Alors que les syndicats mobilisent leur base pour la journée de protestation prévue le 28 février prochain marquant l’ouverture à l’Assemblée populaire nationale (APN) des débats autour des deux projets de loi sur les modalités d’exercice du droit syndical et à l’exercice du droit de grève, la réponse du chef de l’Etat sur cette nouvelle loi semble loin des attentes des syndicats qui rejettent ces textes de loi et les considèrent comme attentatoires aux droits des salariés.
Par Sihem Bounabi
Durant son entrevue périodique avec des représentants de la presse nationale, vendredi dernier, Abdelmadjid Tebboune a affirmé que «l’exercice du droit syndical est un droit garanti par la Constitution. Il a cependant ajouté que «la nouvelle loi vient encadrer la création des syndicats», soulignant que «les syndicats ne sont ni lésés ni empêchés, mais il s’agit plutôt de consacrer la loi et de mettre fin à des pratiques inacceptables». Selon le président de la République, la grève est «l’ultime étape du processus de protestation, une fois toutes les étapes légales épuisées».
Le président de la République a également jugé «insensé d’avoir 34 syndicats dans un même secteur».
En réaction, les syndicats soutiennent que les deux projets de lois sont contestés dans leur forme du fait qu’ils ont été élaborés et transmis directement à l’APN sans concertation avec les partenaires sociaux. Ils sont rejetés dans leur fond, car la majorité des articles vont à l’encontre de la préservation des acquis et libertés syndicaux et des droits de travailleurs, arguent-ils. Les deux projets de loi vont à «l’encontre des intérêts et des droits des travailleurs», campent-ils sur une position qui sera mise à l’épreuve le jour du vote par l’APN.
Dr Mohamed Yousfi, président du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP) estime à propos de l’existence d’un trop grand nombre de syndicats que «s’il y a des problèmes concernant certains syndicats, ce n’est pas une raison pour mettre une nouvelle loi syndicale qui va faire disparaître l’écrasante majorité des syndicats». Il tient toutefois à préciser que l’«on n’est pas contre le fait que l’Etat intervienne pour contrôler le respect par les syndicats de la réglementation, mais on est contre le fait de mettre tous les syndicats dans un même panier» ajoutant que «l’augmentation du nombre de syndicats est une expression de la démocratie et des libertés syndicales et tous groupes de travailleurs a le droit d’être représenté par les syndicats dans le respect de la réglementation»
De son cotés Dr Youcef Boudjelal, président du Syndicat autonome des biologiste de la santé publique SABSP tient également à souligner que la question du nombres de syndicats et donc de la représentativité n’est qu’un point parmi les nombreux points contestés de ces deux projets de lois, soulignant que «même s’il y a un grand nombre de syndicats, il faut savoir que ceux qui sont le plus lésés sont les syndicats qui activent sur le terrain et qui sont les plus représentatifs. De plus, cela ne justifie pas que l’écrasante majorité des articles de ces deux projets de loi vont à l’encontre des acquis syndicaux de ce dernières années et du droit de grève.» Les syndicalistes mettent également en exergue deux points essentiels de ces deux projets de loi qui sont d’une part l’incohérence des pouvoirs publics et de l’administration dans la gestion et le fonctionnement des syndicats et d’autre part les conditions draconiennes imposées pour limiter le droit de grève.
A ce sujet le président du SNPSSP rappelle qu’«il y a beaucoup de points où l’Etat s’immisce pour ne pas dire s’ingère dans un domaine qui relève des prérogatives et de la responsabilités des syndicats, alors que la convention 87 signée par l’Etat algérien en octobre 1962 est clair dans son article 3. Ce dernier stipule que l’Etat n’interfère pas dans les statuts ou dans le règlement intérieur des syndicats».
Concernant le droit de grève, le syndicaliste rappelle également la contradiction entre cette nouvelle loi et let droit constitutionnel, du fait que dans ce nouveau projet de loi, toutes les grèves illimitées, les grèves cycliques et les grèves de solidarités sont interdites, il ne reste ainsi que la grève limitée avec des conditions draconiennes, car il faut passer par différentes étapes, à savoir la conciliation, la médiation et l’arbitrage. Mais le paradoxe est que ces trois étapes n’ont jamais été respectées par les pouvoirs publics et maintenant ils veulent les mettre en applications avec des délais qui vont au-delà de deux mois, c’est une manière indirecte de décourager les travailleurs de faire grève.»
Le président du SABSP soulève également les contradiction de ces deux nouvelles lois avec la Constitution et les Convention internationales ratifiées par l’Algérie en soulignant que d’une part «la priorité est accordée à l’administration et à l’employeur et d’autre part même si le président de la République affirme que le droit de grève est un doit constitutionnel, cette nouvelle lois contient un nombre incalculable d’obstacles pour que le droit de grève puisse être exercé, c’est un véritable parcours du combattant».
Au final, les syndicalistes réitèrent leur appel au président de la République afin qu’il intervienne pour le retrait de ces deux projets de lois et l’ouverture de débats et de réunions de concertation avec les partenaires sociaux pour l’élaboration de nouveaux textes de lois consensuels».
Ils affirment également que la journée de protestations du 28 février est maintenue et que la mobilisation se poursuit jusqu’au retrait de ces deux projets de lois qui vont à l’encontre «des libertés des syndicats à défendre le droit des travailleurs». <