Par NAZIM BRAHIMI
L’Opep+ semble faire sienne la locution «il est urgent d’attendre», l’oxymore qui suggère qu’il ne sert à rien de se presser, car un événement ultérieur doit préciser la situation.
En dépit d’un contexte géostratégique mouvant, induit par la guerre en Ukraine, les membres de l’Opep+ ont reconduit leur démarche prudentielle en ce qui concerne le volume de production, alors que les prix du pétrole et du gaz continuent leur percée, le baril du Brent a atteint dans la matinée plus de 113 dollars, le plus haut niveau depuis 2014. Les pays membres ont décidé, hier, à l’occasion de leur 26e réunion ministérielle, d’augmenter la production pétrolière totale de l’alliance de 400 000 barils/jour en avril prochain. Autrement dit, les pays de l’Opep+ ont opté pour le maintien de leur plan d’augmentation mensuelle de la production, décidé en juillet 2021.
Depuis cette date, et malgré une situation de guerre dans laquelle est engagé un acteur majeur de l’échiquier pétrolier et gazier, la Russie, l’Opep+ préfère maintenir la stratégie lancée à la faveur du redressement de la demande, après des coupes drastiques pour faire face à la pandémie de Covid-19 et ses conséquences.
Même l’annonce faite mardi par l’Agence internationale de l’énergie, pour la mise sur le marché de 60 millions de barils, tirés des réserves de ses pays membres, n’a pas eu l’effet d’apaisement attendu.
L’agence voulait vraisemblablement adresser un message plutôt rassurant aux marchés pétroliers, selon lequel il n’y aurait pas de pénurie d’offres résultant de l’attaque russe contre l’Ukraine. Cette configuration pose ainsi la problématique de l’approvisionnement en brut et en gaz naturel, particulièrement, pour les pays de l’Union européenne (UE) alimentés par la Russie. D’où la question de savoir si les pays membres de l’Opep+ maintiendront dans le temps leur prudence et se montreront «imperturbables» devant les tensions géostratégiques.
«Nous nous attendons à ce que l’Opep+ maintienne une politique prudente jusqu’à ce qu’elle soit absolument obligée de changer de cap», a estimé un observateur des marchés pétrolier et gazier. Un scénario qui rappelle un autre quand l’organisation avait adopté la même attitude au début de la pandémie de Covid-19, qui avait conduit à une réduction inédite de la demande avant de rectifier le tir en urgence devant un marché en pleine détresse.
Mais, il est difficile de ne pas s’attendre à ce que les marchés ne soient pas bousculés par le poids de Moscou si la situation de guerre venait à durer, d’autant plus que la Russie est deuxième plus grand exportateur de pétrole brut au monde, premier producteur de gaz et principal fournisseur de l’Europe.