Merzak Allouache était, dans la soirée de samedi dernier, l’invité de la Cinémathèque de Tizi Ouzou pour la projection en avant-première nationale de « Vent divin » (rih rabani) son dernier opus sorti en 2017. Il faut dire que la venue annoncée de l’auteur de « Chouchou », « Salut cousin » et de « Omar Gatlatou » était très attendue par le public cinéphile de Tizi Ouzou qui a rallié en grand nombre la salle de l’ex-cinéma le Mondial.
Une affluence donnant lieu à un échange fructueux avec le réalisateur qui s’est beaucoup étalé sur ses choix esthétiques dans sa filmographie, en général, et dans sa dernière fiction sortie en 2017, en particulier. Film qui a mis du temps pour avoir droit de cité dans les salles obscures du pays. Un problème que le directeur de Centre national de la cinématographie, Salim Aggar, qui a assisté à la projection, promet de régler en annonçant la distribution à travers le réseau de salles de cinéma relevant du réseau du CNC du film de l’hôte du jour de la ville des Genêts.
Dans cette fiction d’une heure trente minutes, M. Alouache se penche sur une problématique très actuelle, le drame des attentats suicides et le processus psychologique et politique qui conduit les jeunes à faire le choix de la radicalisation, en se laissant tenter par le martyre djihadiste pour gagner la félicité que procure le paradis. L’expérience inaboutie de Amin (Mohamed Oughlis) et de Nour (Sarah Lyssac), les deux protagonistes de « Vent divin », servira de fil rouge à Merzak Allouache pour dérouler la trame de son film où il donne à voir la trajectoire psychologique de ses deux personnages aux profils antagoniques et dont les chemins finiront par se croiser pour, ont-ils convenu au début de leur rencontre, accomplir un destin imposé par des contingences idéologiques et qui finira dans la douleur et le drame. Un drame aux allures de tragédie grecque puisque le réalisateur a décidé de donner une autre trajectoire au conflit qui oppose un couple qui a décidé de s’unir pour le pire, le martyre djihadiste. Et le pire adviendra quand même (mais pas celui attendu) lorsque Amine, en proie au doute, fait le choix de s’accrocher à la vie, en découvrant, de surcroît, que dans le confinement de son séjour saharien, dans la modeste demeure de leur logeuse, L’hadja, qu’il est tombé amoureux de la belle Nour, celle qui a planifié pour le compte d’un groupe terroriste un attentat suicide contre une installation pétrolière d’une ville du sud algérien. Amine veut renoncer à ce projet de l’attentat suicide auquel son amie d’infortune, Nour, a fini de le convertir suite à leur rencontre via internet. Femme de caractère et déterminée, Nour qui a tout planifié avec « Al khawa » ne l’entend pas de cette oreille. D’autant plus qu’elle exerce une nette domination sur un jeune homme effacé et en totale perdition existentielle, venu au Sahara pour noyer son spleen et son manque de repères dans la vie. Et ce bien qu’il soit, visiblement, un garçon bien né et bien sous rapport, tel que le montre une discussion au téléphone avec un père inquiet de l’absence de son fils et que celui-ci tente de rassurer en lui avouant qu’il est en vacances à Barcelone. Alors que le jour J de l’attentat arrive, éclate une dispute entre les deux jeunes gens. Marzak Allouache donne une tournure à ce conflit qui focalisera toute l’intensité dramatique de ce film. Au lieu de commettre l’attentat pour lequel ils étaient missionnés, Amin et Nour trouveront la mort ensemble, dans un corps à corps épuisant et dans des circonstances aux allures de tragédie grecque. C’est la fin du film, le spectateur est mis en face d’une dimension philosophique où s’affrontent tous les sentiments qui font la quintessence de l’homme, la tentation de mort par le martyre et le désir de vie avec en point d’orgue, l’amour qui sourdait dans le cœur du jeune Amine et qui a fini par éclater au grand jour, et qu’il a avoué à Nour au moment d’appuyer sur le détonateur de la ceinture explosive qui a mis effroyablement fin à leur vie. Lors du débat ayant suivi la projection, Allouache revient sur ses choix esthétiques qu’il a mis en œuvre dans la réalisation de son film. S’agissant de l’approche graphique, à travers l’usage du noir et blanc, le réalisateur qui a avoué son regret de n’avoir pas pu tourner certaines séquences en raison de contraintes sécuritaires, affirme qu’il s’agit d’ « un choix personnel pour éviter de verser dans le folklore et l’exotisme de la beauté du Sahara et d’oublier ce que je voulais dire à travers le film ».
Réaffirmant son penchant pour un style d’écriture sobre et épuré qu’il a toujours adopté dans ses films, M. Allouache s’est dit adepte « d’un cinéma de la simplicité qui va à l’essentiel pour décrire la société algérienne ». Sur la situation actuelle du cinéma algérien, l’auteur du mémorable « Salut cousin » déplore que beaucoup de moyens soient mis par Etat pour la réalisation de films « événementiels » qui, selon lui, passe à côté de l’essentiel, à savoir développer un propos sur l’histoire.