Par Feriel Nourine
La première semaine qui a suivi l’entrée en vigueur du plafonnement du prix du pétrole russe par l’Union européenne, le G7 et l’Australie a plus impacté les circuits de distribution de l’or noir que ses prix. Ceci d’autant qu’en plus de ce mécanisme qui fixe la référence de brut russe (l’Oural) à 60 dollars, l’Europe opère un embargo sur l’achat de pétrole de pays via la voie maritime.
Ces mesures renforcent le dispositif de sanctions mis en place par les Occidentaux contre la Russie et se veulent, en premier lieu, une arme destinée à frapper le troisième exportateur mondial de pétrole dans ses sources de financement de sa guerre en Ukraine. Côté prix, ce sont plutôt les perspectives macroéconomiques mondiales qui continuent à faire peser de lourdes craintes sur la demande, faisant reculer sensiblement le baril.
Le marché s’est, certes, légèrement ressaisi jeudi, mais les prix des deux références européenne et américaine ont repris le chemin inverse, vendredi, au dernier jour de la semaine, pour rester très proches de leurs plus bas depuis 12 mois.
Ainsi, le Brent de la mer du Nord s’est échangé à 75,06 dollars, alors que le WTI était descendu jusqu’à 70,08 dollars. Une remontée timide a été amorcée par la suite, et les deux références s’échangeaient à respectivement 76,82 dollars et 71,59 dollars durant le même jour de clôture.
Depuis le début de la semaine, les nouvelles théoriquement favorables à une ascension des cours se sont succédé, sans parvenir néanmoins à arrêter la chute de l’or noir, lequel a vu ses prix perdre 12 dollars entre lundi et vendredi. Une évolution qui pousse des analystes à parler de «déroute totale».
Pourtant, les déclarations de Vladimir Poutine à l’encontre du plafonnement devraient stimuler davantage les cours. Le Président russe a réaffirmé la position de son pays face au plafonnement, menaçant l’Occident de «réduire la production» de pétrole russe «si nécessaire», quelques jours après son introduction.
«On réfléchira à une éventuelle réduction de la production si nécessaire», a déclaré M. Poutine lors d’une conférence de presse à Bichkek, en marge d’un sommet régional. Pour le chef du Kremlin, le mécanisme voulu depuis plusieurs mois par l’Occident, et mis en application le 05 décembre par l’UE, le G7 et l’Australie est «une décision stupide». «Le plafond proposé (à 60 dollars) correspond aux prix auxquels nous vendons aujourd’hui. En ce sens, cela ne nous affecte en rien», a-t-il relevé face aux journalistes.
Le cours du baril de pétrole russe évolue, en effet, autour de 65 dollars, soit à peine plus que le plafond européen, impliquant un impact limité à court terme. Pour les pays importateurs de pétrole russe, «suivre cette solution nocive ‘non-marchande’ serait stupide pour tout le monde», a ajouté le Président russe devant les journalistes.
Un tel mécanisme «concerne tout le monde», a dit M. Poutine, expliquant que «si quelqu’un convient une fois que le consommateur déterminera le prix, cela conduira à l’effondrement de l’industrie (pétrolière), car le consommateur insistera toujours pour que le prix soit le plus bas possible». Partant, «nous ne serons perdants sous aucun prétexte», a-t-il encore assuré.

Plafonnement des cours du gaz : les inquiétudes de la BCE
L’autre projet de Bruxelles de plafonner les cours du gaz dans l’UE continue, lui aussi, à faire parler de lui, toujours sur fond de vives divergences entre les pays membres de l’UE.
Pour sa part, la Banque centrale européenne (BCE) a alerté sur le risque de ce mécanisme de «compromettre la stabilité financière de la zone euro». Dans une note publiée jeudi, la BCE reconnaît que ce mécanisme visant à modérer les prix extrêmes sur le marché de gros «peut en principe, atténuer un certain nombre de risques pour la stabilité financière», mais met vigoureusement en garde contre des effets indésirables.
«La conception actuelle du mécanisme proposé peut, dans certaines circonstances, compromettre la stabilité financière dans la zone euro», avertit cette note signée par la présidente de l’institution de Francfort, Christine Lagarde. Il peut également «accroître la volatilité», faire s’envoler «les appels de marge» –montants que les opérateurs de marchés doivent bloquer pour garantir leurs transactions, au risque qu’ils n’aient plus les liquidités suffisantes–, et «remettre en cause la capacité des contreparties centrales (sur les marchés régulés) à gérer les risques financiers».
Surtout, imposer un plafonnement sur le seul marché néerlandais TTF pourrait inciter les acteurs du secteur énergétique à migrer vers des transactions de gré à gré, en dehors des marchés réglementés et sans chambre de compensation pour garantir la concrétisation des échanges, s’alarme-t-elle.
Pour rappel, la Commission européenne a proposé, le 22 novembre dernier, un dispositif visant à plafonner pour un an les prix de certains contrats à terme sur le marché gazier de référence TTF pour contrer toute nouvelle flambée des cours énergétiques, mais les Etats membres se déchirent depuis sur les conditions permettant de déclencher ce plafonnement. <