L’Etat met le gouvernail sur le soutien à la production nationale et la mise en place d’un dispositif de suivi des besoins nationaux et de l’évolution des prix et de l’offre sur les marchés mondiaux.
Par Hakim Ould Mohamed
Même si la balance commerciale a retrouvé son équilibre dès la fin du précédent exercice grâce en grande partie aux hydrocarbures, le gouvernement ne veut pas pour autant crier victoire et lâcher du lest au front de la régulation du commerce extérieur, tant il est vrai que ce retour à l’équilibre s’explique par la flambée des cours des matières énergétiques sur les marchés mondiaux. Face à la persistance de la hausse des prix des produits de base et à d’éventuels retournements de situation sur le marché pétrolier et gazier, le gouvernement prépare une loi restrictive, plutôt protectionniste, en matière d’exercice des activités commerciales. Un projet de loi a été présenté, à cet effet, en Conseil des ministres, qui s’est réuni dimanche, mais le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a exigé de son gouvernement de revoir son contenu «pour aboutir à une vision claire permettant d’encourager et inciter les opérateurs économiques». Le chantier semble plus prioritaire que jamais pour le chef de l’Etat, alors que le contexte qui prévaut sur les marchés mondiaux continue de se tendre en raison de la tension sur l’offre de certains produits alimentaires et des prix qui ont atteint des sommets historiques. En effet, des niveaux de prix inédits touchent essentiellement les céréales, les produits laitiers, les sucres et les huiles végétales, importés en intrants pour le fonctionnement de l’appareil de production nationale. Face à cette urgence, le gouvernement planche sur un projet de loi relative aux conditions d’exercice des activités commerciales. L’objectif étant de restreindre l’importation des produits fabriqués localement et d’inciter les opérateurs économiques à produire localement afin d’améliorer l’offre interne en biens alimentaires et se prémunir des chocs des prix à l’international qui se traduisent, souvent, par les phénomènes d’inflation importée. Le but ultime étant de rétablir durablement la balance commerciale et, plus globalement, celle des paiements en améliorant l’offre interne de biens et services, d’en finir avec les excès de la dépense brute de l’ensemble des agents économiques, à savoir l’excès des importations rapportées à la valeur globale des exportations. D’ailleurs, à l’issue de la présentation du projet de loi relative aux conditions d’exercice des activités commerciales, le chef de l’Etat a ajourné aussitôt son adoption, conditionnée par l’intégration de plusieurs paramètres en relation avec l’état de l’offre interne et celui des besoins réels du pays.
Mise en place d’un système de veille
Le président Tebboune a ainsi demandé «d’élaborer une conception globale des différents produits et marchandises importés à travers la révision de la liste des produits interdits à l’exportation tout en les fixant lors de réunions du gouvernement avant leur publication par décret exécutif», lit-on dans le communiqué sanctionnant les travaux du Conseil des ministres de ce dimanche, 8 mai. Selon le même communiqué, le chef de l’Etat a instruit le gouvernement à l’effet d’insister sur «le fait que la définition de la liste de produits et marchandises interdits à l’importation a pour objectif de préserver et d’encourager la production nationale, en sus de favoriser la création d’un tissu industriel en mesure de satisfaire les besoins du marché national». Il est question aussi de «développer un système de contrôle des importations, notamment en ce qui concerne les produits dédouanés dans la clause tarifaire douanière “divers”». Cela ressemble à un appel à améliorer les dispositifs existants en tenant compte des disponibilités en intrants alimentaires produits localement et des besoins en matière d’importations nécessaires au fonctionnement des industries nationales. Ainsi, les disponibilités et les besoins en intrants alimentaires restent à définir afin que les montants en devises, injectés dans les importations, puissent être réajustés à la baisse dans l’objectif de rétablir durablement les comptes extérieurs du pays, dans un contexte mondial marqué par la flambée des prix et une hausse fulgurante de l’inflation. Dans de pareilles conjonctures, un système de veille doit être mis en place afin de surveiller les performances des productions nationales, l’état des stocks et les besoins à réaliser en importation dans les cas où ces stocks venaient à baisser ainsi que la fluctuation des prix et de l’offre sur les marchés mondiaux. Les montants, les fréquences des importations et les fournisseurs à cibler doivent être ainsi connus d’avance en fonction des informations provenant de ce système de veille. Dans ce sens, le Président de la République a instruit le gouvernement de saisir les fluctuations du marché international et la flambée des prix des matières premières pour s’orienter vers l’exploitation des produits locaux dans le développement de la production nationale.
Le gouvernement sera également comptable sur le projet de création d’une banque de données permettant le recensement exact des différents produits locaux en vue de définir nos véritables besoins, tel qu’exigé par le chef de l’Etat. Ces orientations définissent ainsi plus clairement les ambitions du futur projet de loi fixant les conditions d’exercice des activités commerciales, mettant résolument le gouvernail sur le soutien à la production nationale et la mise en place d’un dispositif de suivi des besoins nationaux et de l’évolution des prix et de l’offre sur les marchés mondiaux. n