. Dans son plan d’action, validé en septembre par les deux chambres du Parlement, le gouvernement a annoncé un projet d’audit et d’évaluation des capitaux du secteur public marchand pour, ensuite, procéder à l’ouverture du capital des entreprises. Certaines d’entre elles devraient se voir introduire à la Bourse des valeurs mobilières, d’autres doivent se transformer en réformant leur management et en se restructurant.