Par Bouzid Chalabi
Les pronostics de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) prédisent une baisse de la production céréalière 2021, en Algérie, d’au moins 35 % par rapport à la moyenne des récoltes de ces cinq dernières années, qui a été de 40 millions de quintaux toutes variétés de céréales confondues, en raison essentiellement de la faible pluviométrie enregistrée tout au long du cycle végétatif des céréales.
«Ce qui démontre encore une fois que notre système céréalier est fragilisé par une trop grande dépendance aux précipitations atmosphériques», atteste l’enseignant chercheur à l’Ecole nationale supérieure agronomique d’Alger, le professeur Ali Daoudi. Mais pour ce dernier, «devant cette donne, le vrai challenge est de sortir en partie de cette dépendance à la pluviométrie». C’est d’autant plus impératif «dès lors que l’ensemble des modèles climatiques prédisent pour la région encore plus d’aridité et de variabilité des précipitations», alerte le Pr Ali Daoudi, à l’occasion de son passage, hier, au micro de Chaîne III de la Radio nationale. Pour ce faire, l’invité de la radio recommande «d’augmenter les surfaces irriguées, dédiées à la céréaliculture et d’adapter les itinéraires techniques aux spécificités territoriales». Toujours dans ce même ordre d’idées, le chercheur en agronomie juge que pour «sécuriser la production céréalière du pays, il faudra tout au moins multiplier à grande échelle les surfaces irriguées consacrées exclusivement à la céréaliculture».
Il arguera dans ce sens : «Alors que nos besoins en céréales primaires (blé tendre, dur et orge) ne cessent de croître d’année en année, les rendements moyens enregistrés ces cinq dernières années ont tourné autour de 16 quintaux à l’hectare. Un taux des plus faibles dans la région méditerranéenne dont on déduit vite qu’il est primordial de passer à des rendements supérieurs.» Dans cette perspective, l’agro économiste insiste que «même si on a déjà du mal à augmenter l’irrigation d’appoint, il faut être plus ambitieux et envisager d’avoir structurellement quelque 200 000 hectares de céréales chaque année, en irrigué, avec des niveaux de rendements élevés entre 50 et 65 quintaux à l’hectare en moyenne, pour stabiliser environ 20 millions de quintaux de production. C’est fondamental si l’on veut sécuriser l’approvisionnement du marché.» Quant à la question comment compenser la différence pour répondre à la demande de consommation nationale, Ali Daoudi dira : «Il faudra surtout s’employer à développer la recherche en la matière, et entre autres, adapter les itinéraires techniques aux spécificités territoriales.» En clair, selon lui, «pour gagner le pari du rendement, il faut une agriculture territorialisée. On ne peut pas appliquer les mêmes techniques à Constantine qu’à Sidi Bel Abbès, car les céréaliculteurs de ces deux régions sont dans des conditions naturelles complètement différentes. Autrement dit, à chaque région, son modèle d’itinéraire technique». Abondant dans ce sens, il a signifié que «cette adaptation territoriale inclut des variétés de semences précises.» Et d’expliquer dans la foulée : «Il faut soutenir l’effort consenti par l’Institut des grandes cultures (ITGC) dans la production de variétés de semences adaptées aux différents territoires de l’Algérie». Toutefois, l’enseignant chercheur déplore «l’absence d’un programme qui coordonne les différentes recherches sur la céréaliculture», menées, selon lui, «en rangs dispersés». Il appelle donc «à investir, dès aujourd’hui, dans la recherche agronomique participative et territorialisée pour produire les solutions d’intensification adaptées pour demain.»
Lâchant avec beaucoup d’inquiétude : «Si rien n’est fait dans ce sens, nous serons dans vingt ans encore au même niveau de production céréalière reposant sur la pluviométrie de plus en plus faible, engendrant donc de très faibles rendements, alors que notre niveau de consommation sera de plus en plus élevé par l’effet de la poussée démographique.» En somme, pour ce dernier, «nous sommes condamnés à mettre en place d’autres modèles de production dont l’irrigation est un élément important. C’est pour cela qu’il faut lui donner la priorité absolue si l’on veut sécuriser nos besoins de consommation en céréale primaire», a-t-il enfin préconisé. n