Le procès en appel, débuté le 28 octobre dernier et marqué durant les premiers jours par l’audition des responsables locaux, dont ceux de l’Etusa, des œuvres universitaires et des directions de l’industrie, s’est poursuivi jeudi dernier par l’audition du principal accusé. L’ancien homme d’affaires Mahieddine Tahkout, qui comparaît sur le banc des accusés aux côtés des membres de sa famille, mais aussi d’anciens responsables politiques de premier plan, a ainsi nié en bloc toutes les charges de corruption et d’indus avantages retenues contre lui. Des déclarations et des dénégations qui n’ont, cependant, pas convaincu le Trésor Public. Son représentant Maître Zakaria Dahlouk a réclamé, lors de son plaidoyer, le remboursement de pas moins de 309 milliards de dinars de préjudice.
En effet, interrogé par le juge sur les dossiers des marchés de transport des étudiants, la location d’autobus, ainsi que sur la question des avantages reçus dans le cadre de la politique de montage automobile, Mahieddine Tahkout, auditionné par visioconférence depuis sa prison de Babar (Khenchela), a expliqué que la transaction conclue entre sa société et l’Entreprise de transport urbain et suburbain d’Alger (Etusa) était « légale et faite suivant un appel d’offres ». Un marché particulièrement important, le Directeur de l’Etusa Karim Yacine avait indiqué qu’il portait sur la location des près de 1 000 bus (avec chauffeur), à un tarif de 19 500 dinars par véhicule et par jour.
Quant aux marchés du transport des étudiants, un dossier où la justice soupçonne l’existence de liens d’intérêt entre l’homme d’affaires et les responsables au niveau local et national avec, en filigrane, le détournement des fonds publics au travers de marchés artificiellement « gonflés », Mahieddine Tahkout a de la même manière nié avoir « exercé des pressions sur les cadres de l’Office des œuvres universitaires pour l’obtention de marchés ou de privilèges ». Ses relations avec le ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque étant, selon l’accusé, « anciennes, depuis 1995 » et sans lien avec le dossier. Ajoutant par ailleurs, et comme preuve de sa bonne foi, que le contrat avec les œuvres universitaires (Onou) avait connu des difficultés, déclarant en substance selon l’APS que « si j’avais joui de privilèges (…) je n’aurais pas eu à ester en justice l’Onou pour recouvrer les sommes dues ».
Argumentation allant dans le même sens en ce qui concerne le dossier du montage automobile. Affirmant qu’il avait pratiqué « cette activité de manière légale suivant un cahier des charges élaboré par le ministère de l’Industrie ». D’autant que la commission interministérielle, dépêchée par l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal à son usine, « n’a relevé aucun dépassement »… Les déclarations de Mahieddine Tahkout, condamné, pour rappel, en première instance à 16 ans de prison ferme et une amende de 8 000 000 dinars, n’ont cependant pas convaincu la partie civile. Le représentant du Trésor Public a ainsi demandé le remboursement de 309 milliards de dinars au titre des marchés et avantages frauduleux. Expliquant notamment que le groupe Tahkout avait obtenu près de 100 millions de dinars pour les activités de transport urbain.
Le montage automobile, une question « géo-économique »
Affaire judiciaire où les noms de plusieurs anciens responsables politiques sont également cités, l’audience de mercredi a ainsi été l’occasion d’entendre l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal. Ce dernier, reprenant la même stratégie de défense que lors du procès Haddad, a notamment réfuté tout octroi d’avantage à l’entreprise Cima Motors de Mahieddine Tahkout, assurant que le traitement du dossier « a suivi la voie légale comme pour tous les autres opérateurs dans le domaine de l’importation de véhicules ». L’ancien Premier ministre a par ailleurs « surpris » en déclarant que la très coûteuse politique d’industrie de montage automobile avait été une nécessité « géo-économique » pour l’Algérie. Une décision de passer au montage de véhicules au lieu de les importer, qui « dérangeait certains pays limitrophes qui importaient annuellement 400 000 véhicules ». Ces mêmes pays auraient ainsi mené une « guerre économique » afin de « briser l’étape de fabrication et de montage que l’Algérie avait entamée ». Abdelmalek Sellal ainsi qu’Ahmed Ouyahia avaient, pour rappel, été condamnés en première instance par le Tribunal de Sidi M’Hamed à une peine de 10 ans de prison ferme et 500 000 dinars d’amende chacun. n