Les retards dans l’exécution des projets d’équipement et le phénomène des réévaluations des coûts ne cessent d’alimenter les controverses et d’alourdir les charges financières de l’Exécutif. Face à cette aberration récurrente, l’Etat veut mettre le holà sans renoncer aux projets en souffrance avec le soutien de l’arc parlementaire. Preuve en est que les parlementaires sont revenus à la charge cette semaine, y voyant un fardeau qui pèse sur la trésorerie publique.
Le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, s’engage à y remédier en administrant
une dose de rigueur dans la maturation et le contrôle des projets d’équipement.

Par Hakim Ould Mohamed
Intervenant, mardi, lors d’une plénière consacrée au vote du projet de loi portant règlement budgétaire de 2019, le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, a reconnu l’existence d’un retard important dans le lancement de plusieurs projets, ce qui entraîne souvent, a-t-il dit, une réévaluation avec ce que cela engendre comme coûts supplémentaires, et ce, pour plusieurs raisons d’ordre administratif et économique. Le sujet a maintes fois attisé la colère des responsables, des économistes et des magistrats de la Cour des comptes qui, souvent, ne lésinent pas sur le moindre propos pour pointer un phénomène coûteux et préjudiciable pour la trésorerie publique. Les parlementaires ont relancé de plus belle une vieille polémique sur la réévaluation à répétition des projets d’équipement, entrainant d’importants retards et surcoûts. Le ministre des Finances, fraichement installé en remplacement de Aïmene Benabderrahmane, a tenté de rassurer en indiquant que les difficultés entravant le lancement de certains projets d’équipement seront levées à la faveur de l’entrée en vigueur, début 2023, de la loi organique relative aux lois de finances en date de septembre 2018. Quant à l’absence de rigueur dans la mise en œuvre des projets et le respect des délais, le premier responsable du secteur a fait état de l’adoption d’une série de mesures pour réduire l’ampleur de ce phénomène, citant notamment le conditionnement de l’enregistrement des grands projets à la finalisation des études de maturation et à l’approbation de celles-ci par la Caisse nationale d’équipement pour le développement (CNED), ainsi que l’assainissement périodique (tous les 5 ans) de la nomenclature des investissements. Ce n’est pas la première fois que la problématique de la réévaluation des projets d’équipement est posée, puisque, dans ses différents rapports, la Cour des comptes n’a jamais cessé de tirer la sonnette d’alerte quant à un phénomène récurrent et budgétivore. De son côté, le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, a indiqué récemment que les opérations de réévaluation des projets d’équipement ont coûté à l’Etat 8908 milliards de dinars sur la période 2005-2020, soit une moyenne de près de 600 milliards de dinars par an. Il s’agit là d’une dérive qui représente près de 80 milliards de dollars en quinze ans, soit le double du solde actuel des réserves de change. Dans leur dernier rapport en date, les magistrats financiers ont conclu, chiffres à l’appui, que tous les ministères et les institutions de l’Etat s’adonnaient à cette pratique pourtant si nuisible à l’économie. Dans certains cas cités par la Cour des comptes, le taux de réévaluation des autorisations de programme ont atteint les 1000%. «L’examen par la Cour des comptes des budgets d’équipement a permis de relever qu’un nombre important d’opérations ont fait soit l’objet de réévaluations, soit de restructurations et dans certains cas les deux à la fois, durant la phase de réalisation des projets et parfois même avant le lancement des travaux d’exécution. Les modifications opérées ont porté le plus souvent sur les coûts, la consistance physique des travaux, les délais d’exécution ou encore sur la structure des projets», lit-on dans le rapport d’appréciation de la Cour des comptes.
Ces opérations de réévaluation seraient le fruit de projets mal étudiés et/ou ajournés pour de multiples raisons. Sous la contrainte budgétaire de ces dernières années, le gouvernement avait d’ailleurs reporté l’exécution de plusieurs projets d’équipement. La flambée des cours du pétrole et du gaz de ces derniers mois pourrait contribuer à la levée des contraintes d’ordre budgétaire qui étaient à l’origine de l’ajournement de certains projets d’équipement. Reste à lever les entraves administratives, un exercice qui s’avère beaucoup plus complexe pour le gouvernement, étant donné les lourdeurs de l’administration économique et le foisonnement d’organismes et de prérogatives. n