Comme il fallait s’y attendre, la réunion tripartite consacrée au projet
Trans-Saharan Gas-Pipeline (TSGP) a vu les ministres algérien, nigérian et nigérien du secteur s’accorder sur l’accélération de la cadence en vue de concrétiser cette méga-infrastructure de 4 000 km qui permettra l’acheminement de gaz naturel nigérian vers l’Europe en passant par le Niger et l’Algérie.
Par Feriel Nourine
Réunis dans la capitale nigériane Abuja, le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, le ministre d’Etat nigérian des Ressources pétrolières, Timipre Sylva, et le ministre nigérien de l’Energie et des Energies renouvelables, Mahamane Sani Mahamadou, sont convenus dimanche de «poser les premiers jalons de ce projet, à travers l’entame des études techniques, en prévision de sa concrétisation sur le terrain dans les plus brefs délais», a fait savoir M. Arkab dans une déclaration à la presse.
Il s’agit de la deuxième réunion du genre après celle tenue par les mêmes responsables au Niger, à la mi-février dernier, et qui avait donné lieu à la mise en forme du projet TSGP à travers la signature d’une déclaration commune, dite «Déclaration de Niamey», pour la mise en place d’une feuille de route visant, notamment, à la mise en place d’une Task Force, qui se réunira régulièrement en vue du lancement de la réactualisation de l’étude de faisabilité du Gazoduc transsaharien.
Enjeux régional et international
Les retrouvailles de dimanche s’inscrivent, justement, en droite ligne avec la nouvelle dynamique que veulent insuffler les trois pays partenaires à cette infrastructure régionale à portée internationale et à fortes dividendes socio-économiques pour chacun d’eux, mais aussi pour les autres pays africains que le gazoduc est appelé à traverser, comme le Niger, le Burkina-Faso et le Mali.
Et pour renforcer cette dynamique, il a été également convenu de la poursuite des concertations par le biais de l’équipe technique, formée lors de cette réunion et chargée d’élaborer toutes les clauses, ainsi que les études techniques et financières et les études de faisabilité relatives à la concrétisation du TSGP, a ajouté le ministre.
La prochaine réunion tripartite aura lieu à Alger, au plus tard fin juillet prochain, c’est-à-dire dans un délai nettement plus court que celui qui a séparé les réunions de Niamey et Abuja. Ce qui témoigne de la volonté des trois pays d’aller réellement de l’avant, sans plus perdre de temps dans la concrétisation de ce gigantesque chantier. Ceci d’autant que la conjoncture actuelle, marquée par des facteurs géopolitiques qui pèsent sur le marché énergétique mondial, en général, et celui du gaz, en particulier, en lui faisant perdre ses repères traditionnels, favorise ce type de projet et justifie sa raison d’être pour des pays européens à la recherche d’alternative au gaz russe dont ils ne veulent plus dépendre.
Une alternative que M. Arkab a d’ailleurs mise en avant au début la réunion d’Abuja en notant que «la réactivation du projet TSGP intervient dans un contexte géopolitique et énergétique particulier, marqué par une forte demande sur le gaz et le pétrole, d’une part, et par une offre stagnante en raison de la baisse des investissements, en particulier dans l’amont pétrolier et gazier, entamé depuis 2015». Ce gazoduc se présente comme «une nouvelle source d’approvisionnement des marchés, dont la demande ne cesse de croître, au vu de la place qu’occupera le gaz naturel dans le mix énergétique futur», a-t-il affirmé, rappelant qu’avec les avantages qu’il offre, le projet viendra «renforcer davantage les capacités de production, d’expédition et de valorisation» des trois pays.
Parmi ces avantages, il a cité le développement qu’apporte ce projet aux populations locales et aux différentes régions de transit, un tracé traversant 3 pays et pouvant interconnecter d’autres pays, tels que le Mali et le Tchad, l’existence d’une grande partie des financements, la proximité du marché européen à partir des côtes algériennes, ainsi que le coût du projet et du transport du gaz qui devrait être «plus avantageux».
Une conjoncture géopolitique et énergétique favorable
Abondant dans le même sens, le ministre d’Etat nigérian des Ressources pétrolières a indiqué que le TSGP rapprocherait les énormes ressources gazières de son pays du marché européen. «Le projet achemine directement notre gaz vers le marché européen. Aujourd’hui, une grande partie du gaz au Nigeria est bloquée ou réinjectée car il n’y a pas d’infrastructure pour acheminer le gaz vers le marché», a déclaré M. Sylva, précisant que cette infrastructure «va acheminer le gaz depuis son lieu de production jusqu’au marché européen» et «il ne peut pas y avoir de meilleur moment, car les prix du gaz sont assez fermes à ce stade», a-t-il soutenu, considérant que «c’est un très bon moment pour nous de profiter des prix très élevés du gaz à l’échelle mondiale».
De son côté, le ministre nigérien de l’Energie et des Energies renouvelables a déclaré que les pays étaient prêts à rassembler leurs ressources pour assurer la réalisation du projet. Sani Mahamadou a souligné la nécessité de lancer le projet, affirmant qu’il favoriserait la coopération régionale et générerait des revenus pour les pays. Les trois ministres n’ont pas manqué de mettre en exergue l’apport du TSGP à la croissance économique de l’ensemble du continent africain où il créera un couloir de développement à travers l’Afrique.
Estimé à 10 milliards de dollars à son lancement en 2009, le coût d’investissement de ce projet est passé à 13 milliards de dollars, selon le ministre nigérian. D’une longueur de 4 128 km dont 1 037 km en territoire nigérian, 841 km au Niger et 2 310 km en Algérie, il reliera les champs gaziers du Nigeria (à partir de Wari sur le fleuve du Niger) à la frontière algérienne, pour se raccorder au réseau algérien et écouler la production gazière du Nigeria en Europe.
Sur le territoire algérien, la réalisation du TSGP pourra bénéficier des opportunités offertes par Sonatrach en termes d’infrastructures, notamment le réseau de transports, les groupes de gaz naturel liquéfié (GNL) et les infrastructures de pétrochimie ainsi que la position géographique proche des marchés de gaz, à commencer par l’Europe. n