Ouvert mercredi dernier à la Cour d’Alger, le procès en appel de l’affaire Mahieddine Tahkout a repris hier matin par l’audition de l’actuel et l’ancien directeur de l’Entreprise de transport urbain et suburbain d’Alger (Etusa), ainsi l’ancien directeur général de l’Office national des œuvres universitaires (ONOU).

Avec Karim Yacine, l’actuel directeur de l’Entreprise de transport urbain et suburbain d’Alger (Etusa), le juge s’est attardé sur les conditions dans lesquelles avait été conclus les marchés de location de bus à l’entreprise de l’ex-homme d’affaires. Le «fond» de cette «affaire» dans l’affaire, liée, pour rappel, à la «corruption» et jugée en première instance au Tribunal de Sidi M’Hamed, reste, en effet, le soupçon d’éventuelles commissions, pots-de-vin et trafic d’intérêt entre les anciens responsables, responsables politiques et l’homme d’affaires.
Questionné par le juge à propos de ces contrats d’affrètement d’autobus, conclus par l’Etusa avec l’entreprise de Mahieddine Tahkout, des marchés ayant au total abouti à la location des près de 1 000 bus avec chauffeur, à un tarif de 19 500 dinars par véhicule et par jour, Karim Yacine – venu librement au Tribunal – a fait savoir en substance que cette «solution» avait été rendue nécessaire par l’urgence de la situation des transports, mais aussi par la législation «imposant l’achat d’autobus fabriqués en Algérie». En effet, arrivé à la tête de l’Etusa en 2008, le responsable explique que «l’Etusa avait besoin de plus de bus. En 2009, j’ai demandé l’achat de 300 bus. J’ai eu l’accord, cependant, ce devait être des bus de la SNVI». Une demande du gouvernement qui s’est, cependant, heurtée aux capacités réelles de production de la SNVI et aux retards bureaucratiques. «Ce n’est qu’en 2014 que j’ai eu l’accord final pour l’achat des bus et, en 2015, nous avons reçu les 50 premiers bus SNVI».
Capacités qui restaient cependant largement insuffisantes pour la SNVI, d’autant que Karim Yacine explique que la seule capitale «aurait besoin d’un minimum de 2 000 véhicules». Le responsable a, par ailleurs, défendu l’option de l’affrètement, comme étant la solution la plus rentable économiquement. «Nous avions fait une étude, le coût de l’achat et de l’exploitation d’un bus aurait été de 36 000 dinars par jour pour l’Etusa. Alors que l’affrètement revenait à 19 000 dinars. Et j’ajoute que c’est une opération normale, toutes les compagnies dans le monde y ont recours». Se défendant de toutes malversations, le responsable a fait savoir, entre les lignes, qu’il devait également trouver des solutions aux «pressions» de la tutelle : «le transport est une question de sécurité publique, on ne peut pas se permettre d’avoir des problèmes dans les rues.» Autre responsable entendu, l’ancien directeur général de l’ETUSA, Abdelkader Benmiloud, a nié les accusations dirigées contre lui. Il s’est défendu d’avoir convenu avec l’ancien wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, d’accorder des avantages à l’opérateur Tahkout, assurant avoir laissé des «garanties bancaires» à l’ETUSA avant son départ. L’ancien directeur général de l’Office national des œuvres universitaires (ONOU), Bouklikha Farouk, égalenment entendu dans cette affaire, a nié toutes les accusations portées contre lui, dont l’octroi d’avantages à l’entreprise de Tahkout, précisant qu’un cahier des charges liait déjà l’ONOU et ladite entreprise avant son installation.
Des argumentaires qui pour l’heure ne répondent pas à la situation de quasi-monopole dont a bénéficié Mahieddine Tahkout. La réponse devrait être donnée dans les prochains jours avec le passage à la barre du principal accusé ainsi que plusieurs anciens ministres.
Le jugement en appel avait abouti à la condamnation de Mahieddine Tahkout à 16 ans de prison ferme, assortie d’une amende de 8 000 000 dinars, et avait également condamné les anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal à une peine de 10 ans de prison ferme et 500 000 dinars d’amende chacun. Le même jugement rendu le 14 juillet dernier avait, par ailleurs, réclamé l’indemnisation du Trésor public à hauteur de 309 milliards de dinars. <